Le quotidien The Guardian a republié un article de William Horsfall Carter (1900-1976), un célèbre journaliste britannique qui a travaillé au Foreign office de 1943 à 1951. Le contexte de tension politique entre Londres et Madrid sur Gibraltar a contribué à remettre au goût du jour un papier vieux de 73 ans.
La jeunesse phalangiste poussait le dictateur Franco à profiter de la débâcle de la France pour envahir tout le Maroc. Un objectif qui leur paraissait réalisable sachant qu’ils avaient la connaissance du terrain. La majorité de l’armée de Franco a combattu dans le nord du royaume. Le dictateur, lui-même, avait servi des années dans le Rif. Il doit d’’ailleurs son titre de général de 1926, à ses nombreuses batailles contre les troupes d’Abdelkrim El Khattabi.
Outre ce facteur, le journaliste britannique avance que durant la première guerre mondiale, le Maroc sous occupation espagnole aurait «servi de base arrière pour la propagande contre le protectorat français, et plus tard des agents allemands se sont arrangés pour fournir aux Rifains, de l’argent, des armes et des munitions».
Et on arrive à Gibraltar
«Pendant la guerre espagnole (1936-1939), les Allemands ont installé, à Ceuta, des grands canons, suffisamment puissants pour perturber le trafic maritime dans le port du Gibraltar», assure le journaliste, William Horsfall Carter. Et ce n’est pas tout, les hommes d’Hitler ont mis en place, cette fois à Melilla, «une base aérienne» en vue d’une attaque sur le Rocher.
Le zèle manifeste des nazis n’est pas partagé par les Espagnols. Ils savent, toujours selon l’auteur, que la victoire des pays de l’Axe (Allemagne et Italie, en 1940 le Japon ne les a pas encore rejoint dans la guerre) sur la Grande-Bretagne est impossible, alors ils souhaitent une occupation totale du Maroc, considéré comme un espace vital pour Madrid. Un moyen à même d’assurer la résurrection de l’empire espagnol. Même si pour la reine Isabella (1833-1868), l’invasion du Maroc était essentielle dans la mesure où elle épargnerait à son pays de subir des attaques des musulmans.
Le journaliste termine son article par s’interroger sur la nature de la décision que devrait prendre Franco. Juillet 1940, le dictateur était partagé entre son ambition de coloniser tout le Maroc et les exigences de son alliance avec les Allemands ; ses amis qui l’avaient aidé à gagner la guerre civile contre les Républicains. Les nouveaux maîtres de la France ne pourraient accepter que le gouvernement de Vichy qu’ils ont fraichement installé, soit déplumé du royaume. Le journaliste estime que Franco avait encore une carte en main : se rapprocher des britanniques afin qu’ils lui cédent Gibraltar. Une petite consolation pour la perte du Maroc qui n’arrivera jamais.