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Jannat Al Baqi ou le plus ancien cimetière de l’islam démoli par les Wahhabites


Les pèlerins en visite ces derniers jours en Arabie saoudite pour accomplir le hajj, se rendent égalemment à Al Masjid an Nabawi à Médine. C’est à côté de cette deuxième mosquée de l’islam, construite par le Prophète et ses compagnons à l’endroit où s’est tenue la première prière du vendredi à Médine, qu’un imposant cimetière est localisé.

Trois ans seulement après Al Hijra, désignant le départ du Prophète Mohammed et de plusieurs de ses compagnons de La Mecque vers l’Oasis de Yathrib, ancien nom de Médine, en 622, un premier compagnon décède. Le Prophète Mohammed ordonne alors de transformer un lieu (en face de la partie sud-est d’Al Masjid an Nabawi), en cimetière des musulmans.

Si Jannat fait référence au paradis, Al Baqi signifie littéralement un jardin d’arbres. Le nom complet, Jannat Al Baqi Al Gharqad, fait aussi référence à une formation végétale caractéristique des régions méditerranéennes, proche du maquis.

Des compagnons, Ahl Al Bayt et des imams reposent à Al Baqi

Jannat Al Baqi, choisie par le Prophète lui-même, est célèbre pour son caractère sacré, car il accueille des milliers de compagnons et plusieurs dizaines de proches du Prophète de l’islam. Ce cimetière est, selon l’Encyclopédie de l’Islam, le plus ancien et le plus important cimetière islamique de l’histoire. «Bien qu’il y ait, dans le cimetière d’al-Maālā, à la Mecque, des tombeaux (tels que celui de Khadīja) attribués à des musulmans morts avant l’hijra, le cimetière de Médine est le premier cimetière exclusivement musulman», ajoute-t-on.

Une ancienne photo de Jannat Al Baqi. / Ph. DRUne ancienne photo de Jannat Al Baqi. / Ph. DR

Le site Al-Islam précise que le premier compagnon enterré à Jannat Al Baqi était Uthman Ibn Madhoon, décédé le 3 de Chaabane de la troisième année de l’hégire. Mais avant lui, c’est un autre musulman, Assaad Ibn Zarara An Ansari, des Ansar de Yathrib qui y sera enterré, à en croire Annabaa. Quant à Uthman Ibn Madhoon, le Prophète aurait même participé à son inhumation, en plaçant deux pierres au-dessus de la tombe de son compagnon.

C’est donc à cette période que Jannat Al Baqi s’érige en lieu d’enterrement des musulmans. «Près de 7 000 compagnons du Saint Prophète (PBUH) sont enterrés à Jannat Al Baqi. Ceux-ci incluent Uthman ibn Madhun, Uthman ibn Affan et As’ad ibn Zurarah. Parmi les membres de la famille du prophète qui sont enterrés dans cette ville figuraient Abbas, l’oncle du prophète, Fatima Bint Assad, sa tante et Hassan ibn Ali, son petit-fils», raconte The Muslim Vibe. Même Ibrahim, le fils du Prophète, décédé en bas âge, et ses tantes Safiya, Aatika et Fatima, y seraient également enterrés, comme toutes les épouses de Mohamed à l’exception de Khadija bint Khuwaylid et de Maymunah bint Harith.

Au fil du temps, le cimetière accueillera aussi l’imam Malik ibn Anas, père du madhhab sunnite maliki, et d’autres imams de la doctrine chiite, comme l’imam Jafar Al-Sadiq, le sixième imam de cette doctrine.

Un lieu visité à plusieurs occasions par le Prophète lui-même

Jannat Al Baqi n’étant pas un cimetière ordinaire, le Prophète Mohamed avait l’habitude de le visiter à plusieurs reprises. Selon plusieurs hadiths rapportés par le site Al-Madina, des récits rapportés par Aïcha Bint Abou Bakr, la femme du Prophète, affirment que celui-ci se rendait la nuit à Jannat Al Baqi. Il aurait dit à sa femme, une nuit, que Dieu lui a «ordonné» de visiter les musulmans d’Al Baqi pour leur implorer le pardon.

Une ancienne photo de Jannat Al Baqi. / Ph. DRUne ancienne photo de Jannat Al Baqi. / Ph. DR

Selon The Muslim Vibe, on dit aussi que Mohammed saluait ceux qui ont été enterrés à Jannat Al-Baqi en disant : «La paix soit sur vous ! Si Dieu le veut, nous devrions bientôt vous rejoindre. O ‘Allah, pardonne aux membres d’Al Baqi.»

Le Prophète avait pourtant interdit de visiter les tombes. Mais il aurait, selon le hadith d’Abou Said Al-Khudri, rapporté dans Musnad Ahmad ibn Hanbal : «Je vous avais déconseillé de visiter les tombes, visitez-les désormais, car elles vous rappelleront l’Au-delà». Musnad Ahmad ibn Hanbal érige même la visite de Jannat Al Baqi comme une sunna pour les visiteurs de Médine.

Les archives et les historiens s’accordent à affirmer que le cimetière était orné de coupoles, de dômes et de mausolées, en particulier autour des tombes principales.

Au cours des siècles, Jannat Al Baqi est resté un lieu sacré. Des travaux de rénovation y ont même été effectués à la demande, jusqu’à l’apparition de la daaoua wahhabite, au début du XIXe siècle. 

«Aujourd’hui, le cimetière est une propriété vide sans bâtiments ni monuments, une étendue de randonnée adjacente à la deuxième mosquée la plus sainte du monde», écrit Adeel Mohammadi dans un article publié dans le «Journal of Middle East Studies» de l’Université de Toronto, paru en 2015.

Une illustration de Jannat Al Baqi avant qu'il ne soit rasé. / Ph. DRUne illustration de Jannat Al Baqi avant qu’il ne soit rasé. / Ph. DR

Deux destructions par les Wahhabites

Nous sommes en 1744. Deux hommes forts à Al Hijaz, Mohammed Ibn Saoud et Mohammed Ibn Abdelwahhab, cofondateurs du premier État saoudien, viennent de conclure un pacte pour propager les doctrines de la da’oua wahhabite.  

Une conquête est alors lancée avant de toucher l’ensemble de la péninsule arabique. Les wahhabites parviennent ainsi à conquérir La Mecque et Médine au début du XIXe siècle.

Leur doctrine ayant comme base l’éradication de certaines pratiques et le «retour aux pratiques en vigueur du Prophète et ses premiers successeurs ou califes», leur mouvement fait du combat contre les intercessions à travers les saints et les visites des tombes son fer de lance.

C’est en 1806 qu’ils envahissent Médine, selon la plateforme Al-Islam. «En 1818, ils entrèrent dans La Mecque et détruisirent tous les lieux et dômes sacrés, y compris celui autour du puits de Zamzam. En 1821, les wahhabites sont entrés dans Madina pour profaner Al Baqi ainsi que toutes les mosquées qu’ils rencontraient», raconte-t-on.

J.L. Burckhardt, un Européen étant passé à Médine en 1815, près de dix ans après la destruction initiale de Jannat Al Baqi, avait décrit, selon Adeel Mohammadi, des ruines de dômes et de bâtiments jonchant le cimetière. Cependant, ces tombes et ces mausolées en ruine n’auraient «pas empêché les musulmans de poursuivre leurs pratiques à Al Baqi». «De toute évidence, la destruction physique ne suffisait pas pour empêcher ces pratiques», précise-t-il.

Une ancienne photo du cimetière d'al-Maālā, à la Mecque. / Ph. DRUne ancienne photo de Jannat Al Baqi. / Ph. DR

Mais, en 1818, le calife Ottaman Abdul Majid et ses successeurs, les califes Abdul Hamid et Mohamed, procèdent à la reconstruction de tous les lieux sacrés de l’islam, à la Mecque et à Médine. Jannat Al Baqi est alors restaurée, notamment en 1848 et en 1860.

«Richard Burton, qui a visité les sanctuaires sacrés en 1853 après JC, déguisé en musulman afghan et adoptant le nom musulman Abdullah, parle de Madina, qui possède 55 mosquées et sanctuaires sacrés. Un autre aventurier anglais qui a visité Madina en 1877-1878, décrit cette ville comme une belle petite ville ressemblant à Istanbul.»

Récits d’Européens ayant visité Médine

Mais, les Wahabis envahiront à nouveau la Mecque en 1924 puis Médine en 1925, détruisant plusieurs monuments, y compris Jannat Al Baqi. Des manifestations sont alors organisées dans plusieurs pays pour appeler à la restauration de ces bâtiments islamiques détruits et ce cimetière sacré.

Un appel qui est repris, de nos jours, notamment par les chiites, Jannat Al Baqi étant le lieu où reposent Hasan Ibn Ali (2ème Imam), Ali Ibn Al-Husayn (4ème imam), Muhammad Ibn Ali (5ème imam) et Ja’far Ibn Muhammad (6ème imam), soit quatre des douze imams du chiisme duodécimain.





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