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Face aux émeutes de l’extrême droite, les musulmans du Royaume-Uni s’inquiètent


Après les hôtels hébergeant des demandeurs d’asile, ce sont les mosquées qui ont été directement prises pour cible. Au Royaume-Uni, plusieurs villes sont secouées par des violences xénophobes. Mais tout a commencé Southport, avec de fausses rumeurs alléguant que l’auteur d’une attaque au couteau serait «un immigré musulman radicalisé». Malgré les précisions de la police, qui a affirmé avoir identifié le mis en cause comme étant Axel Rudakubana, 17 ans et né en Grande-Bretagne, les manifestants d’extrême droite ont continué les émeutes, depuis la semaine dernière.

Dans la ville où le drame a fait désormais trois morts, la mosquée a été visée par des jets de projectiles, dès le 30 juillet. Des dizaines de policiers chargés de protéger le lieu de culte ont été blessés. Les jours d’après, les mosquées de Hartlepool et de Sunderland ont également été attaquées. Des magasins, mais aussi des cafés connus pour être tenus par des propriétaires musulmans, ont été saccagés. Auprès des médias britanniques, certains membres de la communauté ont livré leurs témoignages.

Des entrepreneurs musulmans s’interrogent sur l’intérêt de saccager des enseignes

Parmi eux, Mohammed Idris, propriétaire du café Bash à Belfast, a exprimé à BBC News NI ses craintes pour sa sécurité physique. La semaine dernière, son enseigne a été saccagée par des manifestants, qui ont demandé après lui en citant son nom. Dans la nuit, ils ont fini par incendier les lieux. Installé dans la ville depuis 2002, cet entrepreneur a déjà vu son magasin d’informatique pris pour cible, l’année dernière. «Ce café était un espoir, un lieu de communauté», a-t-il déploré.

Toujours à Belfast, le supermarché Sham a connu le même sort. Bashir, son directeur, a confié à la même source que les flammes avaient tout réduit en «cendres», au point où «rien n’a pu être sauvé». Sachant que le magasin a déjà été attaqué, l’entrepreneur déplore ce qu’il qualifie de «réponse inefficace» pour éviter que les faits ne se reproduisent. Il s’interroge aussi sur la finalité des émeutiers à viser des enseignes, pour le simple fait qu’elles soient tenues par des musulmans.

Au sein de la communauté, des bénévoles et des responsables de mosquées disent également s’être confrontés aux émeutiers. Mais à Liverpool, l’aumônier Adam Kelwick raconte avoir pris le parti d’adopter une approche différente, face à la violence des rassemblements.

Bénévoles musulmans et mosquées appellent à «ne pas se faire justice soi-même»

Egalement travailleur humanitaire pour Action For Humanity, Adam Kelwick a fait part de son expérience dans une tribune sur Metro UK. Bénévole à la mosquée Abdullah Quilliam de Liverpool, l’imam de 41 ans a indiqué être allé vers les manifestants venus tenir un rassemblement, vendredi dernier devant le lieu de culte. «Nous voulions garder nos portes ouvertes pour inviter les manifestants à entrer et à dialoguer avec nous et à les écouter, mais la police nous a informés que ce n’était pas prudent. Soutenus par des centaines de personnes de toutes confessions (…) nous avons attendu trois heures jusqu’à ce que les tensions s’apaisent pour nous engager», a-t-il écrit.

«Nous nous sommes approchés des manifestants en leur proposant de la nourriture. Certains nous ont d’abord ignorés, d’autres ont poliment dit non, mais certains ont fini par accepter. A partir de là, nous avons commencé à échanger des sourires, à discuter et ceux qui nous avaient initialement rejetés ont vu l’atmosphère chaleureuse qui se créait et ont réalisé qu’il y avait une opportunité pour quelque chose de plus constructif que la colère et la haine», affirme encore l’imam.

«Mon souhait le plus sincère est que si nous nous écoutons les uns les autres et apprenons les uns des autres, nous pourrons surmonter nos différences. Nous sommes tous humains, et si nous ne nous parlons pas, nous n’apprendrons rien les uns des autres.»

Adam Kelwick

Médecin de famille, le président de la mosquée, Dr Abdul Hamid, estime pour sa part qu’il existe un «peur de l’inconnu». «S’ils n’obtiennent pas de réponses, ils essaieront de trouver n’importe quelle excuse pour vous coller une étiquette», constate-t-il. Dans sa tribune, Adam Kelwick affirme d’ailleurs avoir été approché par l’un des manifestant, disant qu’il savait que le mis en cause de Southport n’était pas musulman, «mais qu’il en avait simplement assez de la police».

«En grattant sous la surface de ce qui se passait», l’imam conclut que «les gens n’étaient pas motivés par quelque chose en particulier, mais plutôt par un état de frustration générale». «Aucune des personnes à qui j’ai parlé n’a mentionné Southport», insiste Adam Kelwick auprès de la BBC.

Cité par The Guardian, mardi, le président du Conseil consultatif national des mosquées et des imams au Royaume-Uni (Minab), Qari Asim, a appelé sa communauté au calme et à la retenue. Dans ce sens, il souligne que «ce n’est pas aux musulmans de se faire justice eux-mêmes». «Les attaques ont naturellement provoqué la colère et effrayé de nombreux membres de la communauté musulmane (…) de nombreux jeunes musulmans veulent se défendre leurs institutions», a-t-il ajouté.

Pour autant, «se faire justice soi-même» serait «faire un cadeau» aux extrémistes, a encore insisté Qari Asim. «C’est le travail de la police et des autres autorités de protéger les individus et les mosquées (…) L’extrême droite veut provoquer les musulmans, renforcer les divisions et provoquer de violents affrontements dans nos rues», a averti le représentant.

Le gouvernement britannique promet la fermeté face aux «guerriers du clavier»

S’exprimant après une réunion d’urgence, ce mercredi soir, le Premier ministre du Royaume-Uni Keir Starmer a déclaré que les personnes impliquées dans des troubles dans certaines régions d’Angleterre et d’Irlande du Nord «peuvent s’attendre à être jugées par les tribunaux d’ici une semaine». Le responsable a insisté sur le fait que les communautés ciblées seraient «en sécurité», affirmant que son exécutif faisait «tout son possible pour garantir que la police intervienne en cas de besoin».

Pour sa part, la ministre de l’Intérieur Yvette Cooper a averti que «les guerriers du clavier» ne pourraient pas «se cacher». Leur actes seront «également passibles de poursuites et de lourdes sanctions», a-t-elle promis. Plus tôt, le directeur des poursuites publiques en Angleterre et au Pays de Galles a assuré être «disposé» à envisager d’inculper certains émeutiers d’infractions liées au terrorisme. Dans ce sens, il a dit être au courant «d’au moins un cas» où les faits peuvent être qualifiés comme tels par les juridictions.

Citant des sources policières, la BBC a rapporté, ce mercredi, que près de 6 000 agents de l’ordre public étaient mobilisés pour les prochains jours, notamment à Londres. Par ailleurs, un individu a été placé en détention, à la suite des violences survenus à Bolton dimanche.





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