Après avoir appelé à la tenue d’une «conférence extraordinaire» pour «sauver le Polisario de la disparation», Bachir Mustapha Sayed a franchi un nouveau pas. Dans un long article, le frère du fondateur du Front décline ce qui s’apparente à un programme électoral, avec des promesses, des ambitions et des critiques de la gestion de Brahim Ghali. Il a ainsi dressé un réquisitoire contre le bilan de la «reprise de la guerre» contre le Maroc, le 13 novembre 2020.
«La décision du retour aux armes a été prise dans des conditions généralement positives, avec des possibilités d’assistance et des vents favorables, mais c’est aussi la guerre», a-t-il reconnu. «L’ennemi a non seulement maintenu toutes ses capacités accumulées au cours des quinze premières années de la guerre (de 1976 à 1991, ndlr) mais il les a améliorées» a déploré Sayed. En revanche, le Polisario s’est lancé dans sa «guerre sans définir les objectifs et les étapes de leur réalisation», a-t-il noté. Un échec qu’il attribue «à l’absence de leadership» et «au caractère primaire des institutions».
Pour rappel, à la veille du 16e congrès, organisé en janvier 2013 dans les camps de Tindouf, Bachir Sayed avait indiqué que Brahim Ghali «n’a pas assumé sa responsabilité» dans la conduite de la «guerre» contre les Forces armées royales. «S’il avait su gérer ce dossier, sa notoriété aurait dépassé celles de Mustapha El Ouali et Mohamed Abdelaziz».
L’Algérie ménagée
Après la «guerre», l’évaluation de Sayed du bilan de l’activisme des associations proches du Polisario au Sahara est sans appel. «Nous nous sommes contentés d’un petit nombre de militantes connues de tout le monde qui se rassemblaient parfois dans une maison, entonnant des slogans et envoyant aux médias des photos d’elles et quelques descriptions des mesures répressives de l’ennemi.»
S’inscrivant en faux contre ses actions, il affirme que «le rejet de l’occupation par le peuple s’exprime par des affrontements, des manifestations et des sit-in». Pour mémoire, Bachir Mustapha Sayed, lors de son passage à la tête du «ministère des territoires occupés», de septembre 2016 à janvier 2020, avait condamné «l’opposition de salon» menée par Aminatou Haidar et Ali Tamek. En mai 2024, il avait appelé les partisans du Polisario au Sahara à commettre des attentats terroristes contre «l’occupation marocaine» et les «investissements étrangers» dans la province.
Dans sa feuille de route, Sayed n’a pas oublié de pointer les «réalisations de la diplomatie» du Polisario. Mettant la barre haute, il promet une «adhésion de la république sahraouie aux Nations unies».
Dans son réquisitoire, Bachir Mustapha Sayed n’a pas critiqué l’Algérie. En 2002, Alger n’avait pas apprécié son audace de négocier avec les Etats-Unis l’avenir du Sahara, sans son autorisation. En sa qualité de chef de la diplomatie, il avait proposé aux Américains une reconaissance de la «RASD» en échange de l’installation d’une base militaire, une fois le conflit résolu. Une initiative qui lui a valu une longue période de disgrâce.