De nombreux historiens confirment que la bataille de Zallaqa, appelée également bataille de Sagrajas, a eu lieu le neuvième jour du Ramadan de l’année 479 de l’hégire (1086 après JC). Elle permettra surtout d’assurer la présence des musulmans à Al Andalus pendant encore quatre siècles.
En l’an 1031, le règne des Omeyyades sur Al Andalus prend fin. Le pays est alors divisé en plusieurs petits États qui étaient en conflit les uns avec les autres. En effet, chaque prince a construit un État et a établi une classe dirigeante à partir de sa famille et de ses proches. Les Chrétiens, voyant une opportunité, commencent alors à s’immiscer dans les affaires de ces États et imposent même à certains d’entre eux le paiement d’un tribut.
Cette étape de l’histoire d’Al Andalus est connue sous le nom de «Royaumes des Taïfas». Ces États sont entrés dans des guerres féroces entre eux. L’État de Bano Abbad à Séville était l’un des plus puissants et contrôlait de vastes zones du sud de la péninsule ibérique. En 1068, le trône revient à Al-Mu’tamid ben Abbad à la suite d’une alliance avec le roi Alphonse VI de Castille pour annexer de nouvelles régions andalouses à sa royauté en échange d’un tribut. La situation profite aux Castillans chrétiens, à tel point qu’ils finissent par occuper Tolède en 1085.
Les Castillans ont commencé ainsi à envahir les pays musulmans, ce qui inquiètent les rois des Taïfas. Sentant le danger arriver, ils décident de demander l’aide de l’État almoravide. Dans son livre «Al-Mu’tamid ben Abbad», Ali Adham rapporte qu’une grande réunion se tient à Cordoue durant laquelle les rois des Taïfas conviennent de demander l’aide des musulmans d’Ifriqiya (les Zirides) pour protéger leurs royaumes. Toutefois, les mises en gardes du juge Abdullah bin Muhammad bin Adham pousseront les rois des Taïfas à se tourner vers Youssef ben Tachfine (1061 – 1106), sultan des Almoravides.
Alfonso VI écrasé par l’armée des almoravides
D’autre part, le roi de Castille, Alfonso VI, a préparé l’équipement et a demandé l’aide d’un groupe de principautés chrétiennes, dont Sanche Ier de León et de Navarre et le comte Bernard Raymond, gouverneur de Barcelone, rapporte Shawki Abu Khalil dans «Zellaqa dirigée par Youssef ben Tachfine». La même source indique que 13 des rois des Taïfas ont signé une lettre demandant l’aide de Youssef ben Tachfine.
Après avoir consulté un certain nombre de religieux, le sultan des Almoravides accepte l’invitation. En 1086, il traverse avec son armée depuis la ville de Ceuta et se dirige vers Algésiras pour y camper. Les rois des Taïfas s’engagent, à leur tour, rassemblant fournitures et soldats pour rejoindre l’armée almoravide, que ben Tachfine tenait à diriger lui-même.
Les deux camps campent, selon le livre de Shawki Abu Khalil, «près de Badajoz dans une plaine entrecoupée de forêts. La narration arabe l’appelle la pente glissante, ou la pente facile, soit Zellaqa, alors que la narration chrétienne l’appelle Sagrajas. Une petite rivière sépare les deux armées». «Ben Tachfine donne le choix au roi Alfonso VI entre trois options : se convertir à l’islam, payer le tribut pour les musulmans ou s’apprêter au combat s’il refuse les deux premières propositions (…)», indique la même source.
Le roi de Castille répond au sultan des almoravides, en déclarant à l’émissaire de celui-ci d’aller dire à son maître qu’il le rencontrera «sur le champ de bataille». Le livre «Zellaqa dirigée par Youssef ben Tachfine» indique que le jour de la bataille, «les combats acharnés ont duré quelques heures, et des milliers de soldats sont tombés par les épées almoravides». «Alfonso et son armée se sont retrouvés entre le marteau d’Ibn Abbad et l’enclume de ben Tachfine et seuls quatre cents ou cinq cents chevaliers, la plupart blessés, ont survécu avec leur roi», ajoute-t-on.
Après cette défaite, Alfonso VI a pu mobiliser une nouvelle armée. «Son ravitaillement provenait de France et de Normandie-Allemagne. L’esprit des croisades incita des régiments de volontaires chrétiens à se rendre en Espagne pour la soutenir dans sa lutte contre l’islam. Alors Al-Mu’tamid ben Abbad a de nouveau demandé de l’aide à Youssef ben Tachfine, qui revient donc avec son armée en l’an 1088. Il marche vers Murcie, où les musulmans étaient dans une situation critique à la suite des raids chrétiens, puis revient à Marrakech après que la situation se soit arrangée», poursuit la même source.
Des fatwas pour renverser les rois des Taïfas
Après cela, certains des rois d’Al Andalus tentent de consolider leur pouvoir, et certains d’entre eux n’ont pas hésité à nouer secrètement des amitiés avec Alfonso VI, espérant les aider. Youssef ben Tachfine l’apprend, demande des fatwas à des oulémas pour retourner à Al Andlaus et combattre les rois des Taïfas.
«Abu Hamid al-Ghazali et Abu Bakr al-Tartushi dans l’Orient islamique ont envoyé une lettre à Ben Tachfine l’exhortant à servir l’islam et lui donnant des fatwas concernant les rois des Taïfas. Ces preuves indiquant que des oulémas, des juristes, des juges, et même le calife de Bagdad ont ouvert la voie à Ben Tachfine pour renverser les rois des Taïfas.»
Extrait de «Zellaqa dirigée par Youssef ben Tachfine»
Le sultan almoravide traverse ainsi avec une improtante force armée de Ceuta à Algésiras avant de marcher vers Tolède. «S’approchant de la capitale de Castille, il fait marcher des bataillons de son armée vers diverses villes et se dirige lui-même vers la ville de Grenade, et commence à s’emparer de villes successivement», rapporte-t-on. Il retourne à Ceuta et marche vers Al Andalus par quatre armées à la fois, chacune sous le commandement d’un commandant spécial pour éliminer les rois des Taïfas. Le sultan almoravide décide que le premier coup serait porté au plus fort et au plus puissant d’entre eux : Al-Mu’tamid ben Abbad, roi de Séville. Sa chute entraîne la chute des autres.
Al-Mu’tamid a de nouveau supplié Alfonso pour lui envoyer des milliers de soldats, mais les Almoravides l’ont vaincu et l’ont capturé. Selon le même livre, «les Almoravides ont conquis tous les états d’Al Andalus : Grenade, Malaga, Jaén, Cordoue, Séville et Almeria, en un temps n’excédant pas dix-huit mois».
Ainsi, toute l’Espagne musulmane est passée aux mains des Almoravides en 1094, à l’exception de l’état de Saragosse, où Abu Jaafar Ahmed bin Hood a bénéficié de l’aide des Almoravides sans perdre quoi que ce soit de son autorité, en raison de sa position honorable bien connue face à l’avancée chrétienne.