Rendre hommage aux albums photographiques qui rassemblaient les familles dans les années 1980 tout en conscientisant le public sur leur richesse esthétique.

Les toiles présentées constituent un hommage aux albums de famille qui avaient la cote dans les années 1980, ainsi qu’à la nostalgie qui leur est associée jusqu’à aujourd’hui
C’est l’essence de l’œuvre de la peintre Yasmine Laraqui, qui expose jusqu’au 30 septembre à la galerie Mine d’art de Casablanca. Un travail délicat à mi-chemin entre le néo-impressionnisme et le cartoonish, jouant avec la nostalgie et offrant un voyage dans le temps immersif.
L’exposition, qui s’intitule «Album de famille», propose au public près d’une trentaine de toiles aux couleurs vives rappelant la teinte sépia des photographies anciennes. «A travers cette exposition, la galerie Mine d’art accompagne le retour de l’artiste internationale Yasmine Laraqui au Maroc, affirmant la maturité de sa démarche et marquant son inscription dans la scène contemporaine marocaine», nous confie la responsable de la galerie.
Les toiles présentées constituent un hommage aux albums de famille qui avaient la cote dans les années 1980, ainsi qu’à la nostalgie qui leur est associée jusqu’à aujourd’hui. «Cette exposition interroge la place particulière qu’occupe les albums photographique dans notre mémoire collective. Dans les années 1980, ces objets lourds, richement décorés et souvent choisis avec soin étaient incontournables, reflétaient non seulement les images qu’ils contenaient mais, aussi, l’esthétique de leur époque», tient à souligner l’artiste. «Des objets précieux et porteurs de mémoire, où chaque image révélait une attention particulière au cadrage et à la réflexion de la lumière», complète-t-elle sur un ton nostalgique.
Les peintures exposées visent également à conscientiser sur les dérives de la photographie numérique, en phase de remplacer définitivement l’objet sous sa forme purement matérielle. «Le numérique a facilité l’accès à la photographie ainsi que sa diffusion, mais il a aussi contribué à fragiliser sa conservation. Les albums, en tant qu’objets, revêtent une valeur esthétique et affective que les fichiers numériques n’ont pas», explique Laraqui. «L’analogique contraignait les photographes à réfléchir la lumière et la composition en faisant preuve d’une rigueur artistique que l’on retrouve moins aujourd’hui à travers le numérique. Avec seulement 36 poses sur la pellicule, chaque cliché devait être parfaitement anticipé», poursuit la peintre.
Des créations qui ont pour traits communs la superposition de couches de peintures successives ainsi que le floutage répété des visages. «Flouter les visages des personnages que je représente a été au départ un choix technique, lié à ma volonté d’épouser une approche néo-impressionniste. C’est ensuite devenu pour moi une manière d’évoquer, par le biais de ces visages que l’on ne reconnaît plus, l’oubli et la mémoire qui s’efface au fil du temps», conclut Laraqui.
Une artiste à la carrière internationale
Entrepreneure culturelle et designer multimédia née à Casablanca en 1989, Yasmine Laraqui est diplômée de l’Ecole nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy et de la School of Visual Arts de New York. Véritable globe trotteuse artistique, son travail a été exposé au Maroc, en France, aux Etats-Unis, en Espagne ou encore en Italie, lors de biennales et de foires internationales dont, notamment, la photo LA à Los Angeles.
Karim AGOUMI
«Les albums photographiques soudaient les familles»

Yasmine Laraqui, peintre et écrivaine
– L’Economiste: Pensez-vous que les albums photographiques des années 1990 jouaient un rôle dans l’unicité des familles de l’époque?
– Yasmine Laraqui: Oui, absolument! Ils rassemblaient, faisaient rire et parfois pleurer. Ces albums faisaient partie de la vie de famille et créaient des moments de partage autour de souvenirs communs.
– En quoi reflétaient-ils l’esthétique de cette période?
– A travers les caftans, leurs broderies, la forme des manches, les coupes de cheveux ou encore, les mises en scène. Tout cela reflétait le goût et l’esthétique d’une époque particulière aujourd’hui révolue.
– Aujourd’hui, avec l’avènement du numérique, l’album photographique se perd…
– Je pense que c’est davantage l’objet collectible qui manquera car, au fond, l’on pourra toujours se rassembler autour d’une tablette. Pour les puristes, il s’agit d’un non-deuil. Ils pourront toujours préserver cette pratique, bien qu’elle devienne de plus en plus coûteuse, cela sans compter la nécessité d’avoir accès à une chambre noire.
– Vous êtes aussi écrivaine et préparez d’ailleurs la sortie de votre prochain livre «Immersion». De quoi parle cet ouvrage?
– «Immersion» est l’histoire d’Oumnia, une jeune femme enlevée par des espions transhumains, qui suit une formation pour tenter de démanteler un réseau terroriste. C’est un récit qui interroge aussi notre rapport aux nouvelles technologies et à leurs dérives éventuelles.
Propos recueillis par Karim AGOUMI
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