Face à une situation préoccupante sur le front de l’emploi, le gouvernement Akhannouch a dévoilé une nouvelle stratégie censée répondre aux insuffisances constatées ces dernières années. Lors d’une réunion consacrée à la promotion de l’emploi, présidée mardi à Rabat par le Chef du gouvernement, les ministres Younes Sekkouri (PAM) et Nadia Fettah (RNI) ont détaillé des mesures ambitieuses pour inverser une tendance marquée par des résultats décevants en 2022 et 2023.
Des chiffres alarmants
Le marché de l’emploi au Maroc peine en effet à s’inscrire dans une dynamique vertueuse. Selon le Haut-Commissariat au Plan (HCP), une perte bet de 24 000 emplois a été enregistrée en 2022. Plus grave encore, en 2023, l’économie marocaine a enregistré une perte nette de 157 000 emplois. Cette baisse est principalement due à une diminution de 198 000 postes en milieu rural, compensée en partie par une création de 41 000 emplois en milieu urbain. Si les chiffres pour 2024 devraient être meilleurs (75 000 emplois nets créés sur les 9 premiers mois), les comptes ne sont toujours pas bons. Les statistiques sont bien en deçà des attentes pour un pays où le chômage atteint 13,6 % à l’échelle nationale et près de 40 % chez les jeunes (15-24 ans)
Le bilan à mi-mandat du gouvernement Akhannouch confirme ainsi l’écart béant entre les promesses électorales du RNI en 2021 et les résultats obtenus. Un des piliers de leur programme, la création d’emplois reposait sur quatre promesses : créer un million d’emplois nets en cinq ans, réformer et moderniser le marché de l’emploi, stimuler l’emploi dans les zones rurales, encourager l’entrepreneuriat et l’innovation.
Une stratégie pour relancer l’emploi
Conscient de ces lacunes, le gouvernement affirme vouloir passer à «la vitesse supérieure». Le ministre de l’Emploi, Younes Sekkouri, a présenté plusieurs initiatives dans cette optique :
• Programmes ciblés pour la formation par apprentissage et l’accompagnement des personnes sans diplômes, en partenariat avec l’ANAPEC.
• Soutien accru aux zones rurales, via des formations adaptées aux spécificités locales, réalisées dans le cadre de petites et moyennes entreprises.
• Simplification des démarches administratives pour favoriser l’accès aux opportunités, notamment pour les TPE et PME, identifiées comme moteurs de création d’emploi.
La ministre de l’Économie, Nadia Fettah, a pour sa part annoncé une enveloppe budgétaire de 14 milliards de dirhams dédiée à cette stratégie pour 2025. «Une stratégie claire sera dévoilée dans les prochains jours et mise en œuvre sur le terrain», a-t-elle affirmé, précisant qu’il s’agit «d’une stratégie opérationnelle pour traiter le dossier de l’emploi à court terme (jusqu’en 2026, soit l’année des prochaines élections législatives, ndlr), ainsi que d’un programme complémentaire à moyen et long termes visant à créer des opportunités d’emploi durables».
Si ces annonces marquent une volonté de remédier aux failles constatées, elles ne dissipent pas pour autant les interrogations. Les précédents engagements, comme ceux relatifs à la nouvelle Charte de l’Investissement ou aux plans sectoriels, n’ont pas produit l’impact escompté en termes d’emplois.
En outre, les défis structurels demeurent : inadéquation entre les compétences des jeunes diplômés et les besoins des entreprises, précarité de l’emploi rural aggravée par les années de sécheresse, et insuffisante attractivité des secteurs clés comme le tourisme ou l’agroalimentaire.
L’enjeu politique de cette stratégie n’est plus vraiment de répondre aux promesses électorales de 2021. Créer 500 000 emplois nets en 2025 et garder cette dynamique en 2026 relèverait du miracle. Si les créations d’emplois accélèrent sensiblement pour atteindre ne serait-ce que le rythme annuel promis (200 000/an), cela pourrait permettre aux partis de la majorité gouvernementale (RNI et PAM en tête) de relativiser leur échec… pour ensuite faire de nouvelles promesses électorales.