Traditionnellement, les familles marocaines ont toujours pu compter sur les grands-parents ou les voisins pour garder leurs enfants en leur absence. Cependant, un changement social notable est en train de s’opérer, particulièrement dans les grandes villes : de plus en plus de familles se tournent vers des solutions numériques, via des applications et des sites web, pour trouver des nounous, des baby-sitters ou même des étudiants à la recherche d’un emploi à temps partiel.
Ce phénomène, qui reflète l’évolution des modes de vie et les exigences de la modernité, suscite des débats, notamment en raison de l’inscription de jeunes, parfois âgés de moins de vingt ans, sur ces plateformes. Cette situation soulève des questions sur la sécurité, la compétence et la nature des relations entre les parties impliquées, alimentant ainsi les discussions sur les réseaux sociaux.
Dans ce contexte, Yabiladi a interrogé Mehdi Harith, co-fondateur de la plateforme nounou.ma, l’un des principaux sites marocains dans ce domaine, pour mieux comprendre le fonctionnement de ces plateformes et éclaircir les points de préoccupation.
La plateforme nounou.ma a été lancée en 2021, en pleine pandémie de COVID-19, lorsque son fondateur a éprouvé le besoin de trouver quelqu’un pour s’occuper de sa fille. «À ce moment-là, j’ai réalisé que de nombreuses familles faisaient face au même problème, ce qui m’a inspiré à créer un espace en ligne pour mettre en relation les familles avec des prestataires de services de garde d’enfants.»
Selon Mehdi Harith, la plateforme n’emploie pas directement les nounous ou les gardiens, mais sert d’intermédiaire entre l’offre et la demande. Toute personne légalement autorisée à travailler au Maroc peut s’inscrire, en fournissant des informations de base, une photo et une copie de leur carte d’identité nationale pour vérification. Bien que la plateforme n’exige pas de certificat ou de diplôme, elle propose une section dédiée pour améliorer la visibilité des profils dans les résultats de recherche.
Sécurité des Clients et des Prestataires : À qui la Responsabilité ?
Harith souligne que nounou.ma ne peut être tenu légalement responsable des interactions entre clients et prestataires, déclarant : «Nous ne connaissons personnellement aucune des parties et précisons dès le départ que la plateforme n’est qu’un intermédiaire.»
Néanmoins, les deux parties peuvent se vérifier mutuellement : la famille peut demander un casier judiciaire, et le prestataire a le droit de demander une copie de la carte d’identité de la famille. Les familles peuvent également laisser des avis après le service, favorisant ainsi la transparence.
«Nous recevons des plaintes comme des allégations de vol ou de non-paiement. Nous ne supprimons pas automatiquement le compte, mais demandons à la partie affectée de laisser un commentaire ou une note sur le profil de l’autre partie pour avertir les autres utilisateurs. Cependant, vérifier la validité de la plainte n’est pas de notre ressort.»
Mehdi Harith
Débat sur les Prestataires Masculins
La présence de jeunes prestataires masculins est l’autre point d’achoppement. Certains estiment que la société marocaine n’est pas encore prête à accepter qu’un jeune homme s’occupe d’un enfant. «Nous faisons face à une barrière culturelle claire», répond Harith. «Faut-il forcément qu’une fille s’occupe des enfants ? Et si le jeune homme est plus apte à interagir avec eux ?»
Selon le site, plusieurs jeunes hommes ont reçu des avis positifs de la part des familles. Le fondateur précise que certains étudiants sont particulièrement recherchés pour aider les enfants avec leurs devoirs, un rôle qui dépend davantage de la compétence que du genre.
Le site propose des outils comme un système de notation et la géolocalisation pour faciliter la recherche de prestataires à proximité. Cependant, des défis subsistent, notamment le manque de formations professionnelles claires dans ce domaine.
«Il est nécessaire d’intégrer cette spécialité dans les institutions de formation professionnelle comme l’OFPPT. Certaines nounous gagnent entre 4 000 et 5 000 dirhams par mois sans formation. Vous imaginez le potentiel si elles étaient qualifiées ?»
Mehdi Harith
Il appelle également à un cadre légal garantissant les droits sociaux des prestataires, les reconnaissant comme des travailleurs indépendants avec une couverture santé et des horaires flexibles.
Mehdi Harith estime que la demande de services de garde d’enfants au Maroc est en hausse et s’étendra aux villes moyennes et petites, surtout avec l’évolution des modes de vie et le recul de la dépendance aux grands-parents. «De nombreux grands-parents souhaitent aujourd’hui profiter de leur retraite paisiblement, pas élever des petits-enfants», conlut Mehdi Harith.