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Un médecin marocain de retour de Gaza témoigne

Un médecin marocain de retour de Gaza témoigne

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Anesthésiste-réanimateur à l’hôpital provincial Hassan II de Khouribga, le docteur Abdelkbir Hassini met ses compétences au service de tous les cas nécessitant une intervention de sa spécialité, depuis près de trente-cinq ans. Son action joignant l’essence du serment d’Hippocrate, il a fait partie d’une mission humanitaire internationale intervenue dans la bande de Gaza, du 29 mai au 12 juin 2025, pour soutenir le personnel médical palestinien présent sur le terrain. A travers l’ONG Rahma, basée à Beverly Hills, le praticien membre de la coordination marocaine Médecins pour la Palestine a été mobilisé pendant quinze jours à Khan Younès, avec des collègues de diverses spécialités venus d’Australie, d’Allemagne, du Royaume-Uni et des Etats-Unis.

«Avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS), cette structure est l’une des rares à pouvoir organiser actuellement des missions humanitaires internationales dans la bande de Gaza. Malgré les restrictions sur les stocks, nous avons également pu acheminer avec nous quelques denrées médicales, du matériel et des composantes vitales pour nos opérations. Les quantités ont dû être limitées pour éviter d’éventuelles saisies, mais nous avons pu accéder avec quelques lots», nous explique le médecin.

A peine de retour au Maroc, Dr Hassini a déjà repris du service, marqué par une mission intense en temps de siège total sur la bande de Gaza. Entre deux interventions en anesthésie et réanimation, il confie à Yabiladi l’ampleur des ravages de presque trois ans d’offensives de l’occupation israélienne dans la région, où «l’infrastructure médicale est pratiquement hors service».

«Mon affectation témoigne bien de cette situation que tous les mots ne sauraient décrire. Initialement, je devais rejoindre l’hôpital Nasser, le plus important hôpital de référence restant à Gaza. Mais faute de moyens sur place pour mener les actes médicaux de nos spécialités, nous avons été rattachés à Al Amal, considérant aussi que l’ensemble de l’infrastructure hospitalière dans la région du nord est désormais en incapacité d’accueillir et de prendre en charge les blessés nécessitant des soins de réanimation, de même que l’hôpital européen à Khan Younès.»

Abdelkbir Hassini – anesthésiste-réanimateur

Une organisation «exemplaire» au cœur d’une «situation catastrophique»

Sur place, «la situation est catastrophique» et même l’hôpital Al Amal est menacé d’être mis hors service, dans un contexte où le cessez-le-feu ne tient plus, à rebours des nombreux rappels à l’ordre adressés à Israël par les Nations unies. Au cours de la mission du docteur Hassini, l’OMS a d’ailleurs alerté que le système de santé de la bande de Gaza s’effondrait. «Il n’y a déjà plus d’hôpitaux opérationnels dans le nord de Gaza. Nasser et Al Amal sont les deux derniers hôpitaux publics opérationnels à Khan Younis, où vit actuellement la majorité de la population. Sans ces établissements, les services de santé essentiels ne pourront plus être assurés», a mis en garde l’organisation.

Dr. Abdelkbir Hassini à son retour au MarocDr. Abdelkbir Hassini à son retour au Maroc

Auprès de notre rédaction, Abdelkbir Hassini témoigne de cette situation vécue en temps réel. «Près de trois jours du début de notre mission, le directeur de l’hôpital Al-Amal nous a informés d’une notification, selon laquelle la structure se trouverait dans ce que l’occupation appelle une ‘zone d’évacuation’, menaçant la sécurité des patients et du personnel. Après quelques hésitations, nous avons été rassurés par l’ONG à travers laquelle nous avons accédé à la bande et nous avons continué à opérer sur les lieux», nous a déclaré le praticien.

La présence de l’équipe médicale permanente et des humanitaires bénévoles a été vitale, puisque l’hôpital prend en charge l’ensemble des blessures difficiles à soigner ailleurs. «Les blessés graves se comptent par dizaines quotidiennement et ils sont tous accueillis par une seule structure, avec un personnel de santé entièrement mobilisé et des lits de réanimation entièrement occupés», dit Dr Hassini.

«Nous avons pu prodiguer les soins nécessaires aux patients, notamment par le fait de la complémentarité qu’il y a eu entre les spécialistes présents sur place et la diversité de ceux de la mission dont j’ai fait partie. Il y a eu des urgentistes, des anesthésistes, des chirurgiens-traumatologues et ophtalmologues. Nous avons donc pu organiser un circuit de prise en charge incluant les premiers secours, les soins intensifs et les opérations complexes nécessitant une grande quantité de sang. A ce titre, je salue les compétences élevées du personnel médical palestinien, qui travaille quotidiennement de manière exemplaire dans ces conditions.»

Dr Abdelkbir Hassini

Dans ce sens, le médecin décrit des «conditions inhumaines et inimaginables, des tueries quotidiennes et des situations d’une cruauté extrême, que même les images relayées à l’extérieur de la bande de Gaza ne montrent pas». Parmi les cas marquants dont le réanimateur se rappelle, il nous en décrit un, «qui illustre la dimension complexe et multiple des malheurs d’une seule personne, d’une seule famille parmi la population civile».

«C’est celui d’un jeune homme, qui est venu vers nous un jour à l’hôpital Al Amal, portant dans ses bras sa fille gravement blessée après offensive. Le cas de l’enfant nécessitait une anesthésie et une chirurgie immédiates. Le père nous a dit ensuite que son épouse, la mère de famille, avait été estropiée lors de la même attaque et que son fils avait été touché au visage. C’est dire que même avec les nombreux patients que nous recevons, il existe l’autre visage invisible de la cruauté que nous ne voyons pas. Ce sont les transferts rendus impossibles en dehors de la bande de Gaza, ainsi que les morts, les corps déchiquetés et les blessés qui ne sont pas comptés, mais que chaque famille dénombre chaque jour», déplore-t-il.

Un silence international «injustifiable et incompréhensible»

Au milieu de cette gestion d’urgence, Abdelkbir Hassini salue «la capacité d’organisation des collègues palestiniens, qui permettent de pérenniser les stocks des denrées et du matériel médical malgré le ciblage du système de santé par l’occupation, ce qui permis de fournir aux blessés et aux patients les quantités de sang nécessaires, les produits pharmaceutiques et les prestations en amont des opérations».

«Lorsqu’on est mis dans ces situations-là, c’est la force de notre confiance en la vie qui prime et qui motive notre sens du devoir en tant que personnel médical. Nous n’avons pas d’autre solution que celle de soigner l’ensemble des patients. L’attachement de la population palestinienne à la vie nous l’a rappelé incessamment et c’est l’une des grandes leçons que l’on tire de ces missions humanitaires. Les citoyens de la bande de Gaza comptent leurs morts et leurs blessés quotidiennement, mais leur espoir en un lendemain meilleur après tout ce génocide reste intact et leur moral ne fait que s’en renforcer.»

Dr Abdelkbir Hassini

Dans ce sens, le réanimateur insiste qu’«il faut bien le dire ; ce n’est pas une guerre, c’est désormais un génocide». «Je partage le même désarroi et la même stupéfaction que mes collègues de la mission humanitaire», nous dit le médecin. Il nous fait également part de son «incompréhension totale du silence injustifiable de la communauté internationale, spectatrice d’autant de terreur et en incapacité de faire arrêter le massacre».

Dans ces circonstances, le docteur estime que l’«on sort profondément marqué par ce qui se passe sur le terrain, mais également fort de la force mentale qui est une arme de lutte de la population palestinienne, laquelle nous pousse même à remettre en question nos aléas de la vie quotidienne et nos préoccupations ordinaires».





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