Tanger a été pendant des siècles un refuge sûr pour les étrangers venant de tout horizon. Contrôlée par plusieurs pays dans le passé et jouissant du titre de zone internationale pendant plus de trois décennies, elle est devenue même l’incontournable destination des agents secrets.
Surnommée le «Gibraltar africain» et situé aux portes de la Méditerranée, la ville du Détroit a gagné sa réputation de havre d’espionnage. Des agents secrets parcouraient même ses rues étroites et s’installaient dans ses cafés sans trop attirer l’attention. Leurs activités secrètes dans cette ville historique ont inspiré des écrivains, des cinéastes, amoureux de la fiction. Il faut savoir que les premières opérations d’espionnage signalées à Tanger remontent au 17e siècle, lorsque la ville était tombée sous l’emprise de l’Angleterre.
A Tanger, guerre d’espionnage entre l’Angleterre et l’Espagne ou encore entre les USA et l’Union soviétique
Dans son livre «Intelligence and Espionage in the Reign of Charles II, 1660-1685», (Editions Cambridge University Press, 2003), l’écrivain Alan Marshall raconte comment «l’occupation anglaise de Tanger, bien qu’elle ait été une histoire troublée, fournit un aperçu intéressant de certains aspects du monde de l’espionnage», notamment entre 1663 et 1664.
Photo d’illustration. / DR
En se livrant à une guerre pour contrôler Tanger, l’Angleterre et l’Espagne avaient dû utiliser tous les moyens pour garder leurs mains sur une ville qui servait leurs intérêts, en commençant par le commerce. Cela a été expliqué par Alan Marshall qui a insisté sur le fait que «l’espionnage avait pris de l’ampleur à Tanger en raison de la détérioration des relations entre l’Angleterre et l’Espagne».
En effet, les Espagnols répandaient des rumeurs, suggérant que les navires anglais venant de Tanger, sous l’occupation de l’Angleterre à l’époque, portaient la peste. Des rumeurs qui forçaient les bateaux de Charles II à prendre un dangereux voyage du Maroc vers les côtes anglaises.
Des soldats américains brandissent le drapeau des Etats-Unis à Casablanca le 11 novembre 1942 lors de la Deuxième Guerre mondiale. / DR
Cependant, les plus grandes opérations d’espionnage ont eu lieu à Tanger au cours du 19e et 20e siècle et étaient principalement liées à la Seconde Guerre mondiale.
Quand les Etats-Unis avaient opté pour le Maroc comme zone de démarrage de leur opération Torch, l’espionnage s’était avéré utile. «Il y avait du trafic classifié vers les États-Unis via Tanger mais pas entre les consulats, et tous les messages devaient être codés et décodés», a révélé Hal Vaughan dans son livre «FDR’s 12 Apostles : The Spies Who Paved the Way for the Invasion of North Africa» (Editions Lyons Press, 2006).
En préparation du débarquement des Alliés en Afrique du Nord, la ville du Détroit, qui avait accueilli la légation américaine, avait joué un rôle primordial pour maintenir le secret de l’opération et tromper le régime de Vichy.
Une inspiration pour les fictions sur l’espionnage…
Tanger était, en effet, l’endroit parfait pour tous les passionnés de secrets mais aussi les écrivains en quête d’inspiration. Pour Hal Vaughan, «la ville aurait inspiré un chapitre d’un roman d’espionnage de John Buchan (romancier écossais et historien), avec son quartier arabe, ses murs et ses rues étroites où femmes voilées, chameaux, trafiquants et espions se livraient au commerce».
Préface du roman de John Buchan. / DR
La raison pour laquelle Tanger était un nid d’espionnage était logiquement justifiée par Hal Vaughan. Il raconte qu’«à Tanger, tout le monde pouvait avoir une monnaie étrangère sans identification» avant de comparer la ville du Détroit à Lisbonne en Europe. Hal Vaughan ajoute qu’elle était pleine de gens qui «devraient être en prison». Mais «le chaos était rare» puisque les Espagnols prendront le contrôle de la ville juste après la guerre.
La nature de la ville se serait manifestée dans les écrits d’expatriés américains, dont Paul Bowles et des membres de la Beat Generation qui sont restés à Tanger, en quête d’inspiration. En étudiant leurs travaux dans son livre «Writing Tangier in the Postcolonial Transition: Space and Power in Expatriate and North African Literature», (Editions Ashgate Publishing, 2011), Michael K. Walonen a indiqué que ces écrits dépeignaient certaines «scènes sur l’implication des Etats-Unis dans le Maghreb à travers l’espionnage et les manipulations secrètes de la scène politique».
Il a rapporté que «peu de temps après la fin de la Seconde Guerre mondiale, [les Etats-Unis] avaient construit l’une de leurs principales radios américaines, juste au sud de Tanger». Pour riposter, «l’Union soviétique avait annoncé son intention de construire une banque à Tanger afin de canaliser l’argent destiné aux nationalistes marocains», poursuit-il.
Micheael K.Walonen cite même une des lettres de Paul Bowles, envoyée à l’écrivain américain William Wright, dans laquelle il fait allusion au fait que «les troubles civils contre les Occidentaux à Tanger avant et juste après l’indépendance du Maroc ont été provoqués par des agents russes».
Affiche du film «Espionage in Tangier» sorti en 1965. / Ph. DR
…Et les films sur les agents secrets
Les espions étrangers de Tanger ont trouvé leur chemin vers le cinéma à travers une série de films qui dépeignaient la ville comme un arrêt nécessaire pour de bonnes intrigues de films d’espionnage. «Espionage in Tangier», sorti aussi sous le nom de «Marc Mato, agente S. 077», était l’un des films d’espionnage les plus célèbres autour de Tanger. Ce film d’espionnage hispano-italien, sorti en 1965, décrit la ville comme une Lisbonne nord-africaine ayant servi de «Mecque pour les agents secrets».
«Favorite Spy» est un autre film d’espionnage ayant mis en lumière, de manière comique, le côté le plus sombre de la ville du Détroit. Cette production américaine de 1951 raconte l’histoire d’un «agent de renseignement américain qui recrute le comique burlesque Peanuts White pour se faire passer pour l’espion international Eric Augustine, auquel il ressemble, l’objectif étant d’acquérir un microfilm d’un million de dollars à Tanger».
Matt Damon à Tanger dans le cadre du film «The Bourne Ultimatum» sorti en 2007. / Ph. DR
Plus récemment, l’acteur et réalisateur américain Matt Damon dans son thriller d’espionnage «The Bourne Ultimatum» est venu renforcer l’ancienne réputation de Tanger. Le film sorti en 2007 est le troisième de la série de films de Jason Bourne qui parle d’un agent secret et assassin de la CIA qui a perdu la mémoire de sa vie passée après une mission secrète et qui, dans sa tentative de trouver plus d’informations sur son passé, atterrit à Tanger.