Né le 4 avril 1929 à Oum El Adhaim (Wilaya de Souk Ahras) en Algérie, Tahar Zbiri, premier chef de d’État-Major de l’Armée nationale populaire (ANP), doit beaucoup au Maroc. En effet, le royaume sera le seul pays à lui accorder l’asile après l’échec de sa tentative de coup d’Etat contre le président algérien Houari Boumédiène.
Nous sommes aux premières années de l’insurrection qui aboutira à l’indépendance de l’Algérie. Tahar Zbiri est alors militant chargé de collectionner des armes pour les rebelles. Mais il sera gravement blessé à la suite d’un accrochage avec l’armée française au djebel Sidi Ahmed le 3 janvier 1955. Il est alors arrêté, soigné et jeté en prison, rapporte TSA.
Une prison dont il s’évadera pour retourner dans sa région natale, à 100 kilomètres au sud-est d’Annaba. C’est là-bas qu’il devient, des années plus tard, responsable au sein de l’armée menant la Révolution. Après l’indépendance, il est nommé premier chef d’état-major de l’armée algérienne. Il devient aussi membre du bureau politique du FLN et du Conseil de la Révolution après 1965.
La même année, il participe au coup d’État du 19 juin 1965 en Algérie, mené par le colonel Houari Boumédiène, alors ministre de la Défense, contre le président algérien Ahmed Ben Bella.
C’est durant la nuit du 14 décembre 1967 qu’il tente un coup d’Etat contre Boumédiène. «Il ordonne à trois bataillons de l’armée (1 500 hommes et une trentaine de chars et de véhicules blindés) de marcher sur la première région militaire de Blida. Ils n’atteindront jamais Alger», rapporte Jeune Afrique. La mini-rébellion est alors étouffée et Tahar Zbiri, sa tête pensante, est «traqué par la sécurité militaire». Le désormais ex-chef de d’État-Major de l’ANP se réfugie dans les montagnes des Aurès avant de s’enfuir à l’étranger.
Un premier déplacement au Maroc
Dans son livre «Un demi-siècle de combat : mémoires d’un chef d’état-major algérien» (Editions Echourouk, 2012), le militaire raconte avoir d’abord fui en Tunisie. Celle-ci lui demandera, par la suite, de quitter son territoire après les protestations de Boumédiène transmises au président tunisien Habib Bourguiba. Il s’envole alors vers la Suisse puis l’Italie.
«Je suis devenu comme un sans-abri dans ce monde. Malgré son immensité, je n’ai pas trouvé de pays qui m’accepte comme réfugié politique. Je suis resté errant pendant des années en Europe.»
Tahar Zbiri
En 1969, Tahar Zbiri rencontre Krim Belkacem, qui était vice-chef du gouvernement provisoire lors de la Révolution, et ministre des armées. Il l’informe de son voyage au Maroc et lui demande de s’informer si les autorités marocaines acceptent son asile politique. Il était au courant des différends, à l’époque, entre le roi Hassan II et le régime de Houari Boumédiène.
Tahar Zbiri (g) avec d’autres membres de l’armée algérienne. / DR
Mais au retour Krim Belkacem de Rabat, il l’informe que les autorités marocaines «ne souhaitent pas [le] recevoir pour le moment». Cela ne l’empêche pas de visiter le Maroc à l’automne 1969. «Nous sommes restés avec les proches de la famille de ma femme à Casablanca pendant une période de quatre jours. Nous avons également passé trois jours à Tanger, et nous y avons rencontré de nombreux Algériens qui nous ont aidés», raconte-t-il.
Zbiri, l’ami de Mahjoubi Aherdane puis du gendre d’Allal El Fassi
Ayant attiré l’attention des services de renseignement marocains, Tahar Zbiri revient en Europe, mais ne manque pas de visiter le royaume une deuxième fois, cette fois en compagnie de l’opposant algérien Hocine Aït Ahmed. «J’ai cherché mes connaissances au Maroc, et je me suis souvenu de Mohamed Mahjoubi Aherdane, le ministre de la Défense, que j’ai reçu en Algérie le 5 juin 1966, accompagné d’une délégation marocaine de haut rang», se rappelle le militaire.
Une fois au Maroc, Hocine Aït Ahmed prend contact avec Mohamed Mahjoubi Aherdane, devenu ministre de l’Agriculture et de la Réforme agraire. Ce dernier vient alors rendre visite aux deux Algériens, en compagnie du général Ahmed Oufkir, alors ministre de l’Intérieur, ainsi que son vice-ministre Mohamed Ben Alem.
«Nous avons échangé des opinions sur la situation en Algérie, et ils m’ont interrogé sur les circonstances de la situation du 14 décembre 1967 et la situation de l’armée algérienne après cet incident. Je leur ai dit que Boumédiène contrôlait le pouvoir. Ils savaient mon rôle dans l’éviction de Ben Bella, qu’ils n’aimaient pas pour avoir accueilli l’opposition marocaine et avoir accordée l’asile à ses figures de proue, comme Mehdi Ben Barka.»
Tahar Zbiri
De retour en Europe, au début du procès des officiers participant à la tentative de coup d’Etat de décembre 1967, Tahar Zbiri contacte des avocats du Maroc et des politiques, comme Allal El Fassi, El Maati Bouabid ainsi qu’Abderrahman Youssoufi, alors président de l’Union des avocats arabes. Le futur chef du gouvernement du Maroc acceptera même de se présenter à ce procès en tant qu’observateur. «Mais les autorités algériennes interdisent tous les avocats marocains d’accéder à l’Algérie, sauf un certain Berrada, alors directeur du journal Al Alam», poursuit l’ancien chef de d’État-Major. La peine capitale sera prononcée à l’encontre de plusieurs officiers de son groupe.
Tahar Zbiri avec d’autres militaires algériens. / DR
Une rencontre au Maroc avec Moulay Abdellah
En 1978, quelques mois avant de décès de Houari Boumédiène, Tahar Zbiri décroche enfin l’asile politique au Maroc, après dix ans passés en exil. Il raconte aussi que durant sa vie au Maroc, il rencontre Moulay Abdellah, frère du roi Hassan II dans la maison du gendre d’Allal El Fassi, après le décès de Boumédiène.
«Les Marocains voulaient savoir qui succéderait à Boumédiène et Moulay Abdellah m’a interrogé sur le successeur (du président algérien, ndlr)», rapporte-t-il. A la fin de la rencontre, le prince aurait demandé à Tahar Zbiri pourquoi «ne pas nommer Ahmed Talib Al-Ibrahimi» comme successeur. «J’ai découvert par la suite que l’épouse d’Ahmad Talib al-Ibrahimi, au Liban, avait une relation étroite avec l’épouse de Moulay Abdellah», conclut le militaire.
Le prince Moulay Abdellah et sa femme. / Ph. G.I.
Deux ans plus tard, en 1980, Tahar Zbiri retourne en Algérie après l’amnistie prononcée par le président Chadli Bin Jadid au profit d’un groupe d’opposants. Il se réconcilie avec ses ennemis d’hier, dont Abdelaziz Bouteflika. Il était d’ailleurs l’un des fervents supporters du quatrième mandat, selon Jeune Afrique.
Nommé sénateur du tiers présidentiel le 9 janvier 2016, il a été aussi décoré, en octobre 2018, de la médaille de l’ordre du mérite national «El-Athir» des mains d’Abdelkader Bensalah, alors président du Conseil de la nation, selon Radio Algérie.