
Spécialiste en banque d’affaires et en Private Equity, Khalil Azzouzi est co-fondateur du fonds de capital-risque Azur Innovation
Le cadre réglementaire régissant les startups ainsi que les mécanismes d’appui financier font régulièrement l’objet d’ajustements afin d’accompagner ces structures innovantes. Mais, sur le terrain, ces efforts restent en deçà des besoins réels de l’écosystème.
«Si la volonté affichée des pouvoirs publics et des opérateurs privés de faire des startups marocaines un levier d’innovation et de développement national est réelle, elle peine encore à se traduire par la mise en place d’outils juridiques, fiscaux et financiers à la hauteur des standards internationaux. Ce déficit freine leur essor et limite leur compétitivité à l’échelle régionale et internationale», explique Khalil Azzouzi, spécialiste en banque d’affaires et en Private Equity, et co-fondateur du fonds de capital-risque Azur Innovation.
■ L’international? Pas avant 3 ans!
Parmi les freins persistants souvent pointés du doigt par les investisseurs intéressés par les startups figure notamment l’obligation de justifier une ancienneté minimale de trois ans avant de pouvoir s’internationaliser. Cette contrainte constitue un handicap majeur pour celles qui, dès leur création, souhaitent déployer leur business model à l’échelle internationale, en cohérence avec les ambitions et exigences de leurs investisseurs.

Stock-options, actions préférentielles, BSPCE, SAFE… ces instruments, largement utilisés aux États-Unis ou en France, permettent de structurer des plans d’intéressement compétitifs et d’attirer des talents, tout en sécurisant les relations avec les investisseurs
■ Ces instruments financiers qui manquent à l’appel
Le cadre juridique reste incomplet notamment en matière d’instruments financiers adaptés aux startups. «Dans de nombreux cas, les fonds de capital-risque souhaitent recourir à une combinaison d’outils comme les actions préférentielles (Preferred Shares), les BSPCE(1), les BSA-AIR(2), ou encore les stock-options, pour équilibrer la gouvernance entre investisseurs et fondateurs», souligne Khalil Azzouzi.
Les BSA-AIR et les SAFE(3) ont pour objectif de permettre à un investisseur d’entrer dans le capital d’une startup à un stade précoce, sans avoir à en fixer immédiatement la valorisation. Ces mécanismes sont particulièrement adaptés aux tours d’amorçage et Early Stage(4).
À l’inverse, les BSPCE, stock-options et autres attributions gratuites d’actions sont destinés aux salariés et dirigeants, pour les inciter à s’investir dans le projet à long terme, en les associant à la création de valeur.
Ces instruments, largement utilisés aux États-Unis ou en France, permettent de structurer des plans d’intéressement compétitifs et d’attirer des talents, tout en sécurisant les relations avec les investisseurs.
Par ailleurs, la mise en place d’un cadre fiscal incitatif pour cette classe d’actifs, notamment au cours des trois premières années de lancement, constituerait un levier déterminant. Cette période, particulièrement critique pour les jeunes entreprises, nécessite un environnement fiscal favorable afin d’encourager l’investissement, réduire le risque initial et soutenir la structuration financière des projets innovants.
Un environnement déconnecté de la réalité internationale
«Dans la mesure où nous appliquons déjà, dans nos pratiques de gestion et d’investissement, les standards internationaux du capital-investissement, il est désormais essentiel que le cadre juridique, fiscal et administratif évolue au même rythme que les meilleures pratiques internationales en matière d’entrepreneuriat innovant», indique Khalil Azzouzi, co-fondateur du fonds de capital-risque Azur Innovation.
Un alignement cohérent sur ces standards, combiné à un meilleur accès au marché local, permettra au Maroc de libérer pleinement le potentiel de ses startups, de renforcer son attractivité pour les investisseurs, et de se positionner durablement comme une véritable plateforme régionale de l’innovation.
Hassan EL ARIF
(1) Bons de souscription de parts de créateur d’entreprise.
(2) Bon de souscription d’actions – Accord d’investissement rapide. Un instrument financier permettant aux startups de lever rapidement des fonds.
(3) Simple Agreement for Future Equity.
(4) Phase de démarrage ou premier stade.
L’article Startups: Pourquoi il faut revoir toutes les règles du jeu est apparu en premier sur L'Economiste.