Des femmes victimes du mariage religieux
Au Maroc, se marier avec la fatiha était monnaie courante. Surtout que pour faire le «ich’har zawaj» (annonce du mariage), la famille faisait appel à presque toute la tribu pour être témoins. C’est le seul mariage religieux qui pouvait exister. C’est la colonisation qui a introduit l’état civil tel qu’on le connait aujourd’hui. Ce mariage ne posait aucun souci puisque les enfants à l’époque étaient peu scolarisés, et que le conjoint ne pouvait ni tromper son épouse ni la quitter, puisqu’elle faisait partie de sa tribu. On n’était pas pressés de valider son mariage auprès des autorités. Aujourd’hui, les femmes mariées religieusement sont heurtées à des obstacles dès que leurs enfants sont en âge d’aller à l’école, surtout si elles sont séparées du père. Il refuse souvent d’inscrire les enfants dans un état civil, de peur de devoir payer une pension alimentaire ou leur scolarité. Autre problème, il arrive que quelques mois après cette fameuse fatiha, l’époux disparait dans la nature, et la jeune mariée se retrouve mère-fille. Si les autorités exigent de nos jours que l’Imam scelle un acte de mariage avant de lire la fatiha, beaucoup de familles, surtout dans les campagnes, font appel à un simple voisin, assez pieux, et pas à un imam pour lire la fatiha.
Une façon de contourner la loi ?
Et pour ne rien arranger, des hommes (même les plus modernes) se croient malins et utilisent ce mariage religieux pour contourner les conditions restrictives relatives à la polygamie et à l’adultère. Ils peuvent donc avoir une maîtresse halal. Si la Moudawana marocaine exige l’accord de la première épouse ou une raison valable pour un deuxième mariage, un homme peut parfaitement se rendre dans un village perdu, conclure et consommer un mariage hlel, sans que ni la première épouse ni la seconde ne se doute de quelque chose ! Pour ces hommes, ce mariage rend l’union licite et leur permet de prendre autant d’épouses qu’ils le désirent, le tout dans un cadre halal. Ils prétendront ensuite des déplacements et des voyages d’affaires en ayant bonne conscience puisqu’ils ne font rien de mal ! Ce n’est que le jour du décès de Monsieur que Madame se rendra compte qu’elle n’est pas seule. Suivront des semaines et des mois devant les tribunaux pour des questions d’héritage, sans parler de l’humiliation. La deuxième épouse est tout aussi victime, puisqu’elle reste plus la concubine que la mère de ses «autres» enfants. Et si le père n’a pas reconnu les enfants du 2e mariage, ils sont considérés comme illégitimes tout simplement.
Dans une ère où on se bat tous les jours pour limiter les naissances hors mariage, les enfants abandonnés et les mères célibataires, le combat devrait commencer par interdire la consommation du mariage après la fatiha uniquement. Le mariage religieux est une simple étape, une promesse de mariage et non une union proprement dite. Et aujourd’hui encore, des femmes cultivées ont recours au mariage religieux, faute de moyens, pour des relations sexuelles sans culpabilité, ou encore pour garder l’être aimé. Fort heureusement, celles là pensent à se protéger !