«Parfois, une vocation naît d’un instant, d’une étincelle qui allume en nous un feu que rien ne pourra jamais éteindre». Pour le Dr Sanaa Eddiry, cet instant remonte à son enfance à Casablanca. Il explique tout son intérêt pour la science et la médecine. Par un jour au début des années 1990, son défunt père l’emmène avec sa sœur à une conférence du professeur René Frydman, à l’Institut français de la ville. Elle est émerveillée par les explications sur la fécondation in vitro, le mystère des bébés-éprouvettes, une prouesse scientifique qui défe les lois du possible.
Dans un entretien avec Yabiladi, elle confie : «J’étais encore jeune, mais je me souviens parfaitement de cette fascination qui m’a envahie. Comment la science pouvait-elle ainsi offrir la vie, défier l’inconnu, repousser les limites ?» Dans son regard brille déjà la certitude que ce monde-là serait le sien.
Née dans les années 1980 dans la métropôle marocaine, Sanaa entamé ses études à l’Université Hassan II de Casablanca. Elle part ensuite pour l’Imperial College de Londres, où elle obtient un diplôme en parasitologie.
Dans le sud de la France, elle enchaîne sa préparation de master en physiopathologie, puis elle approfondit ses recherches à travers des études doctorales.
Une fascination pour la recherche scientifique
En 2013, Sanaa Eddiry devient ainsi docteure en physiopathologie et génétique à l’Université Paul Sabatier de Toulouse. Elle consacre sa carrière à l’étude des mécanismes complexes des maladies rares, notamment le syndrome de Prader-Willi. Ses recherches ont mis en lumière le rôle crucial de certaines petites molécules d’ARN nucléolaire (snoRNA) dans la réponse hormonale, ouvrant de nouvelles perspectives thérapeutiques.
Durant la phase postdoctorale, elle a développé un système révolutionnaire pour transformer des cellules de la peau (fibroblastes) en neurones dopaminergiques, une avancée majeure pour comprendre les maladies génétiques à impact neurologique.
Aujourd’hui, le Dr Sanaa Eddiry dirige le Centre de référence pour les maladies rares au département d’endocrinologie, de génétique et des maladies osseuses à l’Hôpital des enfants, au Centre hospitalier universitaire de Toulouse.
En tout, elle se sera dédiée à la recherche biomédicale pendant plus de 15 ans, menant des études et accompagnant des patients en toute humanité, poursuivant inlassablement de nouveaux horizons de connaissance et de découverte.
Par ailleurs, Sanaa Eddiry a publié de nombreux articles scientifiques dans des revues prestigieuses, outre des distinctions scientifiques notables, notamment de la Société française d’endocrinologie pédiatrique et du Comité scientifique de Toulouse Métropole.
En parallèle de ses travaux de recherche, elle s’est investi dans la diffusion des connaissances à travers la formation académique. Elle a enseigné à l’Université Paul Sabatier et participé à des conférences internationales dans des villes comme San Francisco, Milan, Paris et San Diego.
Sensibiliser aux maladies rares entre le Maroc et la France
Aujourd’hui, Sanaa Eddiry est de retour à son alma mater à Casablanca, où elle enseigne une unité de génomique dans le cadre du programme international de master à l’Université Hassan II. «Là, j’ai retrouvé mes anciens professeurs devenus mes collègues. Ce retour aux sources m’inspire fierté et sentiment de responsabilité. Je rends à la patrie un peu de ce qu’elle m’a donnée.»
En plus de ses activités académiques, elle tient à sensibiliser aux maladies rares, à travers des séminaires et des ateliers pour améliorer le diagnostic et le suivi des patients.
«Le Maroc compte environ 3 millions de personnes touchées par ces maladies, rendant le besoin de sensibilisation et de prise en charge thérapeutique plus urgent. Dans ce contexte, j’ai préparé un livret de sensibilisation pour soutenir les efforts de mise en lumière de ces enjeux de santé.»
Sanaa Eddiry
Parallèlement à sa carrière académique, Sanaa Eddiry est chroniqueuse invitée à l’ODJ, où elle aborde diverses questions scientifiques et sociales. Elle est également cofondatrice de l’Académie des femmes marocaines du monde, une plateforme visant à renforcer le rôle des concitoyenne au niveau national et international.
Elle est aussi membre du bureau exécutif du Cercle Averoes, dont les principaux objectifs consistent à réunir toutes compétences, cadres et chefs d’entreprises, rassembler les élus d’origine marocaine, les amis du Maroc, les étudiants des grandes écoles (futurs ingénieurs, médecins…), en plus de défendre l’intégrité territoriale nationale, ou encore d’accompagnement et d’orientation des étudiants.
Si la science l’a menée au-delà des frontières, son cœur n’a jamais cessé de battre pour le Maroc, une terre où elle a grandi, «imprégnée de valeurs profondes et de traditions porteuses de force et d’appartenance». «À chacun de mes retours, j’observe un pays en pleine transformation, où les infrastructures médicales et scientifiques se modernisent et où les femmes occupent une place de plus en plus centrale. Elles ne sont plus limitées aux rôles traditionnels : elles sont enseignantes, chercheuses, ingénieures, entrepreneures, façonnant l’avenir du pays avec détermination et audace», nous dit-elle.
Mère d’une fille de six ans, Dr Sanaa Eddiry se définit comme une «une femme marocaine et une citoyenne du monde». Elle dit avoir choisi l’expatriation non pour fuir, «mais pour mieux revenir, pour contribuer davantage et pour créer des ponts entre les cultures».
A ce titre, elle affirme que son attachement au Maroc reste «inébranlable». «Chaque avancée scientifique que je réalise est aussi un hommage à ce pays qui m’a forgée. Car le Maroc de demain se construit ensemble, porté par celles et ceux qui osent rêver et repousser les limites du possible», affirme-t-elle auprès de notre rédaction.
En ayant ces mots pour son pays, Sanaa Eddiry ne peut qu’avoir également une pensée pour ses parents. «Je leur suis infiniment reconnaissante. Ils m’ont fait confiance et m’ont donné l’opportunité de quitter le pays dès mon jeune âge, en quête de savoir», reconnaît-elle.
«Mon père, paix à son âme, s’est battu sans relâche pour offrir à mes sœurs, mon frère et moi les meilleures opportunités d’éducation. Quant à ma mère, que Dieu la protège, elle n’a jamais cessé de nous soutenir avec amour et dévouement. Les mots ne suffiront jamais à exprimer à quel point je leur suis reconnaissante», conclut la docteure.