Depuis quelques jours, des tweets publiés sur le compte X (anciennement Twitter) du chanteur marocain Saad Lamjarred annoncent le lancement imminent de sa propre cryptomonnaie. L’artiste y affirme vouloir créer un jeton numérique (coin) bénéfique pour ses fans, intégrant des avantages exclusifs comme des rencontres et des accès privilégiés à ses concerts.
My dear fans and followers, I’m planning to launch my own token, but I want to do it differently, not the usual way. My goal is to create a token that genuinely benefits my fans and followers, with tokenomics designed to bring communities closer together. I’d love for it to tie…
— Saad Lamjarred (@saadlamjarred1) March 4, 2025
L’initiative semble s’inscrire dans une tendance de «Celebrity coin», suivie par plusieurs célébrités, comme le rappeur Akon ou plus récemment le président américain Donald Trump.
Ce n’est pas la première fois que le nom de Saad Lamjarred est associé aux nouvelles technologies et aux actifs numériques. En 2022, il était devenu le premier artiste marocain à voir son image intégrée dans le Metaverse sous forme de NFT. À travers un partenariat avec la société «Meta Boundless», son avatar devait permettre aux fans d’assister à des concerts virtuels, à l’image de ce qui se faisait sur Fortnite avec des artistes comme Travis Scott ou Ariana Grande. C’était sans compter le flop du Metaverse.
One concert, one family, one dream and the first metaverse concert in the Arab world!
Get a free NFT on every concert ticket you buy and stand a chance to win an exclusive meet and greet with @ragehbalama, @Saadlamjarred1 and @Michel_Fadel_ pic.twitter.com/vHLZ8mxNow
— Saad Lamjarred (@saadlamjarred1) September 29, 2022
Si le sérieux des «Celebrity coins» est tout aussi questionnable, certains indices laissent planer un sérieux doute sur l’authenticité de l’annonce de Saad Lamjarred. Le premier élément suspect est que l’annonce n’a été faite que sur son compte X, où il est suivi par 1,13 million d’abonnés. Aucune publication similaire n’a été repérée sur Facebook (3,5 millions de followers) ou Instagram, réseau où Saad Lamjarred est pourtant bien plus actif, avec 15,4 millions de followers.
Un compte inactif depuis octobre 2024
Cependant, l’utilisation de X plutôt que d’Instagram est la règle dans le domaine des cryptomonnaies, attirant plutôt des technophiles (geeks) et des initiés à la finance. En 2018, le compte Twitter de Saad Lamjarred avait d’ailleurs été épinglé pour fraude aux followers. Après un nettoyage par Twitter, le nombre de ses abonnés était passé d’un peu plus de 5 millions à 1 million.
Malgré cette mésaventure, Saad Lamjarred est resté actif sur Twitter, devenu X entre-temps. Mais son compte est resté en sommeil depuis le 24 octobre 2024. Cette résurgence soudaine, exclusivement pour promouvoir un projet de cryptomonnaie, évoque un possible piratage. Cette hypothèse est renforcée par un second tweet posté ce jeudi, sollicitant l’avis des internautes sur la blockchain à utiliser.
After all the suggestions, I gathered some very good ideas! The question is now: which chain is most suitable for it? Some say Solana, but many say @BNBCHAIN. What do you think?
— Saad Lamjarred (@saadlamjarred1) March 6, 2025
Une tactique utilisée dans certaines arnaques aux cryptomonnaies, où des pirates tentent d’impliquer la communauté pour crédibiliser leur démarche.
Une inquiétante recrudescence des arnaques au Maroc
Enfin, ce ne serait pas la première fois qu’une personnalité publique marocaine est utilisée pour tromper des internautes. Récemment, un faux compte du chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a été créé pour escroquer des citoyens, usurpant son identité afin de leur soutirer de l’argent. Dans le cas de Saad Lamjarred, la méthode semblerait plus sophistiquée : plutôt que de créer un faux compte, le hacker aurait directement pris le contrôle du véritable compte X du chanteur.
Si le schéma est le même, il est clair que la cible n’aurait pas été choisie par hasard. Saad Lamjarred est l’un des chanteurs marocains les plus populaires de sa génération. Né en 1985, il s’est fait connaître en 2007 en participant à l’émission télévisée libanaise SuperStar. Il a ensuite connu un immense succès avec le tube Lm3allem, sorti en 2015 et visionné plus d’un milliard de fois sur YouTube.
Cependant, la carrière de l’artiste a été ternie par plusieurs affaires judiciaires. Il a été mis en examen pour viol en France à plusieurs reprises, notamment en 2016 et 2018. Condamné en 2023 à six ans de prison pour le viol d’une jeune femme en 2016 à Paris, il a finalement été libéré sous conditions en avril de la même année en attendant l’examen de son appel. Lamjarred a également été impliqué dans d’autres affaires similaires, notamment aux États-Unis et au Maroc, mais celles-ci n’ont pas abouti à des condamnations définitives.
Yabiladi n’a pas pu joindre Saad Lamjarred pour vérifier la véracité de l’annonce.