2946 morts, 5674 blessés, 2,8 millions de sinistrés dans 3000 douars, suite au terrible séisme qui a frappé les régions du Haut Atlas, le 8 septembre 2023. Dès les premiers instants, le gouvernement a réagi en mobilisant les Forces Armées Royales (FAR) et d’autres acteurs étatiques pour assurer un hébergement d’urgence. Des dispositifs de relogement provisoire ont été mis en place – un effort salué par certains acteurs locaux – mais, dès lors, la couverture et la qualité des solutions apportées se sont révélées insuffisantes, selon le rapport annuel de Transparency Maroc. Malgré le froid hivernal et les chutes de neige abondantes cette année, de nombreux sinistrés doivent encore se débrouiller avec des moyens limités pour se protéger.
Fort de ses engagements affichés, l’État avait annoncé un Programme intégré de reconstruction post-séisme pour la période 2024-2028, doté d’un budget colossal de 120 milliards de dirhams. Ce programme devait couvrir plusieurs volets : la reconstruction des logements, la réhabilitation des infrastructures, le désenclavement des territoires et la relance des activités économiques locales. Pourtant, Transparency Maroc relève que, durant la première année, l’action publique a été en deçà des attentes et des promesses affichées.
Un programme de reconstruction ambitieux, mais mal exécuté
Parmi les principales critiques, on note notamment le rythme anormalement lent de reconstruction. Un an après le séisme, le taux de déboursement restaient très faibles – 22 % pour la tranche 3 et 3% pour la 4ème tranche du programme – et les retards cumulés sur les chantiers de construction entravent la mise en œuvre effective des aides. En outre, la forte inflation des matériaux de construction et des frais de transport pèse lourdement sur la réalisation des projets.
Le gouvernement a rapidement adopté plusieurs textes législatifs et décrets pour encadrer la gestion de la crise. La création du «Fonds spécial pour la gestion des effets du tremblement de terre» (Fonds 126) et la mise en place de l’Agence de Développement du Haut Atlas (ADHA) figuraient parmi les mesures phares. Toutefois, l’ADHA, censée être l’organe opérationnel en charge de l’exécution du programme, n’était toujours pas pleinement opérationnelle plus d’un an après le séisme. La nomination de son Directeur général n’ayant eu lieu qu’en octobre 2024.
Le rapport souligne également l’absence d’une démarche participative. Les décisions stratégiques, prises en quelques jours dans l’urgence, ne semblent pas avoir intégré les consultations avec les acteurs locaux et les populations affectées. Ce manque de concertation contribue à une déconnexion entre les mesures annoncées et les réalités du terrain, accentuant la frustration des sinistrés.
Opacité et manque d’accès à l’information
Un autre point majeur de la critique de Transparency Maroc concerne la transparence de l’action publique. Les données relatives à la gestion budgétaire – bien que présentées sous forme de chiffres globaux – restent opaques et difficilement vérifiables. L’observatoire déplore l’absence de publication régulière de rapports détaillés sur l’utilisation des fonds alloués, ce qui empêche les citoyens d’exercer leur droit d’accès à l’information. Ce déficit de communication contribue à alimenter le sentiment d’injustice parmi les populations touchées, qui se retrouvent souvent dans l’ignorance des montants déboursés et des critères de sélection pour l’octroi des aides.
Au-delà des chiffres et des retards administratifs, le rapport met en lumière l’impact social dramatique du séisme. La gestion laborieuse de la reconstruction a provoqué un mouvement de protestation parmi les sinistrés. En plus des difficultés matérielles, les conséquences sur l’éducation et la santé se font cruellement sentir. Les promesses de relocalisation pour des milliers d’élèves et la réhabilitation des établissements scolaires n’ont pas été tenues, reléguant l’année scolaire 2023-2024 dans ces zones à l’état d’«année blanche», notamment pour les collégiens et lycéens. Dans le secteur de la santé, l’absence de structures opérationnelles dans les zones sinistrées expose les populations à des risques accrus.
Enfin, le rapport regrette que le processus de reconstruction se fait majoritairement en béton, contrairement aux directives royales qui prônent des constructions en harmonie avec le patrimoine régional. Selon le bilan officiel, le programme de réhabilitation des routes avance, notamment sur la N7 grâce au financement du Fonds 126, bien que l’Observatoire n’ait pas pu vérifier ces données via le portail des marchés publics. Par ailleurs, la distribution de l’aide directe est globalement réussie, malgré des plaintes sur l’éloignement des agences bancaires et des frais de transfert élevés. À ce jour, le budget déboursé s’élève à 1,7 milliard de dirhams.
En conclusion, le rapport d’observation citoyenne, en rassemblant à la fois des documents officiels et des témoignages de terrain, appelle à une réévaluation des mécanismes de gouvernance et à une mobilisation plus transparente et participative.