Il y a près de 2 500 ans, le navigateur carthaginois Hannon s’est aventuré le long des côtes de l’Afrique de l’Ouest. Son expédition, méticuleusement consignée, nous offre un aperçu des paysages à couper le souffle de cette région, des peuples autochtones et de la faune, allant d’une éruption volcanique dans l’actuel Cameroun au premier récit connu sur les gorilles.
Avant d’atteindre ces terres éloignées, Hannon a fait une escale significative au Maroc. Au-delà des Colonnes d’Hercule, nom donné alors au détroit de Gibraltar, Hannon, dont le statut exact reste sujet à débat parmi les oulémas — était-il général, roi ou aristocrate ? — a quitté l’actuelle Tunisie avec «soixante navires à cinquante rames, environ trente mille hommes et femmes, provisions et autres équipements», dans le but de fonder de nouveaux établissements, selon une version traduite de son récit en dix-huit lignes (initialement gravé sur un mur de temple carthaginois et plus tard traduit en grec).
Au Maroc, son récit mentionne la fondation de plusieurs villes libyphéniciennes. Le premier arrêt de Hannon, après deux jours en mer, fut Thymiaterion, identifié avec le port de Mehdia, à 40 kilomètres au nord de Rabat. De là, sa flotte a continué vers l’ouest jusqu’à Soloeis, un promontoire que de nombreux érudits associent au Cap Mazagan près d’Azemmour. «Ici, nous avons dédié un temple à Poséidon», note Hannon, la traduction grecque du dieu de la mer carthaginois Yam. Il poursuit : «Naviguant vers l’est pendant une demi-journée, nous avons atteint un lac. Il n’était pas loin de la mer et était couvert de nombreux longs roseaux, dont se nourrissaient des éléphants et d’autres animaux sauvages». Les chercheurs lient ce lac au fleuve Oum Er-Rbia, suggérant qu’il pourrait avoir été l’un des nombreux lacs le long de son cours.
Fondation de colonies le long de la côte marocaine
Hannon a poursuivi son voyage le long de la côte, visitant d’autres cités marocains. Le périple énumère également une série de nouvelles colonies supposées correspondre à des localités marocaines : en plus d’Azemmour (Karikon Teichos) et El Jadida (Gytte), il mentionne le Cap Beddouza (Akra), Oualidia (Melitta), et Mogador, l’actuelle Essaouira (Arambys).
Après avoir renforcé les établissements carthaginois près de l’Atlas, la flotte de Hannon s’est dirigée plus au sud, atteignant ce qu’il a décrit comme «le grand fleuve Lixos, sortant de Libye». L’historien français J. Carcopino l’a identifié avec Lixus près de Larache, tandis que d’autres suggèrent qu’il s’agissait du Drâa plus au sud du Maroc, le plus grand fleuve de la région et la limite sud des terres cultivables. Là, Hannon a rencontré les Lixitai, des éleveurs nomades avec lesquels «nous sommes restés un certain temps, étant devenus amis». Au-delà d’eux, nota-t-il, vivaient des habitants des cavernes hostiles «plus rapides que les chevaux».
De Lixos, Hannon a pris des interprètes et navigué le long de la côte désertique pendant deux jours avant d’atteindre une petite île qu’il a nommée Kerne. Son nom phénicien, Khernaa, signifie «la dernière habitation», un choix approprié puisqu’elle marquait le poste avancé carthaginois le plus au sud. La plupart des historiens identifient Kerne avec l’île moderne de Herne, également connue sous le nom de l’Île du Dragon, près de Dakhla. Hannon a souligné son importance en écrivant : «Nous avons estimé d’après la navigation que Kerne se trouvait en ligne directe avec Carthage.»
Kerne est devenue le point de départ pour une exploration plus poussée. De là, Hannon s’est embarqué dans un voyage qui l’amènerait aussi loin au sud que l’actuel Gabon.