Alors qu’il était en train de construire son mur des Sables au Sahara pour mettre un terme aux agressions répétées des éléments du Front Polisario, le Maroc et les séparatistes s’étaient réunis à plusieurs reprises avant que l’ONU ne parvienne à la mise en place d’un cessez-le-feu entre les deux parties en 1991.
Pourtant, avant 1989, le royaume refusera d’«entamer officiellement des négociations directes avec le Polisario, avançant l’argument selon lequel le Maroc, en tant qu’État, ne pouvait négocier qu’avec un autre État». L’une des rencontres se déroulera à Marrakech, en présence du roi Hassan II.
Les rencontres des années 80 et la médiation saoudienne
Ainsi, c’est vers le début des années 80 que le Maroc et le Front Polisario se rencontrent à Ryad, en pleine guerre du Sahara. Selon le livre «Sahara Occidental : la marche vers l’indépendance», cette rencontre s’est déroulée «sous l’égide du roi Fahd d’Arabie saoudite».
Ce n’est pas la première fois que l’Arabie saoudite tente de joueur le médiateur entre le Maroc et l’Algérie concernant ce conflit régional. En effet, selon un article intitulé «Le conflit du Sahara occidental dans les relations inter-arabes» d’Olivier Vergniot, la monarchie wahhabite a «régulièrement» tenter de «jouer les médiateurs» dans ce conflit, «comme en novembre 1976 ou en septembre 1977».
C’est même grâce au roi Fahd Abdelaziz Al Saoud que le Maroc et l’Algérie se rencontrent une première fois, le 26 février 1983, puis une deuxième, le 4 mai 1987. Cette rencontre se déroule la frontière maroco-algérienne en présence du roi Fahd d’Arabie Saoudite, du roi Hassan II et du président algérien Chadli Bendjedid.
Hassan II, le roi Fahd d’Arabie Saoudite et le président algérien Chadli Bendjedid. / Ph. Driss Benyatouille
Mais déjà en 1982, des représentants du Maroc et du Front Polisario se rencontrent à Lisbonne, au Portugal, pour des discussions informelles. Dans une interview accordée à la chaîne Al Jazeera en 2004, Bachir Mustapha Sayed, frère du fondateur du mouvement séparatiste et actuel «ministre des territoires occupés» du Front Polisario, avait affirmé avoir rencontré Driss Basri, l’homme fort de Hassan II et ministre de l’Intérieur.
«Je lui avais dit que le fait de le contacter ne reposait sur aucune information ou analyse, mais que mon cœur me disait que ma rencontre avec Hassan II serait le facteur qui modifierait tous les paramètres et nous dirigerait vers une approche totalement nouvelle», avait-il confié à Al Jazeera. Driss Basri tentera alors d’en savoir plus mais, face à la rigidité de son interlocuteur, aurait fini par affirmer qu’il informerait le roi du Maroc.
Un an plus tard, une autre rencontre réunira Marocains et Sahraouis pro-Polisario, cette fois-ci à Alger. Bachir Mustapha Sayed racontait comment, au lendemain de la rencontre de Hassan II et Chadli Benjedid du 26 février 1983, les autorités algériennes ont informé le Front Polisario de la «volonté de l’Arabie saoudite d’organiser une rencontre entre Marocains et Sahraouis». «Nous avons eu peur car l’Arabie saoudite tentait de trouver une solution bilatérale entre l’Algérie et le Maroc au détriment du peuple sahraoui», expliquait le frère du fondateur du Polisario.
El Ouali Mustapha Sayed, fondateur du Polisario. / Ph. DR
A Alger, le Maroc était représenté par son chef de la diplomatie, M’hamed Boucetta, son ministre de l’Intérieur, Driss Basri ainsi que par Ahmed Réda Guédira, conseiller du roi Hassan II. Une rencontre qui se conclura sans résultat concret quant au conflit territorial.
De la rencontre de 1989 à l’accord de cessez-le-feu
Les rencontres entre Marocains et séparatistes se poursuivront. Dans «Sahara occidental : les enjeux d’un conflit régional», Khadija Mohsen-Finan évoque une rencontre à Lisbonne en 1985. Des «entretiens» n’ayant «jamais [été] considérés comme des négociations», qualifiés «délibérément» par le Maroc de «discussions» ou «d’audiences», précise-t-elle.
C’est en janvier 1989, à Marrakech, que le roi Hassan II recevra, quatre ans plus tard, une délégation du mouvement séparatiste. Selon Universalis, les deux parties s’entretiennent «à propos du référendum d’autodétermination, prévu pour cette année dans l’ancien Sahara espagnol sous l’égide de l’ONU».
La rencontre sera suivie par «un communiqué du Polisario» rendant hommage à la «position constructive et courageuse» du roi du Maroc au cours de ces conversations. Mais le 20 août, le souverain change de tactiques en exprimant explicitement, lors de son discours, «sa volonté de rallier les « frères égarés »» du Polisario.
Hassan II et Bendjedid Chadli. / Ph. DR
Un an plus tard, le 17 janvier 1990, il reçoit à Marrakech «dix anciens membres du Front Polisario qu’il nomme membres du Conseil consultatif royal pour les affaires sahariennes», dont Omar Hadrami nommé gouverneur au ministère de l’Intérieur et Bachir El Ouali nommé conseiller au ministère des affaires étrangères.
Car, selon Khadija Mohsen-Finan, la rencontre de Marrakech (février 1989) entre le roi et une délégation du Polisario a montré à quel point les « »exigences » du Polisario, comme ses menaces de reprendre le combat, étaient « vides de sens »». De plus, du côté du Polisario, «la rencontre de Marrakech, tant sollicitée, ne fut pas l’acte de reconnaissance du Front Polisario par son adversaire», comme l’espéraient les amis de l’ancien secrétaire général du Front, Mohamed Ould Abdelaziz.
Un an plus tard, les deux parties signeront l’accord du cessez-le-feu sous l’égide de l’ONU. Bien qu’elles se croisent à Genève, en 1996, sous l’égide de l’ONU, ce n’est qu’en juin 2007 que le Maroc et le Polisario s’attablent officiellement à Manhasset, dans la banlieue de New York, pour des négociations directes conformément aux résolutions du conseil de sécurité des Nations unies.