Suite à la dernière rencontre entre le roi Mohammed VI et le président sud-africain Jacob Zuma, à l’occasion du Ve sommet Union européenne-Union africaine, Yabiladi a choisi de revenir sur les liens qui unissaient, au début des années 60, le jeune président de l’ANC (African National Congress), Nelson Mandela, et le Maroc, notamment sa relation avec Abdelkrim El Khatib, ministre d’Etat chargé des Affaires africaines à l’époque, et qui deviendra plus tard le parrain politique des islamistes marocains du PJD.
De 1960 à 1962, Mandela était au Maroc. A Oujda, il avait fait connaissance avec les têtes d’affiche du FLN algérien. A l’époque le royaume était la «Mecque» de toutes les figures de la résistance en Afrique. Les réputations de Mohammed V et des leaders du Mouvement nationaliste, Allal El Fassi, Mehdi Ben Barka, Mohamed El Basri (alias Fqih), dépassaient les frontières du pays.
C’est dans ce contexte que le jeune Mandela allait rejoindre les Algériens Houari Boumediene, Ben Bella, Mohamed Boudiaf, ainsi que Agustino Neto (le premier président de la république de l’Angola entre 1975 et 1979), Amilcar Cabral, le fondateur du parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap Vert, et bien d’autres encore qui avaient trouvé refuge au Maroc.
La première livraison d’armes à Mandela provenait du Maroc
Tous ces noms rêvaient d’indépendance et de liberté pour leur pays. Mandela partageait les mêmes ambitions, bien qu’il ait été animé de soif de liberté et d’égalité beaucoup plus que d’indépendance. Son pays vivait, depuis 1948, sous le régime de l’Apartheid qui pratiquait une ségrégation raciale foulant au pas tous les droits des noirs, de surcroît autochtones et majoritaires. Son combat était différent de celui des indépendantistes. Dans ce contexte, il allait vite trouvé en Abdelkrim El Khatib, l’interlocuteur idéal pour transmettre ses doléances au palais marocain.
En 1962, le roi Hassan II ordonna à El Khatib de remettre de l’argent, de livrer et d’acheminer des armes et des munitions aux combattants de l’ANC. L’ancien ministre des Affaires étrangères, Saâd Dine El Othmani, avait d’ailleurs indiqué lors d’un meeting politique, tenu fin mai 2013 à Rabat pour commémorer la Journée de l’Afrique, que cette livraison d’arme fut la première reçue par les amis de Mandela en provenance d’un pays étranger.
Le fil de la relation entre Mandela et le Maroc allait être brutalement interrompu un certain 12 juillet 1963, jour de l’arrestation du leader de l’ANC. Durant les 27 longues années de détention, l’ANC se rapprochera sensiblement des pays communistes alors que le Maroc flirtera avec le régime sud-africain au sein du Club Safari. Rabat soutiendra même Pretoria dans la crise angolaise : Jonas Savimbi contre son grand rival José Edouardo Dos Santos, actuel président de l’Angola.
En 1994 Mandela remercie Hassan II
A sa sortie de prison, le 11 février 1990, Nelson Mandela a entrepris un long périple dans plusieurs pays des cinq continents. Le Maroc figurait alors sur l’agenda du chef incontesté de l’ANC. Novembre 1994, il effectue un déplacement au royaume au cours duquel Hassan II lui réserva un accueil chaleureux et le décorera. Mais ces retrouvailles n’iront pas plus loin. Pis, les relations politiques entre les deux pays n’auront de cesse de se détériorer.
La présidence de Mandela (9 mai 1994-14 juin 1999) a pu contenir un temps les divergences entre le royaume et les autres cadres de l’ANC sur la question du Sahara occidental. Mais la proximité avec l’Algérie a pris le dessus sur le souvenir lointain de cette première livraison d’armes datant de 1962. En 2004, le couperet tomba avec la reconaissance de la « RASD » par l’Afrique du Sud. Depuis, Pretoria est devenue l’un des plus précieux soutien du mouvement sépratiste.