On ne compte plus les émissions consacrées au parcours politique de Abderrahim Bouabid, le fondateur de l’USFP. Mais très souvent, un événement hautement crucial dans le dossier du Sahara, est passé sous silence médiatique. Depuis quelques années, même la presse du parti de la Rose semble avoir oublié ce moment de l’histoire.
Pourtant, c’est l’un des moments les plus tendus entre le bureau politique de l’USFP et la monarchie sur une question que le Palais considère strictement de son domaine réservé. Il s’agissait du « Non » catégorique de la part de Bouabid et ses camarades, à l’organisation d’un référendum sur le Sahara occidental, accepté par le roi Hassan II, le 26 juin 1981, lors du sommet de l’Organisation de l’unité africaine tenu à Nairobi (au Kenya).
Une année de prison pour un « Non » au roi
Dans un communiqué, le bureau politique du parti de la Rose estimait que ce «compromis» était une réelle menace à la «marocanité» du territoire disputé. Mais se montrer plus royaliste que le roi sur l’affaire du Sahara, n’a pas réussi à Bouabid et les siens.
Très vite, la machine de l’Etat se met en branle et ordre est donné à son bras judiciaire de sévir. En plein coeur des années de plomb, Abderrahim Bouabid, Mohamed El Yazghi, Mohamed Lahbabi et Abdelahdi Khairat sont interpellés par la police et immédiatement poursuivis pour «incitation au désarroi» et «atteinte aux citoyens dans leur attachement à la personne du souverain».
Il faut dire que depuis plusieurs semaines déjà, l’USFP et son aile syndicale, la CDT (Confédération démocratique du travail) étaient dans le collimateur du pouvoir. Des centaines de membres des deux instances ont été envoyés en prison à cause de leur participation à la grève générale du 20 juin 1981 à Casablanca, un mouvement de contestation réprimé dans le sang. Les deux quotidiens de l’USFP, Al Mouharir et Libération sont même interdits.
Le roi Hassan II souffle le chaud et le froid
Les trois membres du Bureau politique sont condamnés à un an de prison. Après un bref passage (un mois) au sinistrement célèbre centre de détention de Laâlou à Rabat, ils sont transférés à Missour à l’abri des regards de leurs partisans et des correspondants de la presse européenne. Une mise à l’écart qui n’a pas empêché le lancement d’une vague de mobilisation en faveur de Bouabid et ses amis.
Le changement du contexte international, marqué notamment par l’élection d’un président socialiste, François Mitterrand, en France, et la forte probabilité de victoire du PSOE aux législatives en Espagne ont contribué à la libération de Bouabid et les siens, six mois après leur incarcération. Ce virage à gauche a exigé des compromis.
Une année après sa libération, les tensions se sont apaisées avec le Palais. Bouabid accepte même d’occuper un poste de ministre d’Etat sans portefeuille, au même titre que six autres chefs de formations politiques, dans le gouvernement Karim Amrani en vue de préparer les élections législatives de 1984. Un passage qui n’aura pas duré longtemps. A l’approche de cette échéance, le roi Hassan II libérera les secrétaires généraux de leurs «missions» pour qu’ils se consacrent pleinement à la campagne électorale.