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Quand des ONG marocaines initiaient les aides à l’OLP


Le 29 novembre de chaque année, l’ONU commémore la Journée mondiale de soutien au peuple palestinien. Dans les temps présents, des sit-in et des rencontres sont prévus à l’occasion au Maroc, mais cette mobilisation a pris différentes formes par le passé. Le début de la mobilisation de la société civile dans les années 1960, 1970 et 1980 a principalement été mené par les organisations syndicales et politiques de gauche, ainsi que l’Union nationale des étudiants du Maroc (UNEM). Les initiatives lancées ont notamment porté sur l’aide directe aux résistants au sein de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP).

Dans le cadre de cet appui, les rencontres à caractère culturel ont rassemblé des milliers de personnes à travers le pays, dans les années 1970, notamment par le biais des manifestations cinématographiques. Depuis sa création en 1973 sous la houlette de Noureddine Saïl, la Fédération nationale des ciné-clubs du Maroc (FNCCM) a ainsi apporté son soutien, d’où la naissance des Semaines du film palestinien.

«Au début, il y avait surtout des courts-métrages. Avec la création d’un bureau de l’OLP à Rabat, comme il n’existait pas encore d’ambassade, la FNCCM a scellé un partenariat, afin de donner plus de visibilité aux films palestiniens», nous raconte Driss Chouika, qui a fait partie de la structure culturelle depuis la fin des années 1970.

«De son côté, l’OLP a appuyé de plus en plus les réalisateurs pour faire des films sur la cause palestinienne, des documentaires dans les camps de déplacés, avec les résistants palestiniens. Cette convention nous a permis de faire circuler ces travaux de manière itinérante à travers les villes où nous pouvions tenir des projections», se rappelle encore Driss Chouika. Celui-ci se souvient d’ailleurs de l’un des temps forts de ces projections, qu’il confie à Yabiladi : «Nous avions programmé le film de Jean-Luc Godard  »Ici et ailleurs » sur les combattants palestiniens, après avoir obtenu l’une des rares copies disponibles à ce moment-là au Maroc.»

Des rassemblements cinématographiques mal perçus par les autorités

Autant dire que les films à thème étaient finement sélectionnés, avec des débats prévus à chaque fin de projection, ce qui a constitué un véritable espace libre, dans un contexte national de répression politique. Dans ce sens, Driss Chouika rappelle que ces rendez-vous ont bénéficié d’un grand engouement.

«Jusqu’en 1982, la Fédération a compté 45000 adhérents à travers le Maroc, dans les différentes villes où il y avait une salle de cinéma. L’afflux était tellement important que les autorités ont commencé à voir ces événements d’un mauvais œil ; par le nombre de spectateurs dans les salles et ceux qui restent dehors, ils assimilaient ces rassemblements à des manifestations.»

Driss Chouika

Au départ de ces Semaines, une initiative lancée par l’ONG à Kénitra, qui s’est élargie à d’autres villes. Driss Chouika nous raconte s’être occupé de l’organisation à Casablanca. «Pendant une période, le rendez-vous se tenait au Cinéma Rialto. Je me souviens de l’édition de 1984, dont l’ouverture était prévue à 18h30. A 15 heures, nous avions reçu un responsable de la Wilaya de Casablanca, qui nous avait sommés d’annuler l’évènement  »pour des raisons de sécurité »», nous raconte-t-il.

Le climat sécuritaire qui a accompagné ces événements, Driss Chouika le raconte aujourd’hui comme une anecdote : «Le Caïd est venu pour me convaincre de l’annulation. Je lui ai dit que nous n’avions pas besoin d’autorisation du moment que nous avions averti les autorités locales et que par ailleurs, c’était le bureau de l’OLP qui organisait les projections et que la Fédération était juste un relais.»

Aujourd’hui réalisateur et secrétaire général de la Chambre nationale des producteurs de films, il enchaîne son récit : «Le représentant culturel de l’OLP a été appelé lui aussi, l’Intérieur a directement été contacté, les tractations ont continué jusqu’à 18h. A 18h15, la wilaya nous a finalement dit que nous ne pouvions tenir l’évènement.»

Ces restrictions n’auront pas eu raison de la dynamique créée autour des Semaines du film palestinien, puisque Casablanca a compté de multiples ciné-clubs qui ont projeté des productions en soutien à la Palestine. «Il y en avait un au Cinéma Star à Aïn Sebaâ, Kawakib à Derb Sultan, L’Arc sur le boulevard Ziraoui, Sahara d’Aïn Chock…», se souvient Driss Chouika.

Des lectures et des expositions de soutien

Si ces espaces ont aujourd’hui disparu, les activités de soutien dans les cinémas n’ont pas été les seules manifestations culturelles d’aide à la Palestine. Détruit en 1984, l’ancien Théâtre municipal de Casablanca a été hôte de nombreuses foires, expositions et lectures de poésie. Ses galeries annexes ont d’ailleurs servi d’espace associatif pour l’organisation des Semaines culturelles palestiniennes.

En 1983, après le massacre de Sabra et Chatilla, le lieu a ainsi accueilli une semaine de soutien à l’OLP, à travers une exposition de photos montrées pour la première fois, décrivant l’horreur du massacre. Peu avant la destruction, ces activités ont été tellement surveillées qu’elles ont fini par s’amenuir, avec une forte présence des forces de l’ordre, notamment lors de la dernière activité et qui a été une lecture de poèmes palestiniens par Ahmed Kaâbour.

Pour Driss Chouika, «la cause principale de cette destruction est la tenue de manifestations culturelles engagées en son sein». Il nous en rappelle une : «Quatre mois avant la destruction, une soirée de lecture poétique accueillant Mahmoud Darwich s’y est tenue, en clôture de la Semaine du film palestinien. Le théâtre comptait 1 000 places et 7 000 personnes étaient à l’extérieur, bloquant ainsi le centre-ville casablancais.»

Driss Chouika donne à Yabiladi sa lecture de la succession des faits : «La cause palestinienne est considérée comme nationale car la Palestine fait partie du monde arabe et donc d’un territoire auquel appartient le Maroc, d’où l’engouement des organisations à l’époque. Mais c’est ce même engouement qui est devenu problématique pour les autorités, qui n’étaient pas contre le soutien à la Palestine, mais qui étaient gênées de perdre le contrôle sur ces activités, d’où les nombreuses arrestations.»

Une mobilisation au-delà des activités culturelles

Membre à l’époque du bureau exécutif de l’Association marocaine de soutien à la lutte du peuple palestinien, Anis Balafrej souligne de son côté que ces aides ont pris différentes formes, «entre l’appui culturel, économique et politique».

«L’ONG dont j’ai fait partie, dans les années 1970, achetait des Jeep militaires et les envoyait au sud de Liban, en plus de son appui au fort soutien populaire et de la participation aux Semaines du film palestinien, ou le travail d’encadrement dans les quartiers populaires.»

Anis Balafrej

Et de rappeler que «Mahmoud Darwich a été accueilli à plusieurs reprises à Rabat et à Casablanca, comme tous les poètes palestiniens et d’autres de pays arabes, tels que Muzaffar Al-Nawab». Quant au devenir de ces initiatives ou leur reprise, Anis Balafrej lie leur évolution «aux conséquences du dépérissement de la politique au Maroc», entre autres.

«Les partis sont atrophiés en termes d’engagement de militants, ce qui a eu son incidence sur certaines structures, constituées à l’époque de militants syndicalistes et politiques, de partis de gauche», analyse le militant. Pour lui, «lorsque les partis ont commencé à dépérir, certaines dynamique ont été impactées, donc les faire revivre pose la question de la redynamisation des partis progressistes eux-mêmes».

«Dans les années 1970, nous parlions peu du boycott, qui trouve son origine dans une résolution de la Ligue des Etats arabes, donc un article interdit les relations de toute sorte avec Israël», indique le militant. «Aujourd’hui, il y a d’autres formes de solidarité avec la création des mouvements de boycott BDS à travers le monde, dont l’antenne marocaine a été initiée par Sion Assidon, des militants marocains et palestiniens, pour alerter sur la normalisation avec Israël», explique de son côté Driss Chouika.





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