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Polisario et séparatistes de l’intérieur, retour sur plusieurs plans avortés


Dans plusieurs de ses sorties médiatiques durant lesquelles il ne rate pas l’occasion d’épingler le Maroc, un mot est répété sans cesse par le Polisario et ses relais médiatiques : «l’Intifada». Synonyme en arabe de soulèvement, ce «mode de résistance» à l’image du camp de Gdeim Izik n’est autre qu’une forme de mobilisation des séparatistes de l’intérieur, pour investir les rues. Mais contrairement à ce que l’on pense, c’est loin d’être un nouveau mode de protestation concocté par le mouvement de Brahim Ghali pour nuire à l’image du Maroc. Par le passé et bien avant les événements de Gdeim Izik, plusieurs «intifadas» ont eu lieu dans le Sahara à l’appel du front.

Dans un article paru en 2015 dans la revue Les Cahiers d’EMAM, la professeure et chercheuse Claudia Barona Castañeda a retracé les occasions où des protestations ont eu lieu dans le Sahara, les liant à des faits historiques. Pour elle, la première «intifada» a eu lieu le 17 juin 1970 contre l’occupant espagnol. Célébré même par le Polisario, cette mobilisation a eu lieu à la place de Zemla, à Laâyoune. «Brutalement réprimés par les forces» espagnoles, ces événements tueront «11 personnes et 100 autres sont emprisonnées». Mais à l’époque, le mouvement séparatiste n’était pas encore né. Il ne verra le jour que le 10 mai 1973 à Zouerate, en Mauritanie voisine.

Ainsi, c’est le 27 février 1976, date du départ du dernier soldat espagnol du Sahara suite à la Marche verte, que le Front Polisario réussit à mobiliser ses partisans dans la province pour la première fois. «Des femmes sahraouies ont décidé d’organiser une marche de protestation» avant d’être rejoints par des hommes. Sur des informations fournies par le Polisario sur la présence, au Sahara, d’une délégation étrangère, les pro-Polisario se dirigent alors vers l’hôtel Parador. Mais les autorités interviendront pour les disperser. C’est également dans ce contexte que «les premières associations civiles sont nées», avant d’établir «des contacts» avec le Polisario installé à Tindouf. 

Les manifestations de 1987 et de 1992

En novembre 1987, profitant de la présence d’une mission onusienne à Laâyoune, le mouvement séparatiste mobilise à nouveau ses relais, voyant en cette présence une «opportunité» pour relayer ses thèses séparatistes. Ses séparatistes de l’intérieur préparent alors «en secret» une grande manifestation et réussissent même à mobiliser des «élèves des établissements scolaires», poursuit l’auteure. Mais, trois ou quatre jours avant la manifestation, «plus de 400 personnes sont arrêtées» par les autorités marocaines.

Cinq ans plus tard, en 1992, soit un an seulement après la signature du cessez-le-feu entre le Maroc et le Front Polisario et le déploiement de la MINURSO dans le Sahara, le mouvement séparatiste établi en Algérie mobilise encore une fois ses relais dans la province.

La ville de Laâyoune. / Ph. DRLa ville de Laâyoune. / Ph. DR

Cette fois, «une logistique impeccable pour garantir un contact permanent entre les organisations» est mise en place. Connue sous le nom d’«Intifada des trois villes», les manifestations auront lieu à Laâyoune, Assa et Smara, avec des «drapeaux» du Front Polisario et des slogans anti-marocains. L’intervention des forces de l’ordre permettra de disperser les manifestants mais ceux-ci continueront leur mobilisation.

Le Polisario réussit finalement à récupérer politiquement cette intervention. «Le Sahara occidental a été touché le mois dernier par une vague de manifestations qui ont été brutalement réprimées par les forces marocaines», écrit alors en novembre 1992 Le Monde Diplomatique tout comme d’autres médias étrangers, affirmant que «la tension demeure vive dans le territoire, d’autant que les efforts des Nations unies pour relancer le plan de paix, voté à l’unanimité par le Conseil de sécurité, sont tenus en échec».

Les événements de la place Dcheira de 1999

Les choses se calmeront jusqu’en septembre 1999, deux mois après le décès du roi Hassan II et l’intronisation du roi Mohammed VI. «Des étudiants de l’université» initient alors un rassemblement à la place Dcheira à Laâyoune avec des revendications purement sociales. Ils exigeaient, selon Claudia Barona Castañeda, «des demandes pour faciliter l’accès aux universités» ou encore «l’accès aux matières scientifiques pour les étudiants» entre autres. Une version confirmée par Luis Mesa Delmonte dans «El pueblo quiere que caiga el régimen. Protestas sociales y conflictos en África del Norte y en Medio Oriente» (Editions El Colegio de Mexico, 2012) qui évoque la situation économique comme principale motivation de cette protestation. «Tout indique qu’ils n’avaient pas de leader, leur situation sociale et le besoin économique les ont amenés à s’organiser», affirme-t-elle. Seulement, la main invisible du Polisario changera la donne.

«Mais trois jours plus tard, la contestation prit de l’ampleur et changea progressivement de sens. Les étudiants de l’université furent d’abord rejoints par tous les diplômés chômeurs qui exigeaient des emplois. Puis arrivèrent les travailleurs des mines (…) Ce furent ces travailleurs qui, les premiers, montèrent la khaïma (tente) pour marquer symboliquement la place.»

Claudia Barona Castañeda

Trois semaines après le début de l’installation du camp de tentes, les autorités marocaines interviennent pour démanteler. Des affrontements sont alors enregistrés.

Gdeim Izik et Laâyoune en 2010 après le démantèlement du camp. / Photomontage ALMGdeim Izik et Laâyoune en 2010 après le démantèlement du camp. / Photomontage ALM

«Des drapeaux marocains brûlés dans la rue, des slogans qui fleurissent en faveur de l’indépendance, des cocktails molotov contre les gaz lacrymogènes, des dizaines de personnes blessées ou incarcérées», écrit en 2005 le journal Le Monde, décrivant de «nouvelles manifestations, les plus violentes depuis octobre 1999». Le camp est lui aussi démantelé finalement.

Gdeim Izik, un événement qui a coûté cher au Maroc

Mais au début du mois d’octobre 2010, un nouveau camp apparait à Gdeim Izik, à une quinzaine de kilomètres de la ville de Laâyoune lorsque des Sahraouis installent des tentes et s’y installent en signe de protestation. «Ils campent pendant près d’un mois», avec des revendications «pacifiques portant en premier lieu sur les conditions de travail et de vie, la corruption et les difficultés sociales et économiques». Les négociations sont établies avant d’aller droit dans le mur, favorisant ainsi la circulation de plusieurs rumeurs visant à inciter plus de monde à rejoindre le camp.

Le 8 novembre, les autorités déclenchent l’opération de démantèlement qui déboucheront sur un drame : 13 morts dont 11 membres des forces de sécurités sont tués et plus de 74 personnes blessées. Des événements initiés à l’appel du Polisario, qui coûteront cher au Maroc, notamment avec le procès des Sahraouis accusés d’avoir assassiné les 11 membres des forces de l’ordre.

Depuis, le Polisario veille à fréquement employer ce mot dans plusieurs sorties médiatiques, preuve de sa détermination à mobiliser ses séparatistes dans la province. Le dernier en date étant son communiqué, paru le 6 avril pour dénoncer un événement partisan organisé par le Parti de l’Istiqlal à Laâyoune. Un congrès ayant irrité le mouvement de Brahim Ghali au point que ce dernier l’a qualifié de «tentative pour faire taire la voie de l’Intifada qui dérange tant» le Maroc.





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