Chaque année, la Journée nationale de lutte pour les droits des femmes constitue une étape majeure pour de nombreuses organisations de la société civile au Maroc, afin de questionner les avancées et les défis en la matière. Cette année, le 10 octobre marque aussi la rentrée parlementaire, à l’occasion de laquelle le tissu associatif compte bien multiplier les démarches de plaidoyer auprès des élus. Le but est ainsi de faire de la réforme du Code de la famille en cours un pas majeur dans l’autonomisation, en phase avec une logique d’égalité.
A deux jours de l’ouverture de l’année législative 2024-2025, la «Coordination féministe pour la réforme globale et profonde du Code de la famille» a organisé une table ronde, à Rabat, pour informer sur ces démarche et mettre en lumière son mémorandum déjà élaboré à ce sujet, en tant que feuille de route du débat et des propositions. Constituée désormais d’une trentaine de structures associatives nationales et régionales, la structure souligne en effet que la balle est désormais dans le camp des parlementaires, appelés à soutenir un référentiel constitutionnel égalitaire, durant les débats sur la réforme.
Après consultation des institutions et de la société civile, dans le cadre de l’Instance en charge de ce processus, les élus participeront à apporter des propositions et des amendements, dans la phase d’examen par l’Hémicycle. C’est dans ce contexte que les ONG participantes à cette table ronde ont été nombreuses à insister sur le rôle décisif des élus de la nation, notamment pour privilégier le principe d’harmonisation du texte avec la Constitution et pour «résister aux tentatives de changement régressif», susceptibles d’être portées par les partis islamistes et les tendances conservatrices.
Pour que la réforme du Code de la famille soit au cœur du débat parlementaire
Membre de la coalition associative, Aatifa Timjerdine confirme à Yabiladi que cette rencontre s’inscrit dans le cadre de la Journée nationale du 10 octobre, qui «constitue une date très importante pour s’arrêter sur les acquis, les réalisations et les défis, en questionnant les avancées effectives en matière de droits des femmes».
«Cette année, cette journée intervient à un moment où nous sommes dans un chantier législatif ouvert, pour la réforme du Code de la famille. Ce processus est très salutaire, considérant que l’Instance chargée de la révision a adopté une approche résolument participative et largement consultative, en recevant et en écoutant toutes les propositions des différentes parties, dont notre coalition», nous a déclaré la militante, en marge de la table ronde.
Dans le cadre de cette réforme, qui intervient également avec la rentrée parlementaire, les attentes de la coalition restent nombreuses.
«Nous souhaitons que ce projet de loi soit examiné par le Parlement, avec l’espoir que la mouture qui sera votée soit en phase avec nos revendications principales, s’agissant des dispositions du mariage, du divorce, du système successoral consacrant l’égalité dans l’héritage, ainsi que de l’intérêt supérieur de l’enfant, à commencer par le caractère obligatoire de l’âge de majorité pour acter le mariage, pour les filles comme pour les garçons, ou encore des questions liées à la garde des enfants et à son annulation.»
Aatifa Timjerdine
Ces changements devraient notamment permettre la fin des pratiques administratives et juridiques discriminantes, en matière de répartition des biens et des responsabilités familiales, notamment en termes de tutelle légale sur les enfants, ou de reconnaissance de la filiation. Dans son mémorandum de 2023, base de plaidoyer auprès des différentes parties prenantes, dont les élus, la Coordination préconise «un Code de la famille juste et équitable, répondant à l’ensemble des défis et adapté aux dispositions de la Constitution, ainsi que des conventions internationales».
Consulté par Yabiladi, le document appuie en effet un cadre juridique en harmonie avec ces principes et sans discrimination de genre. Dans ce sens, la coordination appelle à «rompre avec les conceptions patriarcales qui détendent sur les relations hommes-femmes dans la sphère privée, comme la qiwamah par rapport à la responsabilité partagée». Aussi, elle appelle à «abroger l’article 400 du Code de la famille» actuel.
En effet, cette disposition oblige les juges à s’inspirer du rite malékite, au cas où la règle de droit positif est absence, caduc ou imprécise. La Coordination estime qu’il s’agit là «d’un Code de la famille à part entière, qui pose une restriction majeure aux magistrats dans les possibilités de recourir aux principes de la Constitution et du droit international, ou encore en matière d’interprétation égalitaire des lois en vigueur».
En septembre 2023, le roi Mohammed VI a adressé au chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, une lettre relative à la révision du Code de la famille, en vue de concrétiser la décision royale annoncée lors du discours du Trône en 2022, pour la promotion des questions de la femme et de la famille. La même année, une instance royale a été chargée de cette réforme.