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Oum Kalthoum, celle que De Gaulle considéra comme «la conscience d’une nation»

Oum Kalthoum, celle que De Gaulle considéra comme «la conscience d’une nation»


De son vrai nom Fatima Ibrahim as-Sayed El-Beltagi, Oum Kalthoum s’est imposée comme l’une des voix emblématiques de l’Égypte et du monde arabe au XXe siècle. Les historiens ne s’accordent pas sur sa date de naissance, certains avançant le 21 décembre 1898, tandis que d’autres optent pour le 31 décembre 1908.

Surnommée l’«Astre d’Orient», sa musique a bercé des générations entières. Elle était également connue sous les noms de «la mère des peuples», «la quatrième pyramide» ou encore «el sett» (la dame). Dès son enfance, Oum Kalthoum s’est lancée dans la musique, et sa renommée a rapidement dépassé les frontières égyptiennes, faisant d’elle une icône dans tout le monde arabe.

Dans son livre «Oum Kalthoum, histoire d’une passion», Mohamed Ârad écrit qu’elle a «marqué les arts et la littérature par une tradition éthique de l’écoute et du respect du public, modifiant ainsi la perception des chanteurs à travers l’histoire de la culture et des beaux-arts».

Une ascension fulgurante

En 1928, alors qu’elle résidait au Caire depuis quatre ans, elle défia l’autorité parentale en portant des robes sobres à manches longues pour monter sur scène et interpréter «In kont assameh w ansa l’asseya». Ce titre connut un succès retentissant et révéla précocement son talent de diva à la voix puissante.

Le 31 mai 1934, Oum Kalthoum fut la première à chanter sur la nouvelle chaîne de radiodiffusion égyptienne. Chaque semaine, elle composait une nouvelle chanson qu’elle interprétait le jeudi, captivant des millions d’auditeurs et éclipsant toute autre programmation ce jour-là.

Son succès perdura pendant des années. Cependant, après la Révolution des officiers libres en juillet 1952, qui renversa la monarchie égyptienne, la situation changea. Le Conseil révolutionnaire la considérait comme la chanteuse du roi Farouk, désormais déchu. Ses chansons furent interdites de diffusion, et elle perdit son titre de majore des musiciens.

Oum Kalthoum envisagea de se retirer, mais Gamal Abdel Nasser, leader de la Révolution, intervint pour la convaincre de revenir sur sa décision. Leur amitié perdura jusqu’à la mort de Nasser, devenu le deuxième président d’Égypte et figure centrale du mouvement nassérien panarabe, de 1956 au 28 septembre 1970.

Une carrière musicale marquée par l’engagement

Ali Al-Samman Mansour s’est penché sur cette amitié dans son article «La place d’Oum Kalthoum auprès de Gamal Abdel Nasser», publié dans la revue Al Majalla à Londres. Il écrit que «la relation privilégiée qui la liait à Oum Kalthoum (…) était inoubliable (…) Elle reposait sur une pureté distinguée, nourrie par une appréciation notable pour son rôle artistique majeur qui a enchanté toute la nation arabe».

Oum Kalthoum était également dotée d’une grande conscience politique et s’intéressait aux questions cruciales concernant l’Égypte et le monde arabe. Elle dédia de nombreuses chansons à la Palestine et aux martyrs de cette cause.

Dans ses écrits, Muhammad Husayn Haykal rappelle que cet Astre d’Orient faisait partie des figures qui ont «transformé Le Caire à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle en une véritable capitale arabe, aux côtés des œuvres de poètes comme Gibran, Chaouqi et Matran».

Oum Kalthoum a également soutenu financièrement l’armée égyptienne à plusieurs reprises, ce qui lui valut les éloges de Gamal Abdel Nasser, qui lui adressa une lettre le 30 octobre 1955.

«À Madame Oum Kalthoum Ibrahim,

Vous avez fourni une contribution de mille livres pour armer nos soldats qui défendent. Acceptez mes sincères remerciements pour vos nobles sentiments et votre patriotisme.»

Lettre de Gamal Abdel Nasser

La musique au service des causes arabes

Après la défaite arabe face à Israël lors de la Guerre des Six Jours en 1967, le soutien d’Oum Kalthoum aux soldats égyptiens s’intensifia. Elle multiplia les concerts en Égypte et à l’étranger, reversant généreusement ses bénéfices à l’armée. Sa renommée artistique s’étendit jusqu’à Paris, où elle se produisit les 13 et 15 novembre 1967 à l’Olympia.

Ali Al-Samman Mansour rappelle que «la plupart des représentants arabes en France et en Europe assistèrent à sa réception, et d’infinies queues se formèrent à l’entrée de l’Olympia». Ayant lui-même assisté à cet événement inédit, il se souvient qu’«à son deuxième et dernier jour, Oum Kalthoum [lui] demanda de rédiger une lettre au général De Gaulle, président de la République française, pour le remercier de sa position juste concernant le conflit israélo-arabe». La réponse du général ne tarda pas : «Moins de vingt-quatre heures plus tard, il lui répondit, la décrivant en substance comme ‘la conscience de toute une nation’.»

Le soutien d’Oum Kalthoum à l’armée égyptienne ne faiblit pas. Après la guerre d’octobre 1973, le président Anouar el-Sadate lui écrivit le 11 novembre de la même année : «J’ai reçu votre courrier exprimant vos nobles sentiments et votre patriotisme, un idéal fort à travers votre soutien au renforcement de nos armées pour défendre le territoire meurtri de notre tant aimée nation arabe.»

À l’aube du 3 février 1975, Oum Kalthoum s’éteignit au Caire, après avoir longtemps souffert d’une néphrite aiguë. Ses funérailles, parmi les plus grandes de l’histoire de l’Égypte, rassemblèrent des milliers de personnes en deuil.





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