Dimanche 23 septembre 2018 à La Ferté-Vidame (ouest de Paris), un vibrant hommage a été rendu à la mémoire de Michel Jobert. Né au Maroc, à Meknès, il était homme politique français et avant cela officier militaire ayant été au front pendant la Seconde guerre mondiale.
«Lors du 43e Prix Saint-Simon décerné à l’Ambassadeur de France, Claude Martin, pour son ouvrage « La diplomatie n’est pas un dîner de gala », paru aux éditions de L’Aube, le président de la Fondation nationale des musées du Maroc, Mehdi Qotbi, a rendu hommage à feu Michel Jobert, l’enfant de Meknès», rapportaient plusieurs médias marocains.
Mehdi Qotbi avait rappelé combien cette grande figure de la politique française fut non seulement un grand et fin connaisseur du monde arabe et du Maghreb, tout particulièrement du Maroc, mais aussi un poète et un écrivain-né. De son amour profond pour le Maroc est né un roman «La Rivière aux Grenades», avait-il souligné, indiquant que Michel Jobert, réputé pour son humour caustique et son intelligence brillante, a été un auteur prolifique et un chroniqueur au regard aiguisé sur les ondes de la radio Medi1, jusqu’à sa mort en 2002.
Jobert, l’amoureux de Meknès
En 1915, le père de Michel Jobert, un ingénieur agronome originaire de Gâtinais (ancienne province française s’étendant sur le territoire des départements du Loiret, de Seine-et-Marne, de l’Essonne et de l’Yonne) débarque à Rabat en tant que fonctionnaire. Cet ancien soldat de la Première guerre mondiale, grièvement blessé en 1914, s’installera ensuite avec sa famille dans la région de Mekès, raconte Alexis Noël dans «Un ministre de l’alternance, Michel Jobert : Du Quai d’Orsay au Quai Branly (1981-1983)» (Editions L’Harmattan, 2015).
Michel Jobert est né donc à Meknès, le 11 septembre 1921, «dans une maison qui existe encore et qui était alors à peu près seule sur un plateau où s’étend désormais la ville nouvelle, à côté de l’ancienne», précise Alexis Noël.
Très vite, la famille quitte la capitale ismaélienne pour s’établir à une vingtaine de kilomètres au nord, aux abords de l’Oued Kroumane. Michel Jobert y passera, toujours selon Alexis Noël, sa jeunesse, sur le site de Moulay Idriss, la cité amazighe au VIIIe siècle. «La maison des Jobert était sise à environs 2 Km de Moulay Idriss et à moins d’1 Km de Volubilis ; située sur un promontoire d’argile», décrit l’écrivain selon qui, Michel Jobert a été fasciné par ses «contacts chaleureux» avec les Marocains.
Une fois son baccalauréat obtenu, l’amoureux du Maroc aurait souhaité rester dans le royaume. Il choisira finalement «Sciences Po – Paris, écartant ainsi Normale Supérieure», la préférée de son père. «Il reviendra ensuite au Maroc où il fait alors un chantier de jeunesse», raconte l’auteur de «Un ministre de l’alternance, Michel Jobert».
Michel Jobert. / Ph. DR
Jobert, le réserviste du régiment de tirailleurs marocains
Mobilisé comme «2e classe au régiment des tirailleurs marocains» en novembre 1942, il quitte alors la France pour participer à la Seconde guerre mondiale. Incorporé au 3e Saphis marocains, un régiment «de reconnaissance» de sa ville natale, «il en sortira aspirant au début de 1943». Là-bas, «il apprendra aussi à conduire des chars et se portera volontaire pour le déminage».
Affecté à la 2e Division américaine de l’Infanterie marocaine, il rejoindra à la frontière maroco-algérienne le corps expéditionnaire du Maréchal Alphonse Juin.
En Algérie, il rencontre le Général De Gaulle. Michel Jobert arrivera ensuite à Naples. Quand les Alliés libèreront Rome, Jobert était à Sienne. Il y sera promu sous-lieutenant avec la Croix de guerre. Il prendra part aussi au débarquement des Alliés en Provence. Mais vers novembre 1944, Michel Jobert est touché par une balle avant Belfort. Sa clavicule en a été brisée. Hospitalisé d’abord à Besançon, il sera transporté à Alger. Mais il sera par la suite de retour sur le champ de guerre, jusqu’en mars 1946.
Michel Jobert retourna à son «Corp d’origine» en 1948 pour intégrer la Cour des comptes. En 1963, il est appelé par le cabinet de Georges Pompidou, alors Premier ministre.
Il passera ensuite par «plusieurs cabinets ministériels successifs, notamment ceux de Pierre Abelin (Finances) et de Pierre Mendès France, président du Conseil», rapporte Universalis. «La Ve République ne l’éloigne pas pour autant des cabinets ministériels, puisqu’il dirige d’abord celui de Robert Lecourt, ministre de la Coopération, avant de retourner à Matignon, cette fois au côté de Georges Pompidou», à partir du 8 janvier 1966, écrit l’encyclopédie. Il a aussi été secrétaire général de la présidence de la République après l’élection de ce dernier à la présidence de juin 1969.
Michel Jobert en compagnie du roi Mohammed VI alors prince en 1974. / Ph. alamy
Jobert, le café et le centre culturel de Meknès
Ministre français des Affaires étrangères entre 1973 et 1974, Michel Jobert reviendra au gouvernement en tant que ministre d’Etat chargé du Commerce extérieur, de 1981 à 1983. Editorialiste dès 1985 puis chroniqueur à la Radio Méditerranée internationale (future Medi1 Radio), il a aussi exercé en tant qu’avocat au barreau de Paris.
Michel Jobert a surtout consacré plusieurs de ses livres à la description du Maroc. «On aura compris que le Maroc, célébré par Jobet avec ferveur pour son ‘intensité’ est un pays de rêve : l’enfant de Meknès, Volubilis et Moulay Idriss n’ignore rien de ce pays attachant ; ni les oiseaux, ni les arbustes et les arabes, ni les fruits et légumes, ni la cuisine», commente Alexis Noël dans «L’épopée ordinaire et singulière de Michel Jobert : pour l’honneur de la politique» (Editions Société des Ecrivains, 2008).
Parmi ses ouvrages phares, nous citons «La Rivière aux grenades» (Edition Albin Michel, 1982) ou encore «Maroc, Extrême Maghreb du soleil couchant, (Editions J.A, 1978) où Michel Jobert revient notamment sur son enfance et son amour pour le royaume.
Michel Jobert tire sa révérence le 25 mai 2002 à l’hôpital européen Georges-Pompidou de Paris des suites d’une hémorragie cérébrale, à l’âge de 80 ans.
Au Maroc, les autorités apposeront sur sa maison d’enfante, appelée Dar Jobert, une plaque commémorative indiquant : «ici naquit Michel Jobert, homme d’Etat français et ami du Maroc». Depuis, la capitale ismaélienne abrite un café littéraire et un centre culturel portant le nom de l’enfant de Meknès.