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Mémoires d’un nationaliste marocain sauvés de l’oubli

Mémoires d’un nationaliste marocain sauvés de l’oubli


Enfouis dans un tiroir, les mémoires de Mohamed Tsouli Mdidech, nationaliste de la première heure, auraient pu sombrer dans l’oubli si l’un de ses enfants ne les avait exhumés. Désormais traduits en français, ils sont publiés dans les deux langues.

Rédigés à la fin des années 1990, alors que l’auteur approchait les 80 ans, ces souvenirs ont été patiemment consignés en arabe, la seule langue qu’il maîtrisait, dans un grand cahier spiralé. Chaque jour, il y couchait son passé avec une mémoire restée vive malgré l’âge. Le texte, concis mais dense, retrace une trentaine d’années d’histoire et plonge dans la jeunesse marocaine du début du XXe siècle, sous le protectorat français. Né en 1921 à Fès, Mdidech grandit dans une famille conservatrice et lettrée : un père tanneur et adepte de la confrérie des Derkaouas, une mère brodeuse. Son éducation commence à l’école coranique, avant d’intégrer une «école libre», ces établissements où l’enseignement en arabe s’opposait à celui dispensé en français, jugé inféodé à la puissance coloniale. C’est là qu’il se forge une conscience nationaliste et côtoie des figures comme Abdelhadi Boutaleb et Azeddine Laraki.

Poursuivant ses études à l’université Al Quaraouiyine en candidat libre pour éviter d’être enrôlé dans l’administration coloniale, il s’engage en 1943 dans le Parti national (futur Istiqlal). Il fréquente alors le siège du mouvement, installé dans un fondouk de la famille Bouayad, dont les membres, protégés par l’Angleterre, jouissent d’une influence certaine. Il y rencontre Hadj Hassan Bouayad, auteur d’un essai sur le «Dahir berbère», ce décret de 1930 qui avait déclenché une levée de boucliers contre la France.

Le 29 janvier 1944, dix-huit jours après la présentation du manifeste de l’indépendance, il participe à une manifestation à la mosquée R’cif. Arrêté avec des centaines d’autres militants, il est condamné à deux ans de prison et envoyé dans une forêt enneigée de Marmoucha, puis à la prison de Aïn Ali Moumen, à Settat. Un lieu où, ironie du sort, son propre fils purgera une peine bien plus lourde, trois décennies plus tard. «Vers minuit, les camions s’arrêtèrent dans l’obscurité totale, au milieu d’une forêt dense. On nous éjecta comme des ordures, dans un froid glacial», se remémore l’auteur.

Ses mémoires évoquent aussi les figures du nationalisme qu’il a côtoyées, comme le professeur Hachemi Filali, qui ouvrait sa maison aux réunions du «Club des étudiants». Là, il rencontre Abdelkrim Ghallab, Ahmed Benlemlih et Abdelmajid Benjelloun, qui deviendront les premiers représentants du parti au Caire.

Non dénués d’anecdotes plus légères, ces souvenirs relatent, par exemple, comment Mohamed Tazi Saoud, futur professeur à l’Université de Fès, captivait ses camarades par son talent pour chanter Mohamed Abdelwahab, au détriment des révisions de mathématiques. En prison, un autre détenu, Mehdi Slaoui, érudit et cinéphile, transformait chaque soirée en séance de cinéma improvisée, restituant avec brio les films qu’il avait vus.

Ces mémoires s’interrompent en 1950, laissant en suspens la suite du parcours de leur auteur, emporté par la mort avant d’avoir pu la raconter.

Mohammed Tsouli Mdidech, “Mémoires de l’enfance à 1950”, Éditions Maouja, 200 pages, décembre 2024.





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