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Meir Ben Maqnin, le «marchand juif du sultan»


C’est l’histoire d’un marchand rompu aux négociations et ayant un goût immodéré pour l’argent et les affaires. Le 23 novembre 1823, le sultan alaouite Moulay Abderrahmane, ancien gouverneur d’Essaouira, nomme Meir Ben Maqnin au poste d’ambassadeur du royaume chérifien en Angleterre. Une nomination qui fera grincer des dents au Royaume-Uni, familier avec le nouvel envoyé de l’empire chérifien. Alors résidant à Londres et chargé des affaires du Maroc sous Moulay Slimane, il avait en effet laissé derrière lui, un scandale financier et une grande somme de crédits.

Les Maqnin, l’histoire d’une famille juive qui a su se démarquer

Meir Maqnin est né à Marrakech, «probablement à la fin de 1760», comme le rapporte Daniel J. Schroeter dans son ouvrage «The Sultan’s Jew : Morocco and the Sephardi World» (Editions Standford Universty, 2002). Son nom complet est Meir Ben Abraham Cohen mais son père était surnommé «Maqnin», l’équivalent en darija de «chardonneret». «Il semble donc que le père du Meir s’appelait Maqnin à cause de sa belle voix». Meir et ses frères, Shlomo, Masud et David avaient ensuite été appelés «Awlad Maqnin», soit enfants de Maqnin.

Les enfants grandiront au mellah de Marrakech avant que la famille joue un rôle important dans le développement précoce de la vie commerciale du nouveau port maritime de Mogador. L’actuelle Essaouira devait, en effet, devenir le principal port de commerce du Maroc, où seraient concentrés tous les consulats et les commerçants opérant avec l’Europe. D’ailleurs, en 1766, les représentants des dix plus importantes familles juives du Maroc ont été choisis par le secrétaire de la Cour chérifienne de l’époque, Samuel Sumbal afin de diriger le commerce de la nouvelle ville.

Photo d'illustration. / DRPhoto d’illustration. / DR

Bien qu’elle ne figurera pas dans cette liste, la famille Maqnin arrivera à Mogador dans les années 1780 avant que les frères Maqnin rejoignent les rangs des familles les plus privilégiées, échangeant des sommes considérables grâce aux avances du sultan Moulay Slimane.

C’est en 1787 que le jeune homme se livre à ses premières spéculations foncières. Ses frères et lui ont continué à spéculer dans l’immobilier à Essaouira dans les années 1790. En 1795, Meir et Shlomo achètent une ancienne résidence des prêtres catholiques dans la Casbah. Meir tentera d’acquérir la résidence consulaire néerlandaise d’Essaouira et réussira ensuite à acquérir la maison consulaire portugaise.

«Il préférait investir son argent dans des biens au Maroc. Les nombreuses maisons achetées par lui et son frère et partenaire commercial, Shlomo, refléteront les bénéfices réalisés grâce à leur lucratif mécénat royal.»

Daniel J. Schroeter

Commerçant un jour, commerçant pour toujours !

En juillet 1799, Meir quitte le Maroc, probablement à cause de la peste. Le 27 août, son navire Aurora arrive à Stangate Creek, principale station de quarantaine de la rivière Medway, qui menait vers Londres.

Sans surprise, Maqnin élira domicile dans la ville, à quelques rues du quartier commercial. Et au moment où la peste faisait des ravages à Essaouira, Meir Maqnin à Londres et son frère Shlomo à Essaouira profitaient des liens étroits avec le gouverneur du port maritime le plus important du Maroc et de nombreux créditeurs britanniques pour faire des affaires.

Ne parlant qu’un «anglais rudimentaire», il aurait réussi grâce à l’arabe et l’espagnol à mener à bien ses activités communautaires et sociales. Le juif deviendra même l’agent indispensable du Maroc en Europe, comme l’affirment Yedida Kalfon Stillman et Norman A. Stillman dans «From Iberia to Diaspora : Studies in Sephardic History and Culture» (Editions Brill, 1999).

Photo d'illustration. / DRPhoto d’illustration. / DR

Mais entre 1801 et 1802, le sultan Moulay Slimane, découvrant les magouilles des Maqnin et de son gouverneur à Mogador, ordonne la saisie des navires des Maqnin et arrête Shlomo et le gouverneur avant de les envoyer en prison. Ils seront graciés par la suite.

«Les marchandises expédiées au Maroc ont été saisies par le Makhzan. Mais plus de cinquante créanciers britanniques n’ont pas pu récupérer leurs argents alors que le gouvernement britannique n’a pas été en mesure d’agir. Environ seize ans après son arrivée en Angleterre, Maqnin poursuivit son import-export depuis Londres avec son frère à Essaouira.»

Yedida Kalfon Stillman et Norman A. Stillman

L’ambassadeur-ami de Moulay Abderrahmane

Ce n’est qu’en 1817 que le juif décide de quitter Londres et rentrer au Maroc, un autre objectif dans la tête. Dans son viseur : le prince Moulay Abderrahmane, alors nouveau gouverneur de Mogador. Dès lors, Meir Maqnin semblait être le choix naturel pour mettre en œuvre la nouvelle d’ouverture vers l’Europe du nouveau sultan alaouite. Chose faite dès le couronnement de Moulay Abderrahmane, le 30 novembre 1922.

Un an plus tard, un décret royal annonçant la nomination de Meir Maqnin en tant qu’ambassadeur à la Cour de Georges IV est publié. Il est lu devant le corps consulaire le 23 novembre 1823, accordant à Maqnin le titre de l’un des plus puissant juif dans le Maroc sous les Alaouites.

Moulay Abderrahmane (g) et Moulay Slimane. / Ph. DRMoulay Abderrahmane (g) et Moulay Slimane. / Ph. DR

Meir Maqnin, à Larache pour des affaires, recevra ensuite l’ordre d’aller à Tanger et entamer des activités diplomatiques avec les consulats étrangers. Bien que Londres affirme que le nouvel envoyé de Moulay Abderrahmane risquera la prison une fois arrivée sur son sol, en raison de ses crédits, le sultan chérifien maintiendra son soutien à son ambassadeur.

Selon Daniel J. Schroeter, Meir Maqnin, fort avancé en âge, reviendra donc à Londres en 1827, en dépit des menaces. En toute logique, il reprendra parallèlement ses activités commerciales, après un accord conclu avec l’un de ses principaux ex-créanciers. Mais ses problèmes financiers s’accumuleront. En 1931, David Cohen Maqnin, son frère, déclare faillite, sachant que Meir était parmi ses plus grands créanciers. En 1932, les créanciers du diplomate, tenteront de contraindre le Makhzan à saisir ses propriétés au Maroc. «Le sultan prétextera que Maqnin avait peu de biens et qu’aucune dette importante ne lui était due au Maroc», raconte-t-on.

Finalement, Meir Maqnon rentra au Maroc vers 1833, souffrant, âgé et presque ruiné. Il rendra l’âme dans sa ville natale, Marrakech, en 1835.





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