Fille de marin, Maryam El Gardoum a foulé le sable humide de la côte de Tamraght en accompagnant son père. Aujourd’hui, elle refait les mêmes pas en tant que surfeuse. Elle défie même les plus grosses vagues à travers le monde. Native de ce village côtier situé à 14 km au nord d’Agadir, la jeune athlète précoce a commencé son parcours professionnel dès l’âge de 11 ans.
Peu enthousiasmée par ce sport, dans un premier temps, elle a le déclic en s’initiant au bodyboard, sur une petite planche. Elle se souvient bien du tournant qui s’est produit, lorsqu’elle a vu l’un des surfeurs debout sur une planche semblable à la sienne. La petite Maryam, à son tour, s’est essayée à l’exercice, ce qui a attiré l’attention de son frère. «Il m’a donné une planche de surf (taille 6,0) pour les professionnels. Chacune de mes tentatives pour me relever a été vaine, ce qui m’a peu encouragée à persévérer. C’est là que j’ai réalisé que je n’étais pas fan de surf», se rappelle-t-elle. Mais pour leur part, son frère et ses amis ont eu un point de vue différent.
Deux jours plus tard, Maryam retente sur une planche de taille 8,2. Avec l’aide de son cousin cette fois-ci, elle a été surprise de se tenir debout pour la première fois. «Je n’oublierai jamais, tout au long de ma vie, ce que j’ai ressenti pour la première fois, à ce moment-là. J’ai réalisé que j’étais faite pour le surf», nous dit-elle d’un accent amazigh dont elle est très fière.
Apprendre le surf, contre vents et marrées
Seule ou avec des membres de sa famille, Maryam a pratiqué le surf pendant deux ans, jusqu’à créer l’association «Imouran» pour l’apprentissage de cette discipline sportive dans la région. «Les frais d’inscription étaient de 300 dirhams. Au début, mon père hésitait à ce que je m’y inscrive, de peur que ma famille d’origine amazighe soit mal perçue. Je lui ai promis de ne jamais le décevoir ni de porter atteinte à notre entourage proche, si je suis admise». C’est ainsi que du haut de ses 13 ans, la jeune prodige a gagné la confiance de son aïeul pour continuer sa formation sportive.
«La famille élargie ne voyait pas d’un bon œil mon implication dans ce sport, car j’interagissais avec un univers très masculin, ce qui est inhabituel dans nos traditions familiales. Mais les choses ont changé, lorsqu’ils ont commencé à me voir sur des chaînes d’information. Dans un premier temps, ils pensaient que ce que je faisais n’était qu’une perte de temps et une violation des règles.»
Maryam El Gardoum
C’est à ce stade que l’aventure de Maryam avec le surf a réellement commencé. Fille au milieu de deux frères et de quatre sœurs, elle a ainsi défié les us et les coutumes. «Je faisais partie de ceux qui allaient avant l’ouverture des portes de l’association, à sept heures précises du matin. Dès que l’accès était ouvert, nous courions vers les meilleures combinaisons. Celui qui arrivait en premier était celui qui avait le meilleur matériel», se rappelle-t-elle auprès de notre rédaction. «Nous ne mangions pas de la journée. Nous surfions sur les vagues comme si elles étaient les dernières de notre vie. C’est ce que j’appelle la véritable dépendance au surf», nous déclare-t-elle encore avec engouement.
L’été 2008, Maryam commence à prendre les choses plus au sérieux. Elle remporte son premier concours local, ce qui lui donne assez de confiance pour rester déterminée à avancer. Depuis, les victoires se sont enchaînées. La championne montante décroche la première place d’un tournoi régional, puis la quatrième place à un championnat à Sidi Ifni. «Je n’ai pas accepté la chose. Je me suis habituée à tête du classement», nous a-t-elle dit.
Le goût de l’effort
Cette étape a été très importante dans sa vie, puisqu’après cela, Maryam a reçu le soutien d’un des natifs de Tamraght pour acheter du nouveau matériel et participer au Championnat du Maroc. A l’âge de quatorze ans, la surfeuse remporte donc son premier titre national, en 2011.
«J’ai parcouru toutes les étapes jusqu’à atteindre la finale. Ensuite, j’ai eu très peur en entrant dans la mer. J’ai commencé à vomir, mais j’étais déterminé à gagner. J’ai attendu la bonne vague. J’ai grimpé et je suis restée stable. J’ai atteint la première place. C’est une sensation merveilleuse.»
Maryam El Gardoum
Aujourd’hui âgée de 27 ans, la championne marocaine a refait l’exploit à cinq reprises, au cours des années 2012, 2014, 2016 et 2018. Elle s’est également classée deuxième à trois reprises dans le même tournoi. Au niveau international, elle a participé au Championnat d’Europe 2015, en se classant huitième. Au Championnat du monde 2017, elle a été deuxième, malgré les circonstances difficiles et la blessure qu’elle a subie.
«Pour moi, ce n’était pas un bon résultat. Les conditions étaient inappropriées et les choses ont empiré, après la compétition. Sur le chemin du retour au Maroc, j’ai eu une déchirure du ligament de la cheville, ce qui m’a fait arrêter les entraînements pendant plusieurs mois, dans la négligence de la fédération», a-t-elle déploré.
La blessure de Maryam a été un tournant difficile dans sa carrière. Elle a été obligée de s’éloigner du sport pendant un temps. Mais grâce à sa détermination et à ses efforts pour remonter la pente, elle est revenue en force en remportant le Championnat du Maroc, en 2018.
Transmettre le savoir-faire du surf
Parallèlement à son parcours professionnel, Maryam a commencé à se former dès l’âge de dix-sept ans et a accumulé une longue expérience, ce qui l’a aidée à lancer son propre projet, «Dihya Surf Morocco». L’initiative est ouverte à ceux qui souhaitent apprendre à surfer, de différentes nationalités, en leur fournit du matériel et des moyens de transport.
«Au début, je n’avais ni matériel ni tenues de surf. Je me contentais de les louer. J’avais aussi recours à un chauffeur de taxi pour livrer les clients. Mais après avoir réuni les fonds nécessaires, j’ai acheté mon propre matériel, en plus d’une voiture.»
Maryam El Gardoum
Même si Maryam n’a pas continué d’études après le baccalauréat, elle n’a aucun regret sur son choix de vie en optant pour le surf avant tout. «J’ai toujours pensé que mon lieu de travail était en mer et non sur terre. Mais cela ne veut pas dire que j’encourage à abandonner les études», nous a-t-elle confié.
Contrairement à ses habitudes à un plus jeune âge, Maryam est désormais fière aussi d’afficher son appartenance amazighe, à travers ses choix vestimentaires et linguistiques. «Quand j’étais jeune, j’avais honte d’être amazighe ; j’étais souvent pointée du doigt, ce qui me complexait, dans un premier temps. Mais au fil du temps, les choses ont changé. J’ai commencé à insister pour parler mon dialecte sur les chaînes internationales, afin de dire à haute voix que je suis amazighe», nous a-t-elle confié.