Marine Le Pen crie à la «fake news» au sujet de sa volonté d’exclusion des millions de Français possédant une deuxième nationalité, des emplois dans l’administration. «La restriction ne concernerait que quelques dizaines d’emplois très sensibles dans des postes stratégiques en matière de défense, de nucléaire ou de renseignements par exemple», assure la fille de Jean-Marie. Rien que pour les domaines cités, il est évident que cela concernerait bien plus que «quelques dizaines d’emplois», mais passons. Marine Le Pen et Jordan Bardella ne semblent pas être au courant des difficultés structurelles pour la DGSE à recruter des spécialistes maitrisant «l’arabe littéral», par exemple.
Mais revenons à la fameuse «fake news» supposée par celle qui enfant, appelait Adolf Hitler, «Tonton Dolphi». Les médias auraient-ils menti ou bien est-ce une nouvelle reculade du Rassemblement national qui, en quelques jours, a détricoté les principales promesses économiques de son programme ? Abandonnant tout retour sur les réformes économiques et sociales de Macron, il ne reste plus que les discriminations envers les étrangers et les binationaux comme os électoral à ronger.
Une «fake news» pourtant consultable à l’Assemblée nationale ?
S’il y a bien un rétropédalage sur cette exclusion des binationaux des emplois publics -du moins verbalement-, cette mesure était bel et bien dans le programme du Rassemblement national (voir p.36) au moins depuis l’élection présidentielle de 2022. Une mesure que Marine Le Pen voulait imposer par référendum pour contourner tout rejet par le Conseil constitutionnel.
C’est également le même article discriminatoire inclus dans la proposition de loi constitutionnelle «Citoyenneté-identité-immigration», déposée à l’Assemblée nationale par Marine Le Pen et son groupe parlementaire, le 25 janvier 2024. Son objectif est d’ «interdire l’accès à des emplois dans l’administration, des entreprises publiques, et des personnes morales chargées d’une mission de service public aux personnes qui possèdent la nationalité d’un autre Etat».
Les «Français de papier» bientôt sans emploi ?
On constate noir sur blanc que la restriction ne concerne pas que l’administration, comme le reprenait faussement Marine Le Pen dans son tweet dénonciateur, mais aussi les entreprises publiques, les entreprises privées et les associations chargées d’une mission de service public. Selon la CFDT, si le RN arrivait à faire passer cette mesure, «3,3 millions de Français pourraient demain se voir interdire l’accès à un emploi» dans ces secteurs.
Par ailleurs, la formulation très floue de l’article 4 alinéa 6, ne mentionne aucune notion «d’emploi très sensible» ou de «poste stratégique», permettant ainsi une application progressive en fonction des résistances au sein de la société. D’ailleurs Marine l’écrit elle même : «Cette courte liste serait revue très régulièrement en fonction de l’actualité géopolitique et de ses conséquences pour notre pays.» L’extrême droite au gouvernement commencerait donc par les postes sensibles dans le domaine de la défense et de la sécurité, pour l’étendre aux ministères, à la diplomatie (comme c’est déjà le cas ici) sans même attendre les élections. Et après, cela concernera l’administration en générale et pourquoi pas la RATP, les hôpitaux, les écoles, France Travail, ou les MJC, comme la proposition de loi le permet.
Il faut remonter aux années 1930 pour voir des emplois interdits aux binationaux. A cette époque sombre, celles et ceux qui avaient acquis la nationalité française depuis moins de 10 ans ne pouvaient prétendre à exercer comme avocat, médecin, ou dans une fonction ministérielle. Ainsi, l’histoire pourrait de nouveau bégayer. Les citoyens français seront de nouveaux scinder en deux catégories de grades différents. Ironie du sort, ceux qui trancheront à la hache parmi les binationaux susceptibles de trahir la nation française, sont ceux là même qui ne doivent la survie financière de leur parti qu’aux banques des oligarques russes.