Sous la présidence de Jimmy Carter, les relations entre le Maroc et les États-Unis étaient plutôt froides. En cause, la position «neutre» de l’administration américaine sur la question du Sahara occidental. En témoignent les documents publiés par l’Office of the Historian concernant la réunion du 15 avril 1977 (page 368) entre l’ambassadeur Abdelhadi Boutaleb et le Secrétaire d’État Cyrus Vance.
La conversation a d’abord porté sur l’intervention des FAR à Shaba au Zaïre. Le diplomate marocain a expliqué à son interlocuteur que l’envoi de troupes marocaines pour soutenir les forces du président Mobutu Sese Seko répondait à l’impératif de sauver un «allié» risquant de tomber dans le giron des Soviétiques.
Vance a salué la contribution du royaume à la «stabilisation de l’Afrique de l’Ouest». Sur cette question, Washington, encore sous le choc de sa guerre au Vietnam, a mis en veilleuse sa propension interventionniste. Visiblement gêné par l’engagement marocain à faire face par les armes à l’expansion de l’influence russe sur le continent, le chef de la diplomatie américaine a confié à Boutaleb avoir mis en garde les Russes d’ouvrir d’autres fronts de tensions et qu’il attendait de voir les résultats de son message.
Après Boutaleb, au tour d’Ahmed Osman de se rendre à Washington
Malgré la menace communiste planant sur certains pays d’Afrique, l’ambassadeur marocain n’a pas réussi à obtenir un soutien américain sur le dossier du Sahara occidental. Vance lui a transmis la «neutralité» de l’administration Carter sur ce conflit.
Six mois après cet «échec», le Premier ministre Ahmed Osman est reçu à la Maison-Blanche par le président. Reprenant à son compte les arguments de Boutaleb, le chef du gouvernement a placé la question du Sahara dans le cadre d’une «machination» ourdie par les Soviétiques, les Cubains, avec le concours de l’Angola et de l’Algérie, visant la déstabilisation d’États africains alliés des États-Unis. Osman a cité en exemple les tensions au Mali, au Tchad et au Niger. «Nous voulons que les États-Unis soient sur leurs gardes», a-t-il conseillé à Jimmy Carter.
Dans l’ensemble, Osman a eu plus de succès que l’ambassadeur Boutaleb. Le président a confié à son interlocuteur marocain qu’il ne partageait pas les positions algériennes en Afrique et au Moyen-Orient et a salué le rôle du roi Hassan II. Néanmoins, il s’est gardé d’aborder la livraison des armes au royaume. Et pourtant, le Premier ministre lui a présenté les dangers guettant la Mauritanie, le maillon le plus faible dans les accords de Madrid du 14 novembre 1975, et que Rabat avait envoyé des troupes militaires pour assurer la sécurité du régime de Mokhtar Daddah.
Cette réticence – pour ne pas dire un refus poli – à livrer des armes au Maroc a été notifiée à Hassan II lors de sa rencontre avec Jimmy Carter en novembre 1978. Il a fallu attendre la victoire de Ronald Reagan et la visite du roi en 1982 à Washington pour voir de nouveau des armes américaines équiper les FAR au Sahara.