Le 14 juillet 1934, Casablanca a inauguré ce qui était alors considéré comme la plus grande piscine du monde. Cette attraction estivale monumentale s’étendait sur 480 mètres de long et 75 mètres de large, captivant l’imaginaire collectif de l’époque.
Édifiée directement sur les rochers de la plage de Mriziga, la piscine Georges Orthlieb fut l’œuvre de l’ingénieur français Maurice L’Herbier. Elle devint rapidement un symbole des ambitions modernistes de Casablanca et de son ouverture sur une culture de loisirs cosmopolite.
Le Centre Balnéaire Georges Orthlieb, également connu sous le nom de piscine municipale de Casablanca, était bien plus qu’une simple installation récréative ; il représentait un véritable exploit architectural. Bien que située à proximité d’Ain Diab, dans l’ancien quartier TSF, l’Orthlieb «était assez proche et certainement assez grande pour être incluse dans le lieu d’activité en bord de mer de l’époque», écrit l’anthropologue Scott A. Lukas dans The Themed Space: Locating Culture, Nation, and Self.
Une prouesse en béton et eau salée
La piscine se distinguait par ses vastes terrasses en béton, ses poutres en acier apparentes et son eau de mer renouvelée quotidiennement par les marées ou une station de pompage. Outre sa prouesse technique, elle offrait des éléments de design spectaculaires : plateformes de plongeon en béton armé, escalier en colimaçon et toboggan audacieux.
L’Orthlieb était au cœur de l’identité naissante du littoral de Casablanca. Au début des années 1930, les élites françaises et les classes moyennes s’étaient installées dans des villas et appartements le long de l’Atlantique, transformant Ain Diab en un quartier florissant, avec ses boulevards, cafés, plages et lieux de divertissement, sous l’impulsion de l’urbaniste Albert Laprade.
La piscine Orthlieb restait un lieu prisé, notamment grâce à son envergure impressionnante. «Avec une superficie de près de six hectares, elle était la plus grande structure de baignade de toute l’Afrique, rivalisant avec seulement quelques autres piscines dans le monde à l’époque», note Lukas.
«Véritable prouesse structurelle contenant l’océan pour une baignade en toute sécurité, la piscine Orthlieb offrait à des milliers de citadins une immense terrasse en béton, bordée d’acier et de poutres de soutien horizontales exposées. Comme le Lido, bien que beaucoup plus grande, l’Orthlieb était un site de jeu aquatique et de loisirs en bord de mer immensément populaire et ingénieux.»
Malgré sa splendeur passée, la piscine Orthlieb n’a pas résisté à l’épreuve du temps. «En raison de nombreux défauts structurels, elle était sujette à de longues périodes de fermeture et a finalement cessé d’être utilisée», écrit Lukas.
Après l’indépendance du Maroc, le site a souffert d’un état de délabrement chronique. Son immense taille et sa complexité technique rendaient l’entretien de plus en plus difficile. En 1986, le site a été officiellement réaménagé pour céder la place à la Mosquée Hassan II, la deuxième plus grande mosquée fonctionnelle d’Afrique, devenue un joyau du littoral casablancais.
Aujourd’hui, il ne reste que des photographies et des souvenirs collectifs de la piscine Orthlieb : des baigneurs en maillots de bain vintage, des colons européens en costume, des hommes marocains en djellabas. Pour les anciens Casablancais, elle reste «un lieu rappelé avec grande nostalgie».