Le 25 novembre 2013, à l’occasion des 50 ans du parlement marocain, un colloque avait été organisé sous le thème : «50 ans de travail parlementaire au Maroc et développement de l’action parlementaire dans le monde». Mais la vie parlementaire au Maroc n’a pas été un long fleuve tranquille, elle est jalonnée de moments très critiques, de phases d’interruption où le jeu démocratique a été totalement suspendu, de prolongation de législatures à cause du Sahara et enfin de résurrection contrôlée.
La première expérience parlementaire commence en 1956
Contrairement à la version officielle, le premier apprentissage de la chose parlementaire au Maroc date de 1956 par la création du Conseil National consultatif. Le 12 août de la même année, le roi Mohammed V préside la cérémonie d’ouverture. Une expérience dissoute en avril 1958. Ses membres n’étaient pas élus au suffrage universel ou indirect mais désignés. Des figures de proue du mouvement nationaliste siégeaient au sein du CNC et Mehdi Ben Barka avait même été élu à la présidence.
La composition de ce Conseil se voulait assez représentative des différents courants politiques. Le parti de l’Istiqlal -avant la scission des amis d’Abdellah Ibrahim, Mehdi Ben Barka, Mohamed Basri (alias Lafqih) et Abderrahman El Youssoufi en 1959 pour fonder l’Union des Forces nationalistes populaires (UNFP)- avait 10 sièges ; 6 pour le parti de la Choura et de l’Istiqlal ; 6 personnalités sans aucune appartenance politique ; 37 du monde du travail et de l’économie dont 10 de l’UMT (Union marocain du travail, le premier syndicat au Maroc) ; 18 pour les propriétaires agricoles ; 9 pour les commerçants et les industriels ; et 17 représentants des avocats, médecins, pharmaciens, des oulémas et un rabbin de la communauté juive (Shlomo Ben Sebbat, ndlr).
Phases d’interruption : l’état d’exception de 1965 et les deux tentatives de putsch
Avec l’accession au trône du roi Hassan II, le royaume se dote en 1962 de sa première constitution, adoptée par voie référendaire et accordant de larges prérogatives à la monarchie. Une année plus tard, précisément le 17 mai 1963, les Marocains sont appelés, encore une fois, aux urnes pour élire un parlement. Et l’issue du scrutin fut une réelle surprise. C’est une nouvelle formation fraichement créée qui est arrivée en tête : le FDIC (Front de défense des institutions constitutionnelles, présidée par Réda Guedira, très proche de Hassan II) qui arrache 69 sièges, 41 pour l’Istiqlal et 28 pour l’UNFP et 6 aux SAP.
La vie parlementaire au Maroc n’a pas été épargnée par les aléas de la politique. Avec la déclaration de l’Etat d’exception en 1965, elle marque une pause qui s’est transformée en une hibernation de cinq ans. En 1970, une nouvelle loi fondamentale voit le jour et comme en 1962, elle est suivie immédiatement par des élections générales. Là aussi, cette expérience ne fera pas long feu en raison des deux tentatives de coups d’Etat de 1971 et 1972.
Le Sahara prolonge le mandat des députés
Il a fallu attendre la Marche verte et la réconciliation entre la monarchie et les socialistes de l’USFP pour que le parlement reprenne ses activités lors des législatives de 1977. Depuis, il n’y a plus eu d’interruption mais des prolongements des mandats des députés, comme ce fut le cas lors de la quatrième législature (1984-1992) à cause du dossier du Sahara.
A l’époque Hassan II était optimiste en une solution pacifique au conflit, sachant qu’en 1988 Rabat et Alger mettaient un terme à une longue période de rupture de leurs relations diplomatiques. Une année plus tard, c’est la création à Marrakech de l’Union du Maghreb arabe. Tous les rêves étaient donc permis. C’est dans ce contexte que le roi Hassan II avait appelé, en 1990, à l’organisation d’un referendum prorogeant le mandat des députés pour deux années supplémentaires.
En 1997 retour au bicaméralisme
Avec le rapprochement entre Hassan II et l’USFP, lequel donnera naissance au gouvernement d’alternance en 1998, le bicaméralisme renaitra. Sous l’impulsion de Driss Basri, la constitution de 1996 instaure ce régime. Une idée pour compenser la perte de l’élection indirecte du tiers des membres de la Chambre des représentants.
Baptisée Chambre des conseillers, elle était doté de pouvoirs équivalent à celle des députés. Un frein pour couper l’élan de l’opposition, notamment l’USFP de Abderrahman El Youssoufi, que Hassan II voulait placer au siège de la primature. Cette anomalie à la marocaine a été corrigée avec la constitution du 1er juillet 2011. La 2ème Chambre a été déplumée de bon nombre de ses prérogatives et ses membres ont été réduits à 120 contre 270 auparavant.
A l’exception de l’expérience du Conseil national consultatif, tous les parlements qui l’ont suivi étaient contrôlés de bout en bout. Le bourrage des urnes était régulièrement dénoncée par les partis d’opposition. Une pratique qui n’a cessé que ces dernières années, cédant la place à l’achat des voix, encouragée par les taux élevés d’abstention.