La guerre du Kippour a été un tournant décisif dans l’histoire d’Israël et de plusieurs pays arabes. Le Maroc a été l’un des huit États ayant mobilisé leur forces militaires pour lutter contre les forces israéliennes et récupérer le Sinaï et le plateau du Golan. La guerre avait débuté le 6 octobre avant qu’un cessez-le-feu ordonné par les Nations unies n’y mette un terme le 25 octobre. Les Arabes auraient fini par briser le mythe d’un Israël invincible.
Soutenus par l’Union soviétique, les armées arabes se sont battues contre Israël pour tenter de venger la défaite de 1967 lors de la Guerre des Six jours. Bien que le thème de la Guerre d’Octobre repose principalement sur la solidarité et l’unité, les événements historiques suggèrent que le bataillon marocain envoyé en Syrie pour opérer sur le mont Hermon aurait été trahi par son propre camp.
Le Maroc dit oui à la guerre et dépêche son unique bataillon de chars en Syrie
Sur ordre de feu le roi Hassan II, le Maroc dépêchera son bataillon de chars en Syrie en mars 1973 pour prendre part à une guerre dont la date n’est pas encore fixée. Une visite qui n’a pas échappé aux renseignements israéliens. En effet, l’Agence Télégraphique Juive (JTA) a rapporté le 23 mars 1973 qu’«un bataillon de l’armée marocaine est arrivé au port syrien de Lattaquié». La JTA informe aussi que ce bataillon de chars est probablement destiné à prendre part à une «attaque contre Israël». L’agence rapporte toutefois, citant des «responsables israéliens», que l’éventualité d’une menace militaire a été écartée. Les responsables israéliens auraient même «suggéré que l’envoi des troupes en Syrie aurait peut-être été destiné à réduire la menace d’un coup militaire contre le roi Hassan II du Maroc».
Une photo de la Guerre du Kippour. / Ph. DR
Mais contrairement aux théories avancées par les responsables à Tel Aviv, feu le roi Hassan II avait mobilisé son seul bataillon de chars pour soutenir la Syrie et la coalition arabe lors de la Guerre du Kippour, comme nous l’avions rapporté dans notre article précédent. Dans ses mémoires, le général égyptien Saad El Shazly avait donné des détails sur sa rencontre avec le roi Hassan II pour discuter d’une collaboration potentielle avec le Maroc et sa participation à la guerre.
Le 18 septembre 1973, El Shazly rencontra à nouveau le souverain marocain pour apprendre que «le Maroc avait d’ores et déjà envoyé son seul et unique bataillon de chars en Syrie», a-t-il écrit. Le bataillon comprenait, comme l’a signalé le journal Ahram, 6 000 soldats en plus d’un certain nombre de chars et d’artillerie.
Trahis par les Syriens sur les hauteurs du Golan
Dès le déclenchement de la guerre, les soldats marocains se sont battus aux côtés de leurs homologues syriens dans les hauteurs du Golan. A en croire un article de Hespress, les soldats marocains ont occupé la deuxième ligne de défense, sur les pentes orientales du mont Hermon, alias Jabal al-Shaykh, situé à 2 114 mètres de la mer.
Un char participant à la Guerre d’Octobre. / Ph. DR
La même source cite aussi Mohammed Loma, diplômé de l’académie militaire syrienne, qui a pris part à la guerre. Cet ancien militaire indique que «les soldats marocains ont été trompés par la brigade syrienne dirigée par un commandant druze surnommé Halawa, qui collaborait avec les Israéliens». «Les Marocains ont été attaqués par les soldats israéliens et un certain nombre d’entre eux ont été tués et blessés», déclare l’ancien militaire syrien.
Cependant, l’armée syrienne aurait réussi à faire face à la situation, en exécutant même, dès le lendemain, le commandant Halawa, considéré comme un traître.
Ces martyrs marocains ont également été mentionnés par Sasa Post, qui a écrit sur le bataillon marocain dans le Golan. «La brigade s’est bien battue dans la bataille du mont al-Shaykh. 170 soldats marocains ont été tués pendant la guerre», ajoute la même source.
Dans une version différente, Abou Riad, un soldat de l’armée jordanienne ayant pris part à la Guerre d’Octobre, s’est confié au média Arabi 21 dans un article paru en 2016 sur la manière dont certains soldats syriens ont trahi leurs homologues marocains sur le front syrien.
«Nous avancions fortement quand nous avons vu des chars syriens se retirer suite aux ordres des commandants qui étaient au cœur de la bataille. Nous ne comprenions pas ce qui se passait et nous n’avions pas l’ordre de reculer, contrairement aux forces syriennes.»
Une photo de la Guerre dans le musée de l’armée égyptienne. / Ph. Pinterset
Abou Riad, qui travaille actuellement comme professeur de mathématiques, ajoute que «les forces marocaines étaient sur les premières lignes». «Elles ne pouvaient donc pas voir les forces syriennes se retirer et elles n’étaient pas informées de l’ordre de retrait», poursuit-il, informant que les soldats marocains avaient donc «continué à progresser au moment où les forces syriennes s’étaient retirées, avant d’être piégées (…) dans une arène complètement désertée par les soldats syriens».
Lorsque certains membres des bataillons marocains et jordaniens ont posé la question de la raison derrière le retrait des forces syriennes, ces dernières n’auraient apporté aucune réponse claire, se contentant d’annoncer «en fanfare» que les soldats marocains étaient des héros. Une manière d’«éviter l’émergence d’une crise» entre la Syrie et le Maroc en pleine guerre, poursuit le soldat jordanien.
Malgré les pertes enregistrées lors de la guerre d’Octobre, les soldats arabes qui ont combattu sur les hauteurs du Golan, y compris les Marocains, ont fait preuve de courage et de bravoure. Des ingrédients qui ont aidé la Syrie, l’Egypte et la Jordanie à retrouver une grande partie de l’honneur qu’ils avaient perdu dans la Guerre de 1967. Le bataillon marocain a surtout honoré les promesses faites par feu le roi Hassan II.