Tout commence en 2017. En France, le Parquet national financier s’intéresse à Nasser Al Khelaïfi, pour des attributions de droits audiovisuels. Président du conseil d’administration du groupe BeIn Media Group et président du Paris Saint-Germain, il tente de dissimuler des preuves avant les perquisitions. Dans l’Hexagone, l’homme d’affaires compte sur son bras droit, Hicham Karmoussi. Ancien professionnel de tennis marocain, il sert de majordome et aurait travaillé sans contrat, entre 2011 et 2018. Dans l’émission Complément d’enquête du 27 mars 2025, l’ex-employé fait partie des témoins clés du documentaire consacré à l’affairiste.
«Quand il est revenu en France, [Nasser] ne parlait pas bien français. Il avait besoin de quelqu’un pour faire ses courses, ses réservations, s’entraîner avec lui. On était très proche. On était presque des frères. Les gens ne savent pas la vérité. Ils pensent qu’on a eu la belle vie, les jets», a déclaré Hicham Karmoussi, à visage caché. Après avoir poursuivi son ancien employeur pour travail dissimulé, en 2023, l’homme a fait l’objet d’une mise en examen pour abus de confiance sur son ex-patron.
Des tentatives de dissimulation de preuves
Nasser Al Khelaïfi aurait assigné à son ancien majordome marocain plusieurs tâches pour détruire d’éventuelles preuves d’infractions compromettantes, entre 2016 et 2017. Il aurait ainsi aidé à la disparition de certains documents, ordinateurs, clés USB et autre matériel dans le viseur de la justice.
Dans ce documentaire réalisé par Fabien Touati pour France 2, l’ex-majordome décrit une forme d’exploitation au travail, caractérisée par une «violence morale» et des «insultes». Il n’aurait notamment pas eu le droit de voir sa famille, pour rester avec son employeur «24h/24». Privé de vacances, il ne serait autorisé au repos qu’aux heures de sommeil de son patron. «Tu travailles, tu reçois des e-mails à 4h du matin, 6h du matin, des messages… Tu es obligé de répondre, sinon, tu vas avoir des problèmes», a-t-il affirmé.
Le conflit entre Nasser Al Khelaïfi et Hicham Karmoussi a atteint son paroxysme, surtout que l’ancien majordome est un témoin gênant des irrégularités dont son patron veut se soustraire. Dans Complément d’enquête, il confirme d’ailleurs avoir tenté de «faire disparaître des documents officiels».
«J’étais dans ma chambre, il m’appelle et dit : ‘viens, viens, viens !’. Je prends ses papiers, il les a mis dans la baignoire, ça brûlait, ça a mis le feu dans la chambre. C’était des papiers de réunion. C’est lui qui a allumé le feu», a-t-il avancé.
Des tentatives d’enlèvement vers le Qatar
Dans ses révélations sur le côté sombre de l’homme fort des clubs de football français, Hicham Karmoussi affirme aussi avoir fait l’objet de plusieurs tentatives d’enlèvement pour l’emmener de force au Qatar. En 2023, le parquet de Paris a d’ailleurs ordonné une information judiciaire sur le président du PSG pour des soupçons d’«enlèvement», de «séquestration avec torture ou acte de barbarie commis en bande organisée», d’«extorsion» et d’«association de malfaiteurs».
Par téléphone, l’ex-patron insiste chaque jour et essaye de convaincre Hicham Karmoussi de venir au pays du Golf. «[Nasser] m’a envoyé des gens en bas de chez moi (…) L’employé a essayé de me pousser, de me forcer à monter dans la voiture. J’avais peur et j’ai commencé à crier. Il m’a dit : ‘non viens on discute’. Je savais que si j’allais au Qatar, je ne reviendrai pas», a déclaré l’ancien majordome, dans l’épisode de Complément d’enquête.
L’ex-employeur aurait insisté sur cette visite, d’autant que Hicham Karmoussi a conservé un des téléphones portables, après les accusations de corruption liées à l’attribution de la Coupe du monde de football au Qatar. Selon l’un des ex-collaborateur de Nasser Al Khelaïfi, l’appareil «contenait des vidéos intimes de l’émir du Qatar, filmées dans son appartement» et aurait été remis à un de ses amis, qui aurait tenté de monnayer des informations sur le dirigeant, au point de solliciter les Emirats arabes unis. En 2021, il est arrêté et emprisonné. Le président du PSG aurait souhaité le voir au Qatar pour en discuter.
Hicham Karmoussi a par ailleurs témoigné de sa rencontre avec des avocats de Nasser Al Khelaïfi, qui l’auraient obligé à signer des documents, après lui avoir posé «20 questions» dont ils avaient déjà les réponses.
