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Les greniers d’Amtoudi, architecture ancestrale défiant le temps


Pour cet épisode de Nomad, cap vers le sud du Maroc. Notre périple débute depuis Guelmim, connu pour ses richesses archéologiques. Nous prenons la route de l’est en direction de la ville de Tata, puis à 120 kilomètres nous arrivons à destination : le village d’Amtoudi.

Enclavé, ce paradis sur terre vous charmera par sa verdure contrastant avec un paysage désertique. Situé au cœur de l’anti-Atlas, le village d’Amtoudi se trouve au niveau de l’oasis Id Aïssa. Arganiers, dattiers, amandiers et figuiers offrent un cocktail de couleurs détonant pour les yeux.

Outre les beaux paysages naturels, le village est connu pour sa kasbah millénaire et pour ses fameux agadirs, des greniers collectifs attestant d’une histoire riche. Véritable greniers citadelles, ces lieux étaient autrefois une sorte de coffre-fort, où était entreposés et cachés les denrées alimentaires, l’argent et les bijoux des familles, par peur de l’incursion des clans adverses.

Le village d'Amtoudi./Ph.DRLe village d’Amtoudi./Ph.DR

La date de leur construction divise encore, mais en 1995 une équipe a entamé des recherches sur le terrain et a retrouvé dans le grenier d’Agadir Id Aissa, un document écrit sur bois qui remonte au XIVè siècle. Certains vont plus loin en assurant que les greniers ont été fortifiés à l’époque Almohade au XIIe siècle.

Les deux greniers citadelles d’Amtoudi

Les greniers collectifs sont une institution millénaire, qui n’a été donnée pour moribonde que depuis un siècle. Les deux greniers d’Amtoudi, Aguellouy la «mère» et Id Issa, «le fils», sont construits sur un même mode d’occupation en anneau sur une formation rocheuse en éperon barré.

L’ascension vers ces lieux est assez douce et se fait en une trentaine de minutes. Il est fortement conseillé d’avoir recours à un guide local, qui vous fera voyager vers un autre temps, un temps où ces greniers étaient encore utilisés. Leur utilisation n’ayant disparu que durant les années 1980, nombreux sont ceux qui pourront vous raconter les multiples péripéties qui ont eu lieu dans ces sites.

La porte du grenier d'Amtoudi./Ph.DRLa porte du grenier d’Amtoudi./Ph.DR

Arrivé sur place, c’est un des gardiens qui vous ouvrira les portes. On vous dira alors de dire «Bissmi’Allah» (Au nom de Dieu), car cet endroit est un lieu sacré pour le voisinage, et comment ne le serait-il pas ? Ces lieux ont longtemps protégé les richesses et les moyens de subsistances de leurs ancêtres. Désormais, seuls les vestiges d’un passé demeurent ; des chambres contenant toujours les quelques objets en terre cuite, quelques ustensiles et quelques casiers. Mais c’est surtout vers les détails qu’il faut porter son regard, que ça soit les dispositions des pierres, qui donnent cette illusion d’un effondrement certain, ou encore ces gravures sur les portes.

Depuis la tour de contrôle, un silence religieux se marie au paysage rude et lunaire. Autrefois, cette tour servait de dortoir pour le gardien des lieux, qui pouvait apercevoir au loin l’ennemi. Par temps de guerre, les deux greniers pouvaient également servir exceptionnellement d’habitat. De ce fait, ils recèlent de nombreuses histoires que les locaux n’hésitent pas à partager avec les touristes.

Des travaux de réhabilitaion étalés sur la durée 

Mais dans les temps modernes, l’usage des greniers est devenu obsolète et l’exode rural n’a fait qu’accentuer la déperdition d’une pratique faisant partie intégrante de la culture amazighe. Qui de mieux pour en parler que l’architecte et anthropologue Salima Naji qui, depuis 20 ans, travaille sur les sites du Sud du Maroc et plus particulièrement sur les greniers citadelles auxquels elle dédie un livre en 2006, intitulé «Greniers collectifs de l’Atlas : patrimoines du Sud marocain» (Eddif, 2006 – 301 pages).

C’est après 10 ans de déambulation dans le Maroc que Salima Naji rend dans ce livre un hommage à un art et un patrimoine à l’abandon. Si l’architecture de ces sites est mise en avant, Salima Naji propose également une immersion dans le patrimoine intangible et les légendes et mythes entourant ces véritables citadelles.

Mais la renommée de l’architecte se fait grâce au combat qu’elle mène depuis 20 ans maintenant pour la réhabilitation de ces sites, usés par le temps et mal entretenus. La restauration débute en 2007, lorsque l’architecte, avec l’Agence du Sud et la Wilaya de Guelmim, entament des travaux de restauration des deux greniers, Id Aissa et celui d’Aguellouy.

«Le grenier de Id Aissa est alors très abîmé sur sa façade la plus exposée effondrée et sur son porche d’entrée. A Aguellouy sont remontés les trois niveaux effondrés de la façade Est, ce qui a permis de montrer des architectures d’une grande force dans un site d’implantation humaine très ancienne», nous explique Salima Naji. Le travail pointilleux devait se faire «dans les règles de l’art, suivant les méthodes traditionnelles par d’anciens maâlmines (ndlr : maîtres) dépositaires de ce savoir-faire ancestral», ajoute-elle.

Cependant, les multiples caprices du temps affectent considérablement ces sites qui nécessitent une attention très particulière.

Image d'illustration./Ph.DRImage d’illustration./Ph.DR

En 2014, les plus fortes pluies jamais enregistrées dans la région depuis 1986, causent des dommages faisant perdre tout espoir aux villageois, se remémore Salima Naji. Cette année-là, 32 personnes ont trouvé la mort des suites de forts ravages dans une région toujours enclavée. L’emplacement des Agadirs les rend difficiles d’accès et les dégradations ne font que s’accentuer. Une vraie catastrophe culturelle, à laquelle seront sensibilisés le Global Heritage Fund (GHF), une association à but non lucratif et la Prince Claus Fund, qui financent les futurs travaux de restauration à hauteur de 80%, le reste étant financé par l’architecte Salima Naji.  

«La partie la plus complexe du grenier de Aguellouy s’effondre. Les travaux, étalés sur la durée, sont impressionnants. Des fondations aux terrasses étanchéifiées, le grenier de Aguellouy jouit d’une restauration chirurgicale et un sauvetage hors du commun.»

Salima Naji, architecte et anthropologue

Plus de six mois de travail ont été nécessaires pour restaurer le grenier d’Aguellouy. Tous les moindres petits détails ont été inspectés et remis sur pied. De petites craquelures à l’étanchéité des sols, les portes, leur vantail, tout a été repris. Un travail colossal nécessitant une main d’œuvre qualifiée et minutieuse.

Un art ancestral en péril

Le travail entrepris par les équipes de Salima aux côtés de «maâlmines» est essentiel pour la survie de ce patrimoine. Cependant, l’architecte nous alerte sur des compétences qui se raréfient. «Force est de constater que pour moi qui travaille depuis 20 ans sur les sites du Sud marocain, désormais les maâlmines se font rares», explique-t-elle.

En effet, sur les 10 ouvriers compétents et qualifiés pour ce travail de déconstruction et de construction à l’identique, suivant des techniques exigeantes, si lentes, si coûteuses, nécessitant un effort répété, il n’en reste plus que deux ou trois au fil des ans.

«Nous avons bien senti cette année que nous étions en fin de course : la relève ne s’est pas faite. Aucun jeune ne veut se fatiguer à ce travail manuel.»

Salima Naji

A cela s’ajoute une déperdition des techniques ancestrales, mises au second plan d’un travail moins fastidieux, qui est couplé à «une exigence qui s’émousse puisque les cadres de référence de la communauté ont évolué et la nécessité du grenier n’est plus», poursuit-elle. L’architecte s’arme tout de même de patience, même si elle nous confie que «la gestion humaine est assez compliquée quant elle se double d’une demande sociale et locale de faire travailler tout le monde».  

Mais cette demande s’avère légitime dans des lieux considérés comme un patrimoine partagé de toute la communauté. Ici à Amtoudi, tout le monde parle volontiers des greniers, les visites sont très fréquentes et les locaux sont aux petits soins avec ceux venus découvrir leur patrimoine, si riche, poursuit Salima Naji. Leur beauté a récemment fait l’objet d’une apparition dans le documentaire de Yann Arthus-Bertrand, «Le Maroc vu du Ciel», une occasion peut-être pour vous d’aller apprécier ces géants en terre ainsi que les canyons d’Amtoudi.





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