L’église des Saints Martyrs de Marrakech se trouve à Guéliz. Sur place nous sommes accueillis par le père Thaddée, qui officie dans l’église. Il se donne à coeur joie aux explications, révélant la symbolique de cette église.
En premier lieu, le père rapelle que «bien avant l’édification de cette église, il y en avant une, moins imposante, dans la médina, mais qui de nos jours n’en est plus une». Une deuxième église fût construite en 1919 et se trouve actuellement devant la gare ferroviaire de Marrakech, poursuit-il.
L’Eglise des Saints Martyrs de Marrakech. / Ph.Yabiladi
L’église des Saints Martyrs fût elle aussi édifiée durant le protectorat français et inaugurée fin des années 1920. A l’époque, dans l’actuel quartier bruyant de Guéliz, «l’église était une sorte de noyau du quartier européen, où les Français s’installèrent». D’ailleurs, selon des étymologies populaires locales, le nom du quartier serait hérité de sa présence ; Guéliz étant une déformation du mot église. Bien que, d’autres affirment que le quartier tire son nom du Jbel Guéliz, massif de grès de faible altitude situé au nord-ouest de l’ancienne médina de Marrakech.
«Durant le protectorat il y avait beaucoup de chrétiens, surtout des Français et donc beaucoup d’activité. Mais depuis l’indépendance du Maroc, seul un petit nombre est resté. Néanmoins, depuis les années 2000, beaucoup d’étudiants africains sont venus étudier ici, redonnant à l’église de la vitalité et un nouveau souffle. Aujourd’hui les églises qui étaient vides sont bien pleines, grâce aussi aux nombreux retraités qui s’installent dans la ville ocre.»
Père Thaddée de l’Église des Saints Martyrs de Marrakech
Une église pour les Saints Martyrs décapités à Marrakech
L’inspiration et l’architecture sont françaises, étant donné qu’elle avait été commandée par le maréchal Lyautey et exécutée par les deux frères Bouton. Par sa taille, la majestueuse fresque monopolise toute notre attention. Elle a été réalisée par le bénédictin André Bouton, qui outre cette église a également peint les fresques de la chapelle Sainte-Barbe de Boutazoult, dans la vallée de l’Imini dans l’Atlas.
La fresque est «une représentation du Christ en gloire après sa résurrection. Il est assis sur un trône, tenant une Bible dans la main gauche et bénissant de la main droite», explique-t-on dans un site alimenté par plusieurs fidèles de l’église. Une des curiosités expliquées dans le site est que «le visage du Christ représenté ressemble à celui du Chaouch marocain de la paroisse» de l’époque. Cette technique a été utilisée par le frère Bouton à plusieurs reprises. Ainsi, il aurait peint la vierge Marie avec le visage d’une jeune berbère dans une autre chapelle au Maroc, et pour ses fresques de la Sainte-Barbe il aurait illustré les visages de mineurs marocains, précise-t-on.
La fresque de l’église des Saints Martyrs. / Ph.Yabiladi
En mission d’évangélisation
Tout autour du Christ se tiennent ses hommes, ceux qu’on appelle les cinq martyrs de Marrakech. Les péripéties menant à leur vénération débute au XIIIe siècle, lorsqu’ils furent envoyés en mission par Saint François d’Assise pour prêcher l’évangile aux Maures. Bérard de Carbio en Ombrie, Othon, qui était prêtre, Pierre de Saint-Géminien, diacre, Adjute et Accurce, frères lais, entamèrent en 1219 leur mission depuis la ville Séville, faisant alors partie du royaume d’Al Andalous.
Ils furent démasqués et envoyés au Maroc, plus précisément à Marrakech. Dans la cité ocre, ils furent dans un premier temps expulsés mais se seraient à nouveau rendus dans la ville pour achever leur mission. Ils rencontrèrent alors le sultan en personne, Yusuf al-Mustansir (1197-1224).
C’est ainsi que «le frère Bérard monta sur un char et en présence du roi il se mit à prêcher sans aucune crainte… Comme le roi les trouvait persévérants dans la foi catholique qu’ils confessaient et proclamaient intrépidement en anathématisant les iniquités de Mohamet et sa loi, il s’enflamma de colère et ordonna de leur infliger diverses tortures et de les flageller cruellement… Pendant toute la nuit ils furent gardés, torturés, cruellement flagellés par une trentaine de Sarrasins», rapporte-t-on dans Chronique des XXIV généraux, traduction, par André Masseron, dans Millot, p. 254-255. Malgré cette nuit, les cinq frères «refusaient encore d’abjurer», c’est alors que Yusuf al-Mustansir leur trancha la tête l’un après l’autre, poursuit-la même source.
Les cinq martyrs furent ainsi donné pour morts le 16 janvier 1220. Ils furent canonisés le 17 août 1481 par le Pape Sixte IV (1414-1484), fixant leur fête au 16 août.