A l’Ecole supérieure de traduction roi Fahd de Tanger, un appel à candidature a créé une controverse à laquelle les réseaux sociaux font largement écho. Dans son annonce aux intéressés par les filières d’interprétariat et de traduction instantanée, l’établissement relevant de l’Université Abdelmalek Essaâdi a classé l’amazigh parmi les langues étrangères.
L’annonce indique que les candidats passeront leurs examens en trois temps : «traduction de l’arabe vers la première langue étrangère (français, anglais, espagnol, allemand ou amazigh)», «traduction de la première langue étrangère (français, anglais, espagnol, allemand ou amazigh) vers la langue arabe» et «traduction de la deuxième langue étrangère (français ou anglais) vers l’arabe». Sur les réseaux sociaux, des activistes ont crié au «scandale», fustigeant une «violation flagrante de la Constitution». Dans son article 5, la loi suprême dispose que «l’arabe demeure la langue officielle de l’Etat». Aussi, «l’Etat œuvre à la protection et au développement de la langue arabe, ainsi qu’à la promotion de son utilisation. De même, l’amazighe constitue une langue officielle de l’Etat, en tant que patrimoine commun à tous les Marocains sans exception».
Pour d’autres internautes, l’annonce constitue «une atteinte directe à l’identité nationale et une provocation, nécessitant une réaction en conséquence, avec des sanctions, une réhabilitation de l’amazigh et des excuses publiques, à la suite de ce mépris humiliant, qui dénote de la dévalorisation du statut de cette langue».
Du côté du corps enseignant, la réaction a été immédiate. Dans un communiqué, le bureau du Syndicat national de l’enseignement supérieur et de la recherche au sein de l’école a exprimé son refus d’«affilier le cours de traduction ‘arabe-amazigh-français’ au département d’anglais, sans consultation préalable et en nommant la directrice adjointe chargée des affaires pédagogiques comme coordinatrice, sans faire adhérer la section française à laquelle elle est rattachée».
Par la même occasion, le bureau syndical a confirmé que les deux conseils de l’établissement n’ont «pas autorisé la commission pédagogique à trancher sur ces questions». Plus que cela, ils estiment que le directeur de l’institution aurait «fomenté le sujet pour faire passer la mise en place d’une filière arabe-amazigh-français».
En l’espèce, le bureau a annoncé «un boycott par les professeurs de toutes les réunions du conseil et de ses commissions», en plus de dénoncer «les amendements du procès-verbal de la réunion de la commission pédagogique concernant le programme d’études, liés au cahier descriptif auquel le directeur a joint la filière en question». Pour leur part, les membres du comité ont confirmé n’avoir jamais abordé le sujet auparavant.
Le bureau a ensuite souligné «l’importance de la culture amazighe, en tant que composante majeure de la société marocaine». «C’est une langue constitutionnalisée et un chantier national que nous nous engageons à réussir. Il n’y a pas de surenchère à avoir autour des constantes nationales», ont affirmé les enseignants. Dans ce sens, la présidence de l’université a été appelée à «intervenir immédiatement et de toute urgence, afin d’éviter que la situation ne dégénère vers des conséquences indésirables».
Il est à noter que durant le mois d’avril dernier, l’Ecole supérieure de traduction roi Fahd a signé une convention de partenariat avec l’Institut royal de la culture amazighe (IRCAM), «dans le cadre des efforts déployés par l’établissement pour s’ouvrir à son environnement socio-économique et professionnel, tout en améliorant son offre pédagogique et la recherche scientifique».
Dans une communication précédente à ce sujet, l’école a souligné que cet accord s’inscrivait «dans le cadre du plan national intégré pour activer le caractère officiel de la langue amazighe, ainsi que les modalités de son intégration dans les administrations, départements et espaces publics, en vertu des exigences de la Constitution, notamment son article 5».
La question amazighe a été tranchée constitutionnellement
Ministre délégué auprès du chef du gouvernement chargé des relations avec le Parlement, porte-parole de l’exécutif, Mustapha Baïtas a commenté la polémique en déclarant que la langue amazighe n’était «pas un sujet de discussion» et qu’il s’agissait d’une «question nationale qui a été tranchée constitutionnellement». Lors du point de presse hebdomadaire, à l’issue du conseil du gouvernement, Baïtas a souligné que l’exécutif actuel était considéré comme l’un de ceux ayant poussé le plus fortement le processus d’officialisation de l’amazigh.
A ce sujet, le porte-parole a évoqué l’évolution de l’enseignement de l’amazigh dans le système éducatif national, au sein duquel le nombre des professeurs de cette langue a été doublé sous le mandat de l’exécutif actuel, outre le renforcement des moyens financiers alloués à cet effet.
Mustapha Baïtas a par ailleurs insisté sur la nécessité de continuer à œuvrer pour activer pleinement le caractère officiel de la langue amazighe. Il a souligné que le gouvernement considérait la langue et la culture amazighes comme une composante essentielle et l’un des affluents fondamentaux de l’identité marocaine.