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Le racisme antimusulman fait doubler le risque du chômage

Le racisme antimusulman fait doubler le risque du chômage


En Suisse, les incidences des discriminations à l’encontre des personnes de confession musulmane ont rarement fait l’objet d’analyses exhaustives et multidisciplinaires. Pour autant, certaines recherches permettent désormais de mettre en lumière ce phénomène, dont une partie de l’ampleur reste encore à visibiliser. Dévoilée ce jeudi, «Racisme antimusulman en Suisse» se veut en effet une étude de référence en la matière, éclairant sur les dimensions multiples de ces inégalités.

Parmi les champs étudiés par les auteurs de ce document de 80 pages, produit par le Centre Suisse Islam et Société (CSIS) relevant de l’Université de Fribourg, figurent notamment ceux de l’accès à l’emploi et à la formation. Par ailleurs, les données révèlent le caractère imbriqué et extrapolé des pratiques discriminatoires, qui s’accumulent lorsque des considérations de genre ou d’origine supposée entrent en jeu.

En référence au Service de lutte contre le racisme (SLR) en Suisse, l’étude fait savoir qu’en 2022, 69% des personnes ayant subi une discrimination raciale ont précisé l’avoir été «dans leur quotidien professionnel ou dans la recherche d’un emploi», l’espace public arrivant en seconde position (30%), suivi de l’école (27%).

Le monde du travail est le plus concerné

Les répondants ont soulevé notamment des inégalités de traitement injustifiées dans le processus de recrutement, ou encore des «insultes ou harcèlement moral sur le lieu de travail», ainsi que «des écarts de salaires injustifiés». A ce titre, les auteurs confirment la disponibilité limitée des données de terrain, mentionnant que «seuls quelques-uns des domaines concernés ont été analysés en détail dans les études menées jusqu’ici».

Globalement, les enquêtes sur le marché du travail font état du «fort taux de discrimination des personnes musulmanes», attesté par les testings effectués dans ce cadre, en utilisant de faux noms et des candidatures fictives. Selon les chercheurs, «cette étude est intéressante s’agissant du racisme antimusulman, car elle inclut des personnes portant un nom turc ou kosovar, lesquelles peuvent donc être perçues comme musulmanes» et concernées par cette discrimination, quand bien même elles ne revendiquent pas leur appartenance à l’islam.

Dans ce sens, l’étude souligne que «les inégalités de traitement des demandeurs d’emploi suisses issus de la migration» existent aussi bien en Suisse romande qu’en Suisse alémanique. Une autre étude référencée par le CSIS s’intéresse à la discrimination des candidats «portant un nom autre que suisse» et qui n’ont pas été discriminés qu’à la deuxième phase du recrutement. Il s’agit de manifestations subtiles de ces pratiques «au niveau du contenu des réponses et du délai de réponse», révélant des usages moins visibles, ambiguës et difficiles à identifier, à contester et donc à mesurer réellement.

A ce titre, les chercheurs retiennent que les discriminations à l’embauche pour des considérations religieuses exposent la population musulmane en Suisse à un risque de chômage 2,4 fois plus élevé que la moyenne. Une partie du phénomène s’expliquerait par «des difficultés linguistiques et des lacunes de formation, mais ni par une pratique religieuse accrue ni par l’appartenance à la première, la deuxième ou la troisième génération», note l’étude, ajoutant que le fait d’«avoir la nationalité suisse ne change pas non plus la donne».

Selon la même source, ce risque «ne diminue pas avec le niveau de formation». «Il baisse, certes, pour les personnes dotées d’un CFC ou d’un diplôme de maturité (du secondaire II), mais augmente pour celles diplômées d’une haute école», souligne-t-on. Au-delà de la demande plus faible pour des postes hautement qualifiés, ainsi que la concurrence rude, l’étude explique que «les employeurs ont probablement tendance à confier ces postes disputés et à responsabilité à des personnes du même groupe qu’eux». Cette tendance accentue l’exclusion de certaines compétences, du moment qu’elles sont supposées être de confession musulmane.

Les minorités visibles restent les plus exposées

Plus loin, l’étude établit une «imbrications entre racisme antimusulman et genre», dans un contexte où les débats médiatiques et les discours sur ces thématiques «sont fortement genrés». En d’autres termes, «les femmes musulmanes subissent d’autres formes de discrimination que les hommes musulmans», le voile étant un signe extérieur visible dans l’espace et le débat publics. «À l’inverse, les couvre-chefs des hommes de type turban ou calotte de prière (sarık, takke) ne font pas débat, n’étant pas perçus comme obligatoires, mais tout au plus portés pendant la prière», soulignent les chercheurs.

A ce titre, ils retiennent que «les musulmanes qui portent le voile (hijab), elles, sont logiquement bien plus sujettes aux pratiques discriminatoires, car le voile est considéré comme ‘l’un des signes distinctifs religieux les plus visibles chez les femmes musulmanes’» Pour cause, les femmes voilées disant avoir été discriminées sont souvent «perçues comme étrangères, et ce indépendamment de leur nationalité, de leur niveau de formation et de leur contexte socio-économique», note encore l’étude.

Pour illustrer les effets accentués par imbrication des inégalités, les chercheurs ont mentionné une étude expérimentale allemande, qui a montré les incidences de la discrimination des femmes voilées sur le marché du travail. «Une femme voilée et portant un nom turc doit envoyer en moyenne 4,5 fois plus de candidatures qu’une femme non voilée au nom allemand», écrivent-ils. Aussi, «le port du voile constitue un obstacle dans la formation professionnelle en Suisse, ce qui n’est pas le cas dans le degré tertiaire», sauf dans les formations pédagogiques où l’accès aux stages est limités en cas de port du voile.

Dans le même registre, les chercheurs relèvent des difficultés accrues «pour une femme voilée de trouver une place d’apprentissage même avec d’excellents bulletins», ce qui entrave, par extension, l’accès au marché du travail. Dans cette configuration, le contexte migratoire peut constituer également «un critère d’exclusion». Cette tendance s’observe surtout chez les petites et moyennes entreprises en Suisse, puisqu’elles gardent une autonomie dans l’attribution des places d’apprentissage. Dans les grandes entreprises, un service est souvent chargé de veiller sur la diversité dans les recrutements.

Une tendance observée dans d’autre pays d’Europe

Ces constats trouvent leur écho dans de précédentes études réalisées dans d’autres pays d’Europe, comme en France, en Espagne, en Belgique ou en Allemagne. Bien qu’elle ne soit pas un pays membre de l’Union européenne, la Suisse, partie intégrante de l’espace Schengen, est ainsi concernée par des pratiques de plus en plus étudiées au niveau du continent.

En octobre dernier, l’Agence des droits fondamentaux (FRA) a fait état d’une augmentation considérable des discriminations racistes à l’égard des musulmans, dans 13 de l’Union européenne, soulignant que presque une personne sur deux en a fait l’objet, ces cinq dernières années.

L’agence retient qu’au niveau européen, «les musulmans sont le plus souvent victimes de discrimination dans leur recherche d’emploi (39%) ou sur leur lieu de travail (35%)», tandis que «deux musulmans sur cinq (41%) sont surqualifiés pour leur emploi, contre 22% de la population générale» dans l’UE. Les femmes de 25 à 44 ans sont plus exposées aux discriminations dans l’accès à l’emploi (41%) par rapport aux autres (31%).

Les personnes originaires de pays d’Afrique subsaharienne sont plus enclines à «subir des discriminations racistes», de même que «les jeunes musulmans nés dans l’UE», ou encore les femmes portant des vêtements perçus comme étant «religieux». Selon la FRA, ces situations sont rapportées encore plus au niveau du marché du travail et de l’accès au logement.





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