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Le parasol royal, un emblème de longue date qui ne sert pas seulement à faire de l’ombre

Le parasol royal, un emblème de longue date qui ne sert pas seulement à faire de l’ombre

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Lors de la cérémonie de la bay’a, c’est un véritable festival de couleurs qui éclate au milieu d’une foule d’élus et de fonctionnaires vêtus de blanc, tous réunis pour prêter allégeance au sultan. Au cœur de ce rituel annuel profondément ancré dans la tradition monarchique marocaine se trouve le parasol royal (midhalla), bien plus qu’un simple accessoire.

Ce parasol, symbole royal par excellence, ne se contente pas de protéger le souverain des rayons du soleil lors de ses devoirs et cérémonies. Avant de devenir un élément incontournable de la bay’a, il accompagnait le sultan lors de ses déplacements et apparitions publiques. Toutefois, son usage n’est ni exclusivement marocain ni purement islamique.

L’historienne-anthropologue française Jocelyne Dakhlia, en se basant sur des écrits médiévaux, retrace l’origine de cette tradition jusqu’aux Fatimides d’Afrique du Nord au Xe siècle. Dans son ouvrage «Pouvoir du parasol et pouvoir nu», elle explique que dans le Maghreb, le parasol fut adopté par les ‘Ubaydides, héritiers des Fatimides, comme un «objet luxueux orné de pierres précieuses», évoquant la «voûte céleste» ou un «bouclier monté à l’extrémité d’une lance». Au Maroc, il s’est progressivement «nationalisé» sous les Saadiens à la fin du XVIe siècle, notamment sous les règnes de ‘Abd al-Malik et al-Mansur, le souverain le plus illustre de cette dynastie.

Aḥmad ibn H̱ālid al-Nāṣirī al-Salāwī, dans son ouvrage Les Saadiens 1509–1609, décrit comment «une garde de style ottoman, les Boyyaks, se tenait à droite et à gauche du sultan ; certains portaient de longues lances devant lui». Ils fournissaient également le porteur de parasol, qui ombrageait la tête du sultan «comme un grand nuage aurait pu le faire», et ce porteur était «l’officier le plus haut gradé après le Caïd Perviz».

Bien que le parasol fût un signe de légitimité royale, sa possession ou son utilisation ne garantissait pas la royauté. Lors des crises de succession, les prétendants s’empressaient de rassembler les insignes royaux : «chevaux, selles, javelots, lances et parasol», écrit Dakhlia. Mais les chroniqueurs insistaient sur le fait que la véritable légitimité venait de la bay’a (serment d’allégeance) et de gestes solennels comme la visite à Moulay Idriss. Le message est clair : le parasol seul ne faisait pas le roi, mais aucun roi n’était complet sans lui.

Delacroix et le parasol chérifien

Si au Maroc le parasol a longtemps été un emblème parmi d’autres, les représentations européennes l’ont magnifié. Le tableau de Salon de 1845 d’Eugène Delacroix, représentant le sultan Moulay Abd al-Rahman à cheval, a fixé l’archétype : un souverain en robe blanche, couronné d’un parasol haut et vivement coloré qui «se détache… sur un ciel intensément bleu». Le croquis antérieur de Delacroix de 1832 suggérait à peine un parasol, plus une tache rouge comme un soleil couchant, mais sur la toile achevée et dans les gravures ultérieures, le parasol devient central, attirant l’attention européenne sur l’objet, comme l’explique Dakhlia.

Après le XIXe siècle, les photographies et affiches des années 1920-30 montrent le parasol s’élevant au-dessus du sultan à cheval lors des fêtes religieuses. Le parasol est même entré dans la caricature : dans «Un parapluie dans une position difficile» d’Honoré Daumier (Actualités, no. 119, 25 nov. 1859), dessiné au début de la guerre hispano-marocaine, «le sultan du Maroc se recroqueville seul sous son parapluie alors que les masses de troupes convergent vers lui de chaque côté».

À partir des années 1930, après le choc du Dahir berbère – un décret émis sous le Protectorat français séparant les juridictions «arabes» et «amazighes» pour affaiblir l’autorité religieuse/judiciaire du sultan – et la mobilisation populaire qu’il a suscitée, la monarchie s’est davantage appuyée sur son rôle religieux. Sous le Protectorat, l’autorité temporelle était en grande partie entre les mains de l’administration française, tandis que l’autorité spirituelle du Commandeur des croyants restait le domaine du sultan. Durant cette période, le parasol est devenu discret, alors que le sultan, «le plus souvent représenté à pied, sans parasol, vêtu de blanc, devient plus humain dans les représentations iconographiques».

Durant le règne du roi Hassan II, il est revenu au symbole avec humour – mais avec perspicacité – en écrivant dans La mémoire d’un roi que si le parasol était l’emblème de la royauté marocaine, «beaucoup se sont abrités sous son ombre tandis que moi-même je suis resté exposé au soleil».

Aujourd’hui, le parasol, qui autrefois accompagnait les sultans marocains lors de leurs sorties et apparitions publiques, n’est visible qu’à la bay’a.





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