L’Université Al Quaraouiyine, fondée par Fatima al-Fihriya en 859, à l’époque du cinquième dirigeant de la dynastie des Idrissides, Yahya bin Muhammad al-Idrisi, n’était pas seulement un lieu pour l’enseignement des sciences religieuses, mais aussi un carrefour de différentes sciences de l’époque.
Selon le numéro 364 de la revue mensuelle «Daaouat Al Haq» éditée par le ministère des Habous et des Affaires islamiques, les sciences enseignées aux étudiants dans ce complexe variaient entre mathématiques, ingénierie, astrologie et sciences naturelles.
De son côté, le livre de record Guinness World Records précise que l’université construite à Fès, au Maroc, est considérée comme la plus ancienne au monde et est suivie par l’Université de Bologne en Italie ayant vu le jour en 1088.
Plusieurs années après son édification, l’Université Al Quaraouiyine s’érigera en destination scientifique de premier plan pour l’apprentissage et attirera des étudiants des villes du Maroc, d’Andalousie et du Moyen-Orient. Elle deviendra un «forum où érudits et savants se réunissent pour enseigner et écrire, et une institution suprême sur laquelle l’État dépend pour la formation de savants et de juges ayant joué un rôle majeur dans la vie intellectuelle, politique et sociale au Maroc et en Andalousie», poursuit «Daaouat Al Haq».
Le rayonnement de l’université atteint même l’Europe au Moyen Âge. En effet, selon le livre «Nisaa Ala Al Mafariq» de la journaliste et écrivaine Laila Al-Atrash, plusieurs chercheurs chevronnés, dont le philosophe, mathématicien et mécanicien français Gerbert d’Aurillac qui deviendra pape sous le nom de Sylvestre II de 999 à 1003.
Des bancs d’Al Quaraouiyine au fauteuil papal
Nous sommes vers la fin du Xe siècle. Les musulmans sont alors parmi les nations et les civilisations les plus développées, en particulier en Andalousie. Les chercheurs font alors leur pèlerinage vers l’université au cœur de Fès, en provenance de «plusieurs pays et continents, surtout l’Europe», rapporte-t-on dans le numéro 293 de la revue mensuelle «Daaouat Al Haq». Selon les écrits d’historiens, de scientifiques et d’orientalistes, même les non musulmans se dirigeaient vers la capitale spirituelle du royaume pour fréquenter son université.
La même source évoque un personnage, «qui s’intéressait beaucoup à l’histoire de l’Europe et avait atteint le plus haut sommet de l’Eglise» : Gerbert d’Aurillac.
«Daaouat Al Haq» ajoute que «ses théories de la jurisprudence islamique ont conduit au développement de la jurisprudence et ont influencé la mentalité européenne ainsi que ses lois, ses systèmes et ses coutumes».
De son côté, «L’Encyclopédie Orientaliste» d’Abdurrahman Badawi note que le pape Sylvestre II, né en 930, à Aurillac, dans le centre de la France, a grandi au sein de l’abbaye Saint-Géraud d’Aurillac, avant de terminer ses études dans l’Espagne islamique. «Il a ainsi étudié l’ingénierie, la mécanique, l’astronomie et d’autres sciences connues à cette époque chez les Arabes.»
Statut du pape en France. / Ph. DR
Le 2 avril 999, Gerbert d’Aurillac est nommé pape, devenant ainsi le premier français à assumer cette fonction. Dans son livre «Résumé de l’histoire de l’Église», Andrew Miler affirme que le pape Sylvestre II était «le lien entre la sagesse des Arabes et l’ignorance des Romains et leur capitulation aveugle». «Il a étudié dans les écoles islamiques (…) où il a appris des connaissances utiles qu’il a commencé à montrer à Rome et à enseigner aux gens», commente-t-il.
Dès sa nomination en tant que pape, Sylvestre II a tenté, selon le livre «La partie pure dans l’histoire de l’Église chrétienne», d’Assaad Aissa Khouri, de se rebeller contre l’autorité de l’Église et la réformer. «Il est connu pour être l’une des plus grandes personnalités à avoir écrit contre les évêques», indique-t-il.
Le pape Sylvestre et les croisades
Le pape Sylvestre aurait aussi tenté de tirer parti des sciences acquises en Andalousie et au Maroc pour contrôler la ville de Jérusalem. Certains historiens pensent qu’il serait à l’origine de l’idée des croisades. Ainsi, selon le livre «Al Rouaya wal Ahlam Al Moqaddassa» de l’imam Mohamed Hamoudi, il existe un document intitulé «Who is Jerusalem» (Qui est Jérusalem) qui daterait de l’époque du pape Sylvestre II. Ce document présente, selon les historiens et oulémas, la proposition la plus ancienne des croisades. Le document est attribué au pape Sylvestre II, car il a été trouvé parmi ses papiers.
Le site de la télévision qatarie Al Jazeera rapporte, pour sa part, que bien avant les croisades (1095-1291), le pape Sylvestre II aurait considéré Jérusalem comme «occupée» par les musulmans et appelait le monde occidental à «la sauver» de leurs mains. Son appel, intervenant 96 ans avant les croisades, aurait donné lieu à une campagne armée menée en 1001 et qui avait échoué.
Sylvester II est resté en poste pendant quatre ans avant de décéder le 12 mai 1003. Le Centre islamique d’études stratégiques rapporte que peu de temps après sa mort, il aurait fait l’objet d’une légende étrange. «Il aurait fait un pacte avec le diable alors qu’il était en Espagne parmi les musulmans. Il aurait fabriqué une tête en cuivre qui répondrait à toutes les questions qui lui ont été posées et il aurait un livre capable de contrôler tous les djins et les esprits et d’explorer tous les trésors», raconte-t-on.
Sylvestre II et le pacte avec le diable. / Illustration
Mais en dépit de tout ce qui a été dit à son propos, le pape Sylvestre reste l’un des premiers orientalistes européens, l’un des premiers chercheurs à contribuer à la restauration de la civilisation scientifique et humaine en Europe, le premier pape à parler l’arabe et le premier à avoir jouer le rôle de passeur entre les civilisations arabo-islamique et européenne.