Une série de podcast basée sur les «Mémoires dans le Mouvement national marocain» d’Abou Bakr El Kadiri est désormais en ligne par la fondation éponyme. A travers le vécu de l’un des fondateurs de ce mouvement de lutte politique pour l’indépendance du Maroc, ce récit renseigne sur les étapes de l’évolution de cette structure, à travers un format voulu accessible au large public.
Paru en arabe classique et en six tomes, entre 1992 et 2007, l’ouvrage de référence couvre les différentes périodes de la mobilisation dans le cadre du Mouvement national, de l’émergence à la création du parti de l’Istiqlal, en passant par les évolutions majeures rattachées à cette période charnières du Maroc du XXe siècle. Légataire de ce récit historique et personnel, Khalid El Kadiri explique à Yabiladi en avoir fait une série de podcast en darija afin de le rendre à la portée, au-delà du cercle des lecteurs, des chercheurs et des initiés.
«J’ai accompagné feu mon père pendant des décennies d’écriture. J’ai lu ses œuvres et j’ai écouté son vécu. De mes nombreux séjours à Nantes, j’ai pu vérifier par moi-même que ses mémoires sur le Mouvement national relataient fidèlement les événements passés, bien qu’ils soient un récit personnel qui ne fait pas œuvre d’historien», nous déclare Khalid El Kadiri, fils de l’intellectuel et président de la Fondation Abou Bakr El Kadiri.
Expliquant le choix de faire de ces mémoires une série de podcast, Khalid El Kadiri estime que «plusieurs personnes ont de moins en moins recours aux livres, tandis que les ouvrages de [son] père sont en arabe classique». Ainsi, l’idée a été de «réfléchir à une formule pour faire parvenir le contenu de ses écrits à un plus grand nombre».
«Nous avons choisi un podcast pour que ces récits soient à la portée de tous, d’autant que nos internautes au Maroc et les utilisateurs des réseaux sociaux sont de tous les âges et de toutes les catégories. L’objectif a été de leur proposer un format consultable de manière pratique, même sur leurs téléphones, quel que soit leur profil ou leur niveau d’instruction.»
Khalid El Kadiri
Rapprocher les internautes des ressources sur les faits historiques
L’intérêt des internautes est d’ailleurs grandissant, selon les initiateurs qui font de cette série «une œuvre familiale», réalisée avec Walid Ayoub. «Nous nous y attelons, mon frère Nacer et moi. Nos moyens restent limités, mais nous faisons le choix de garder solidaire cette initiative. J’écris moi-même la majorité des scénarios bénévolement et nous n’insérons pas de publicité dans les podcasts. Mais la diffusion organique qui commence à prendre forme nous montre que les utilisateurs des réseaux sociaux peuvent être intéressés par ce type de contenu», nous déclare encore le président de la fondation.
L’accumulation des épisodes est également une occasion pour les internautes de redécouvrir les contenus antérieurs et ce que ces derniers renseignent sur les faits historiques du Maroc sous le Protectorat. «Nous avons commencé avec le Dahir berbère, l’éveil culturel et intellectuel dans la ville de Salé entre 1930 et 1933, l’émergence du Mouvement national marocain à partir du Plan de réformes marocaines, présenté en 1934 [au sultan Mohammed Ben Youssef, ndlr] par une vingtaine de jeunes dont mon père, puis la création du premier parti et les prémices de la Seconde guerre mondiale», rappelle Khalid El Kadiri.
Né à Salé en 1913 et décédé en 2012 à l’âge de 98 ans, Abou Bakr El Kadiri a fait partie des signataires du Manifeste de l’indépendance du 11 janvier 1944, en plus d’être parmi les membres fondateurs du Mouvement national. Académicien, écrivain et homme politique, il est l’auteur d’une œuvre prolixe sur la lutte nationaliste. Par ailleurs, il a dirigé la revue Al Imane et le journal Arissala.
Porté sur l’éducation, Abou Bakr El Kadiri est aussi l’un des pionniers de l’enseignement moderne au Maroc. A rebours de l’administration du Protectorat, il a en effet fondé plusieurs «écoles libres» entre les années 1930 et 1940. En 1933 dans sa ville natale, il a créé l’école Al Maktab Al Islami, devenue Al-Nahda, ou encore Lalla Aïcha en 1946 pour l’enseignement des filles.
Cette série s’enrichit de nouveaux épisodes dans un mois particulièrement marqué par de nombreuses dates clés, à commencer par celle du 81e anniversaire de la présentation du Manifeste de l’indépendance, ou encore celle du 29 janvier 1944. Celle-ci marque le soulèvement populaire dans les villes de Rabat et de Salé, dénonçant l’arrestation des leaders du mouvement national par les autorités du Protectorat.