Au bout de quelques jours, la rougeole a fait au moins huit morts dans la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma, où plusieurs enfants seraient touchés. Chaque mois, une centaine de prises en charge médicale est comptabilisée, selon les données fournies par les directions provinciales. En 2023, la même région, ainsi que celles de Beni Mellal-Khénifra et Souss-Massa ont identifié des foyers épidémiques, interrogeant ainsi sur la couverture vaccinale et l’adhésion aux campagnes de vaccination contre les maladies infantiles.
Médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé, Dr Tayeb Hamdi estime en effet que la situation est symptomatique d’un relâchement, dont les causes profondes doivent nécessairement être définies. Depuis la crise sanitaire liée à la Covid-19, une tendance mondiale suggère la recrudescence globale de l’hésitation vaccinale, ce qui explique en partie le retour d’une épidémie que le Maroc a jusque-là réussi à résorber. Mais selon le spécialiste, «il est nécessaire de chercher à l’échelle marocaine toutes les raisons derrière cette large sous-vaccination et ce relâchement de la surveillance épidémiologique».
Selon Dr Hamdi, «l’éclosion récente de plusieurs foyers de cas de rougeole, avec des cas de décès parmi les enfants touchés, est liée à une baisse de la couverture vaccinale des enfants et de la baisse du niveau de la surveillance épidémiologique de telles maladies». Dans ce sens, il souligne qu’«un enfant non vacciné (zéro dose) ou incomplètement vacciné (une seule dose au lieu de deux) est hautement exposé à attraper la maladie». Il alerte que la «population dont la couverture vaccinale contre la rougeole est en dessous de 95% connaîtra des explosions de foyers et d’épidémies de rougeole d’une manière continue».
Au Maroc, lors de la décennie précédente, ces efforts ont considérablement porté leurs fruits. Selon les chiffres du ministère de la Santé, l’épidémie de la rougeole a été contrôlée entre 1987 et 2014, dans le cadre de la Stratégie nationale d’élimination de la rougeole et du contrôle de la rubéole. Après des pics accumulés de 10 723 cas en 1999 et de 10 841 en 2003, l’évolution de la couverture vaccinale a permis de diminuer la courbe d’infection à partir de 2008. Dès 2013, la couverture vaccinale a atteint 98%, avec seulement 98 cas sur l’année.
Grâce au Programme national d’immunisation au Maroc et des campagnes de vaccination accélérées depuis les années 1990, le taux de mortalité des nouveau-nés et des 28 mois ou moins est ainsi passé de 35,9 par 1 000 naissances (1990) à 13,6 (2019).
Des efforts pour revenir aux chiffres d’avant la crise sanitaire
En référence aux données du ministère de la Santé et de la protection sociale, Tayeb Hamdi rappelle que désormais, «aucune région» dans le pays «n’atteint actuellement les 95% de couverture nécessaire». Selon lui, «les taux dans certaines régions sont de loin très en dessous de ce chiffre». En mars dernier, le ministère de tutelle a en effet mis en garde sur la propagation de la rougeole, annonçant ainsi une campagne vaccinale.
Dans le cadre du suivi de l’évolution épidémiologique et pour contenir la contamination, le département a fait état de «l’émergence de nouveaux», laissant «entrevoir une expansion plus étendue du virus». Dans ce sens, il a rappelé les alertes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur «les régressions» globales «dans les dispositifs de surveillance et la diminution des taux de vaccination, car aucun pays n’est immunisé contre la menace de la rougeole».
C’est à cet effet que le ministère a annoncé «le déploiement d’une campagne nationale étendue pour renforcer la vaccination contre la rougeole». Il s’agit de «limiter la propagation des épidémies et renforcer la riposte», avec l’objectif de «rétablir les niveaux de vaccination des enfants aux niveaux observés avant la pandémie de la Covid-19, qui a entraîné une baisse des taux de couverture vaccinale dans la plupart des régions et provinces du Royaume».
A ce titre, Dr Hamdi assure de son côté que «la vaccination est sure et efficace», même qu’elle reste «le meilleur moyen pour éviter l’infection, la maladie et les épidémies de rougeole». De 2000 à 2021, le vaccin contre la rougeole a sauvé 56 millions de vies à travers le monde.
Dans ce registre, le ministère de tutelle a appelé à l’adhésion des familles, à commencer par les parents et les tuteurs, pour garder à jour les carnets médicaux de leurs enfants dans les centres de santé, où le vaccin est administré gratuitement.