Tout commence début été 2024. La société Sokolaj achète entre 800 et 1 000 tonnes de déchets à une entreprise d’Elbasan – Kurum international, et les revend immédiatement à sa filiale croate, GS Minerals, rapportent les médias albanais, précisant que les deux sociétés ont présenté une facture pour achat « d’oxyde de fer » dont l’exportation est autorisée. 102 conteneurs quittent ainsi Dürres pour le grand port italien de Trieste, où ils sont chargés sur deux cargos de l’entreprise Maersk, le Campton et le Candor. Ils reprennent la mer et longent les côtes africaines. Mais une ONG spécialisée dans la traque des déchets toxiques, le Basel Action network (BAN), prévient Maersk que les conteneurs ne contiendraient pas simplement de l’oxyde de fer, mais des déchets toxiques, en l’occurrence des poussières de four à arc électrique (EAFD, selon le sigle en anglais), classées dans la catégorie des déchets toxiques par la plupart des législations.
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Ces poussières « contiennent généralement un mélange complexe de métaux lourds, dont du zinc, du plomb et du cadmium, ainsi que d’autres éléments comme l’oxyde de fer, et leur stockage doit se faire dans des conditions très strictes », est-il précisé. Chaque année, le commerce de ce seul type de poussière génère 1,4 milliard d’euros, « le prix que les gens paient pour s’en débarrasser », explique le président de BAN, Jim Puckett. Alors que l’ONG demande à Maersk d’interrompre le parcours de ses bateaux afin de faire analyser le contenu des conteneurs, les deux cargos qui étaient près de l’Afrique du Sud, passent en silence radio et accostent à Singapour. Prévenue par BAN, Thaïlande, la destination finale, refoule les conteneurs, parce qu’ils contiendraient des déchets toxiques.
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La compagnie maritime MSC est alors chargée de renvoyer les cargos en Albanie depuis Singapour. Elle décide de remplir sa mission fin août. Aucun pays ne veut accueillir ces déchets. Le Premier ministre Edi Rama s’agace du soupçon de toxicité. « Rien ne prouve que ces déchets sont toxiques », martèle-t-il lors d’une séance de questions au Parlement, refusant que son pays reprenne les déchets. « Si les conteneurs contiennent des matières dangereuses, ils ne peuvent pas être expédiés vers un autre pays sans le consentement écrit du pays exportateur, l’Albanie, des pays de transit, l’Italie, Malte, le Maroc, l’Afrique du Sud et Singapour, et du pays importateur, la Thaïlande », rappelle BAN dans une lettre ouverte adressée aux autorités albanaises.
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« Aucun de ces pays n’a donné son consentement et, par conséquent, s’il s’avère que les conteneurs contiennent des déchets dangereux, les expéditions constituent un « trafic illicite » au sens de l’article 9 de la Convention de Bâle. Une infraction pénale », ajoutera l’ONG. Le 26 septembre, le Campton et le Candor sont répartis entre l’Afrique et l’Europe : l’un en Égypte et l’autre en Italie.