Lors d’un événement parallèle organisé en marge des travaux du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU à Genève, le Maroc a réaffirmé son engagement en faveur d’un tissu entrepreneurial respectueux des droits humains. La rencontre a mis en lumière les avancées nationales en matière de dialogue social, de gouvernance d’entreprise et d’égalité de genre, tout en inscrivant ces efforts dans une dynamique régionale et internationale.
Vers une convergence Afrique-Monde arabe sur l’entreprise responsable
Pour Habib Belkouch, délégué interministériel aux droits de l’Homme (DIDH), la participation du Maroc à ce forum vise à « élargir le cercle des porteurs du projet des droits humains », en y intégrant pleinement les entreprises. Il a souligné que ce sujet, devenu central dans les débats des Nations Unies, s’inscrit dans les réflexions actuelles autour d’un traité international sur les entreprises et les droits humains. Le Maroc, a-t-il précisé, « apporte à Genève les conclusions du Forum Maroc-Afrique de Marrakech », organisé récemment, pour contribuer à l’élaboration d’une approche partagée entre le monde arabe et l’Afrique.
Belkouch a mis en avant trois axes majeurs des politiques marocaines :
- La protection des droits des salariés, encadrée par une nouvelle législation sur le droit de grève, qu’il qualifie de « loi équilibrée, qui protège à la fois les travailleurs et les intérêts de l’entreprise ».
- La lutte contre le travail des enfants, rappelant que « la place de l’enfant est à l’école ».
- La promotion de la parité dans la gouvernance des entreprises, avec un objectif légal d’atteindre 30 % de femmes dans les conseils d’administration d’ici 2024 et 40 % en 2027.
La CGEM en première ligne
Représentant la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM), Youssef Alaoui a rappelé que le secteur privé marocain est composé à 95 % de TPE et PME. La CGEM, qui fédère plus de 90 000 membres, s’est imposée comme un acteur structurant du dialogue social et de la gouvernance économique.
Elle a développé, depuis 2007, des codes de bonne gouvernance adaptés à toutes les tailles d’entreprises, récemment consolidés par un baromètre annuel de la gouvernance responsable. En matière de responsabilité sociétale, la CGEM a délivré plus de 150 labels RSE, désormais reconnus au niveau européen via le réseau Responsibility Europe. Un label PME responsable a également été lancé pour accompagner les petites structures.
Sur le front social, Youssef Alaoui a salué l’instauration d’un dialogue social tripartite structuré entre gouvernement, syndicats et patronat, ayant notamment permis une revalorisation de 20 % du SMIG en six ans. Le droit de grève, inscrit dans la Constitution, a été encadré par une loi promulguée en 2024, garantissant à la fois la liberté syndicale et le droit au travail.
Le défi de la parité pour la gouvernance de l’entreprise
Autre avancée de taille selon le président du groupe CGEM à la chambre des conseillers : l’élargissement de l’assurance maladie obligatoire à 86 % de la population, soutenue par une contribution publique de 35 milliards de dirhams. La CGEM a aussi mis en place une académie sociale, formant déjà plus de 100 cadres à la prévention des conflits et à la négociation collective – dont 42 % de femmes.
Insistant sur les liens entre diversité, performance économique et durabilité, Alaoui a défendu une approche où la présence féminine dans les organes dirigeants n’est plus un objectif symbolique, mais un levier de croissance. « Certaines entreprises atteignent déjà 50 à 60 % de femmes dans leur gouvernance », a-t-il précisé. Il a aussi rappelé que le travail des enfants a été réduit de 90 % en vingt ans, passant de 600 000 en 1999 à moins de 60 000 aujourd’hui, et que des clauses anti-travail des enfants seront intégrées aux référentiels RSE, notamment dans les secteurs sensibles (agriculture, BTP, textile).
Un partenariat international salué
Les partenaires onusiens ont salué les avancées du Maroc. Pernille Fenger, Directrice du bureau de représentation du Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) à Genève, a souligné la qualité du dialogue stratégique avec le gouvernement marocain autour de l’égalité de genre et des droits reproductifs, en mettant un accent particulier sur les jeunes, les femmes et les personnes en situation de handicap.
Olga Nilova, spécialiste du programme Business and Human Rights au PNUD, a félicité Rabat pour avoir su réunir plus de 300 représentants de gouvernements, entreprises, syndicats et ONG, et a réaffirmé l’appui du PNUD à la mise en œuvre des Principes directeurs des Nations Unies sur les entreprises et les droits de l’homme.
À travers ce rendez-vous international, le Maroc a tenté d’esquisser un modèle conciliant développement économique, inclusion sociale et respect des droits humains. Un pari complexe, mais porteur d’une vision : celle d’un secteur privé acteur de la transformation, au service d’une prospérité partagée.