Après avoir relaté, dans le sixième épisode, son évasion de Tindouf et la fondation de «Khat Achahid», Mahjoub Salek s’exprime auprès de Yabiladi sur la présence de son mouvement dans les camps du Polisario, ainsi que sur les raisons qui l’ont poussé à ne pas rentrer définitivement au Maroc.
Dans ce septième volet de notre entretien avec Mahjoub Salek, il nous révèle que «Khat Achahid», actif à Tindouf, en Europe, en Mauritanie et au Maroc, a réclamé l’organisation d’élections démocratiques. «Cependant, tant que le Polisario est conscient de notre présence à Tindouf et redoute les résultats, il persiste dans ses mises en scène, organisant des congrès où les résultats des urnes sont prédéfinis», explique-t-il. Il ajoute :
«Les mêmes figures occupent les mêmes postes depuis des années. Il n’y a pas de solution, ni de bonne volonté pour en trouver une. Tout le monde attend les directives d’Alger, qui souhaite maintenir le conflit car elle en tire profit. Les Sahraouis des camps sont les premières victimes de cette situation.»
Une situation complexe
Mahjoub Salek estime que les plus touchés sont «les femmes, les personnes âgées et ceux qui ne peuvent pas travailler. C’est un peuple qui souffre de plus de 42 ans d’errance…». Il regrette également que l’Union du Maghreb arabe (UMA) soit biaisée, compliquant davantage la situation : «Les plus sages parmi les Marocains, les Sahraouis et les Algériens doivent travailler ensemble pour mettre fin à ce conflit et servir les intérêts des familles dispersées et de l’UMA.»
Concernant sa décision de ne pas revenir définitivement au Maroc, Mahjoub Salek nous confie qu’il rentre au pays pour des visites familiales «avec un passeport espagnol», tout en s’interrogeant : «Que fait le Maroc pour ceux qui reviennent de Tindouf ?»
«Le Maroc n’a rien fait pour ceux qui ont décidé de revenir. Ils sont dix mille, parmi eux des intellectuels, des responsables, des représentants tribaux, des professeurs et des journalistes. Le Maroc les a laissés à la marge, leur accordant seulement une carte d’entraide nationale. Ils pensaient que nous mourrions de faim dans les camps, mais là-bas, c’était de dignité dont nous avions soif. Lorsque ces gens ont réalisé que le Polisario bafouait leur dignité avec le soutien d’Alger, ils se sont tournés vers le Maroc, mais n’y ont pas retrouvé cette dignité.»
Mahjoub Salek
Notre interlocuteur indique que les conditions de vie ne se sont pas améliorées depuis. Au contraire, selon lui : «Un haut responsable revenant du Polisario m’a dit : ‘Au moins, sous Driss Basri et Hassan II, un fonctionnaire du ministère de l’Intérieur était chargé de nous recevoir pour nous aider à résoudre nos problèmes. Aujourd’hui, plus personne ne s’occupe de ce service au sein du ministère, où nous restons invisibles lorsque nous y allons.’»
Pour intégrer «les premiers concernés» au règlement du conflit
C’est ainsi que l’ex-membre fondateur du Front souligne que «le Maroc n’a rien fait pour ces gens-là. Il y a même des personnes qui œuvrent pour que les Sahraouis ne reviennent pas». Notre interlocuteur considère que si le royaume «se voit comme la mère patrie des Sahraouis marocains, il doit les traiter avec dignité et respect à leur retour au pays».
«Je l’ai dit à plusieurs reprises, les Sahraouis préfèrent de loin la dignité au pain. Le Maroc n’a pas intégré ces revenants comme de véritables acteurs dans le processus de règlement du conflit. Puisqu’ils comptent des ex-membres fondateurs du Polisario, ils auraient bien su l’affronter. Ces personnes ont été exclues de ce processus et le dossier a été confié à d’autres, qui ne savent même pas situer le Sahara sur une carte.»
Mahjoub Salek raconte également qu’un élu des provinces du sud lui a confié ne pas avoir de pouvoir de décision concernant le conflit : «Comment pourrions-nous intervenir alors que les premiers concernés ne sont pas sollicités à cet effet ?» Il ajoute aussi que «rien ne motive les Sahraouis à revenir au Maroc» et affirme avoir connu personnellement des amis qui ont regretté ce retour. «Si le Polisario prétend représenter les Sahraouis, ces dix mille revenants les représentent réellement. Laissez-les participer au règlement du conflit», rétorque-t-il.
Des erreurs à éviter
Notre interlocuteur déplore que le Maroc «commette des erreurs qui servent le Polisario, comme son traitement de l’affaire Aminatou Haïdar et Guerguerate. L’État profond doit revoir avec courage et responsabilité son comportement dans ces situations et déléguer la gestion de ces affaires à ceux qui s’y connaissent le plus». Cela dit, Mahjoub Salek nous indique jouir de sa pleine liberté de circuler au Maroc :
«Je le dis clairement, à chacune de mes venues au Maroc, je ne suis jamais inquiété sur mes droits, personne ne me demande de présenter mes papiers à part pour le contrôle de l’aéroport. Je circule ici librement, je discute avec qui je veux de ce que je veux, en toute liberté et ouverture. Le Maroc d’aujourd’hui n’est pas celui que nous avions quitté dans la contrainte, en 1974.»