Le Maroc est au cœur d’une vague de chaleur intense, accompagnée de vents secs et chauds de Chergui, qui devrait durer jusqu’à vendredi. Dans le sud du pays, les températures dépassent les 46°C, tandis que sur le littoral, elles restent élevées, autour de 33°C à Casablanca, El Jadida, Essaouira ou encore Safi.
Ce nouvel épisode caniculaire n’est pas un cas isolé. Pire encore, il reflète une réalité de plus en plus fréquente dans la région. Comme de nombreux pays méditerranéens, le Maroc est devenu un véritable point chaud du réchauffement climatique, subissant une augmentation des températures extrêmes à un rythme bien plus élevé que la moyenne mondiale.
En effet, la hausse des températures figure parmi les principaux risques climatiques pour le pays, aux côtés de la baisse des précipitations, de la multiplication des événements météorologiques violents, de la désertification et de la montée des eaux. C’est ce que rappelle le dernier Profil de Risque Climatique de la Banque mondiale pour le royaume.
Par ailleurs, les projections indiquent une multiplication des journées exceptionnellement chaudes, accentuant les risques pour la santé humaine, les incendies de forêt, ainsi qu’une recrudescence des nuits tropicales, aux conséquences lourdes pour la santé et l’agriculture.
Augmentation des températures minimales et maximales
Les effets de ce réchauffement devraient s’accentuer d’ici le milieu du siècle. Selon la Banque mondiale, dans un scénario d’émissions élevées (SSP3-7.0), la température moyenne nationale, qui était d’environ 18,5°C entre 1995 et 2014, pourrait atteindre 20,2°C entre 2040 et 2059.
Le réchauffement sera plus marqué pendant les mois d’été, notamment dans les régions intérieures de l’Est. Les températures diurnes devraient augmenter d’environ 0,43°C par décennie, tandis que les températures nocturnes passeraient de 12,8°C à 14,5°C. Les maximales journalières, quant à elles, pourraient grimper de 24,1°C à près de 26°C à l’horizon 2050.
Sur la période 1971-2020, le réchauffement au Maroc a dépassé la moyenne mondiale, avec une hausse de la température de l’air en surface de 0,43°C par décennie. Les températures minimales nocturnes ont augmenté de 0,39°C par décennie, tandis que les maximales diurnes ont progressé encore plus rapidement, à hauteur de 0,52°C par décennie.
Les hausses les plus marquées de températures minimales (Tmin > 0,4°C par décennie) ont été observées dans les régions de Béni Mellal-Khénifra, Marrakech-Safi, Drâa-Tafilalet et Souss-Massa, aux abords du Haut Atlas. De leur côté, les températures maximales ont connu une augmentation encore plus importante (près de 0,6°C par décennie) dans l’Oriental, Fès-Meknès et Béni Mellal-Khénifra, englobant le nord de l’Atlas et le plateau aride du Nord-Est.
Jours et nuits chauds fréquents
Ces tendances devraient s’intensifier dans les décennies à venir. Les journées chaudes, dont les effets peuvent être particulièrement nocifs pour la santé, l’agriculture et les infrastructures, risquent de devenir plus fréquentes. Historiquement, entre 1995 et 2014, le Maroc enregistrait environ un mois de journées chaudes par an. Ce chiffre pourrait doubler et atteindre deux mois par an à l’horizon 2040-2059, selon le scénario SSP3-7.0. Le nombre de journées chaudes progresse actuellement de 4,4 jours par décennie, en particulier dans des régions comme Drâa-Tafilalet et Souss-Massa, où les périodes de chaleur extrême pourraient s’étendre sur près de trois mois chaque année.
Près de 38 % de la population marocaine a été exposée à une chaleur considérée comme dangereuse au cours des dernières décennies. D’ici la fin du siècle, cette proportion pourrait grimper à 67 %, avec des pics atteignant plus de 90 % dans des régions telles que Fès-Meknès et l’Oriental.
D’ici 2040-2059, presque toutes les nuits estivales au Maroc devraient dépasser les 20°C. On comptera en moyenne 15 nuits au-dessus de 23°C, 7 au-dessus de 26°C et jusqu’à 3 nuits par an où les températures excéderont les 29°C.
Le nombre de nuits tropicales augmente d’environ 4 par décennie, avec des hausses encore plus fortes – plus de 5 nuits par décennie – dans les régions chaudes de l’Oriental et de Drâa-Tafilalet. Alors que seules 2 % des personnes étaient autrefois exposées à de telles nuits, ce taux pourrait atteindre 22 % d’ici 2075. Dans des régions comme Fès-Meknès, Drâa-Tafilalet et Souss-Massa, jusqu’à la moitié de la population pourrait y être confrontée d’ici la fin du siècle.
Le danger de la chaleur humide
Lorsque chaleur et humidité se combinent, la capacité du corps à se rafraîchir est altérée, rendant les épisodes de canicule encore plus dangereux. Le rapport de la Banque mondiale prévoit qu’entre 2080 et 2099, le Maroc pourrait connaître environ 17 jours par an de chaleur humide à risque. Dans des régions comme Drâa-Tafilalet et Souss-Massa, ces conditions pourraient durer un mois entier chaque année. Ailleurs, on pourrait compter au moins trois jours par an de chaleur humide dangereuse.
Dès 2035, les effets de cette chaleur humide commenceront à se faire sentir dans certaines régions, avec jusqu’à 10 % de la population exposée à Drâa-Tafilalet. Ce taux pourrait atteindre les deux tiers à Fès-Meknès, et un tiers dans la majorité des autres régions du pays d’ici 2075.