Le conseil du gouvernement a adopté, ce jeudi 28 août, le projet de loi n°03.23 modifiant et complétant la loi n°22.01 relative à la procédure pénale. Présenté par le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, le texte suscite la colère d’associations de protection des biens publics. Elles dénoncent les «obstacles» dressés par l’exécutif devant les actions de la société civile en vue de porter des plaintes contre les élus soupçonnés de dilapider les deniers publics.
«Il n’est pas possible d’effectuer des investigations et d’intenter une action publique concernant des délits portant atteinte aux biens publics, sauf à la demande du procureur général près la Cour de cassation en sa qualité de chef du ministère public, sur saisine du la Cour des comptes, soit sur demande accompagnée d’un rapport de l’Inspection générale des finances ou de l’Inspection générale de l’administration territoriale (relavant du ministère de l’Intérieur, ndlr), des inspections générales des ministères ou des services compétents, soit sur saisine de l’Instance Nationale de la Probité, de la Prévention et de la Lutte contre la Corruption, ou tout organisme expressément autorisé par la loi à le faire», annonce le texte.
Anti-constitutionnel ?
Un texte qui a scandalisé Mohamed El Ghalloussi, président de l’Instance Nationale pour la Protection des Biens Publics au Maroc. «L’article 3 a pour objectif de priver la société, personnes et groupes, des outils et moyens légaux, juridiques et procéduraux pour lutter contre la corruption et les pilleurs de fonds publics, conformément au principe de lier la responsabilité à la reddition des comptes», a-t-il indiqué, dans des déclarations à Yabiladi.
Cet article 3 contrevient à l’article 1 de la loi fondamentale du 1er juillet 2011 qui dispose que «le régime constitutionnel du Royaume est fondé sur la séparation, l’équilibre et la collaboration des pouvoirs, ainsi que sur la démocratie citoyenne et participative, et les principes de bonne gouvernance et de la corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes», a affirmé Me El Ghalloussi.
«Ce verrou traduit la volonté claire d’un courant qui profite de l’enrichissement illicite, de la rente, et de la corruption, pourcontinuer à bénéficier des postes de responsabilité publique à des fins personnelles.»
Me El Ghalloussi
En avril 2022, le ministre de la Justice avait mis en garde contre des «opérations de chantage» menées par des associations de protection de biens publics qui nuisent «à la légitimité des présidents des communes». «Ces ONG n’ont aucun droit de déposer des plaintes contre des présidents de communes», avait-il martelé.
Le projet de loi n°03.23 modifiant et complétant la loi n°22.01 relative à la procédure pénale sera examiné, dans les mois à venir, par les deux Chambres du Parlement.
Dans son article 12, la constitution souligne que «les associations intéressées à la chose publique, et les organisations non gouvernementales, contribuent, dans le cadre de la démocratie participative, à l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des décisions et des projets des institutions élues et des pouvoirs publics».