Condamné en mars 2022 par la cour d’assises des mineurs de Pontoise à sept ans de prison pour le viol d’une étudiante de 22 ans dans le bois de Taverny (Val-d’Oise) en août 2019, Taha O. est sorti de prison le 20 juin 2024 après cinq ans de détention, puis placé en centre de rétention, en attendant son expulsion vers le Maroc. Mais il sera finalement remis en liberté le 3 septembre. Deux semaines plus tard, il est arrêté en Suisse en tant que suspect du viol et du meurtre de Philippine, une étudiante dont le corps a été retrouvé dans le bois de Boulogne (Paris).
À lire : Un Marocain arrêté pour le meurtre de Philippine
Dans une interview accordée au journal Le Parisien, Me Laura Beauvais dit ne s’être jamais doutée que Taha O. allait récidiver. « La dernière fois que j’ai vu Taha, c’était après le verdict de la cour d’assises des mineurs de Pontoise. J’avais besoin de le voir pour savoir dans quel état d’esprit il était et comment il avait accueilli le verdict. Et j’ai eu le sentiment qu’il avait l’air d’aller mieux… À l’audience, il a reconnu les faits de viol après avoir longtemps nié durant l’instruction… et j’avais le sentiment d’une véritable prise de conscience. Cela paraît difficile à entendre aujourd’hui, mais il m’a dit qu’il avait beaucoup de projets, comme passer son baccalauréat. Il rêvait de devenir comptable ».
L’avocate pénaliste a également fait de troublantes révélations sur la vie « chaotique » du jeune Marocain. « Taha a connu une enfance particulièrement chaotique. Au Maroc, il a vécu des choses extrêmement dures : il a vécu avec un copain dans un parking et il y a une histoire étrange autour de ses origines. On lui a toujours dit depuis petit que sa mère était morte dans son sommeil. Mais lorsqu’il était incarcéré à Nanterre, une femme s’est signalée comme étant sa génitrice, sans que cela ait pu être vérifié. Elle n’a jamais obtenu les autorisations de visite et n’a plus donné de nouvelles ensuite », raconte-t-elle.
À lire : Un Marocain sous OQTF accusé de tentative de meurtre à la sortie d’une gare
Elle poursuivra : « Ensuite, à l’adolescence, le père de Taha l’a emmené en Espagne en lui disant qu’il s’agissait d’un voyage. En réalité, il l’a littéralement abandonné dans la rue, dans ce pays qu’il ne connaissait pas, pour partir refaire sa vie avec une femme en Allemagne. Il pensait que Taha s’en sortirait mieux tout seul en Espagne qu’au Maroc ». Taha O. s’est ensuite retrouvé en France où il a été placé dans un foyer pour mineurs isolés à Taverny. « Les éducateurs le décrivaient comme quelqu’un de bienveillant et à l’écoute. Je sais qu’à la lumière de ce qu’il s’est passé, cela peut sembler déplacé, mais il avait une belle personnalité d’après ce qu’ils disaient », confie Me Beauvais.
L’avocate de Taha fait savoir en outre que, selon le rapport des éducateurs, le Marocain de 22 ans « avait des capacités intellectuelles élevées, en particulier en mathématiques. Il lisait beaucoup, allait régulièrement à la bibliothèque. Lors de son incarcération à la prison des mineurs de Nanterre, il a été scolarisé et faisait ses devoirs avec sérieux, avec une volonté de s’en sortir. ». Malheureusement, il a « basculé » après son transfert dans le secteur des majeurs. « Je le voyais : il allait très mal et était dans une grande solitude. Il y a plusieurs alertes émises à la justice sur le fait qu’il risquait de s’en prendre à lui-même. On craignait un suicide, pas une récidive », conclut la pénaliste.