Une étude récente du cabinet de recherche marocain Sunergia dresse un tableau détaillé du paysage linguistique du Maroc en 2024. Les résultats soulignent la prédominance de la darija, l’omniprésence du français dans le milieu professionnel, le rôle institutionnel de l’arabe classique et l’essor de l’anglais surtout chez les jeunes, influencés par des dynamiques sociales, économiques et technologiques.
Publiée en avril 2025, l’étude se base sur les réponses de 1 019 participants, recueillies entre septembre 2023 et début 2024. Elle s’intéresse principalement à la maîtrise des langues et aux contextes dans lesquels elles sont utilisées.
En 2024, le darija reste la langue dominante au Maroc, parlée couramment par l’ensemble des répondants et considérée comme langue maternelle par 94 % d’entre eux. C’est la langue la plus utilisée aussi bien dans la sphère personnelle (94 %) que professionnelle (69 %), ainsi que dans l’écriture pour les échanges personnels (69 %) et professionnels (39 %).
L’arabe classique est maîtrisé par 29 % des Marocains, avec une présence plus marquée chez les jeunes (34 %), les citadins (37 %) et les classes sociales supérieures (44 %). Malgré une utilisation limitée dans la communication personnelle (2 % à l’oral et 9 % à l’écrit) et professionnelle (8 % à l’oral, 10 % à l’écrit), il joue un rôle essentiel dans l’éducation, l’administration et les médias.
L’amazigh est parlé couramment par 25 % des sondés, avec 21 % le considérant comme leur langue maternelle, notamment dans le sud du pays (39 %). Il est plus souvent utilisé dans les conversations personnelles (19 %) que dans les contextes écrits (8 %) ou professionnels (moins de 8 %).
Le français continue de s’imposer dans le milieu professionnel
Bien qu’il ne soit pas une langue officielle, le français reste largement parlé, avec 19 % des Marocains le maîtrisant couramment. Son usage varie selon l’âge et la classe sociale, atteignant un pic chez les moins de 34 ans (24 %) et les 55-64 ans (18 %). Le français est particulièrement présent dans la communication professionnelle, notamment à l’écrit (32 %) et à l’oral (31 %), surpassant souvent le darija dans les échanges écrits. Son utilisation est également nettement plus élevée parmi les classes sociales aisées (43 %) comparativement aux classes moins favorisées (6 %).
L’anglais est parlé couramment par 9 % des Marocains, avec une présence notable chez les jeunes (17 %), les urbains (12 %) et les classes sociales supérieures (22 %). Bien que son usage dans les échanges personnels reste limité (3 % à l’oral, 4 % à l’écrit), l’anglais gagne du terrain dans le milieu professionnel (7 % à l’oral et à l’écrit).
L’espagnol et l’allemand demeurent marginaux, chacun étant parlé couramment par seulement 1 % de la population, avec une utilisation négligeable tant dans les contextes personnels que professionnels.
Une forte tendance au multilinguisme
L’étude révèle une tendance marquée au multilinguisme parmi les Marocains. Quarante-cinq pour cent sont monolingues, ne parlant que le darija. Trente-quatre pour cent sont bilingues, les combinaisons les plus courantes étant darija + amazigh (48 %), darija + arabe classique (37 %) et darija + français (12 %). Le profil darija + amazigh est plus répandu chez les 35-54 ans, les ruraux, les habitants du sud et les classes sociales inférieures. Le profil darija + arabe classique est typique des plus de 65 ans, des citadins et des individus aisés. La combinaison darija + français prédomine chez les 55-64 ans, les habitants du centre du Maroc, les urbains et les classes sociales supérieures.
Quatorze pour cent sont trilingues, avec les combinaisons les plus fréquentes étant darija + arabe classique + français (42 %), darija + amazigh + arabe classique (27 %), et darija + français + anglais (21 %). Le profil darija/arabe classique/français est le plus courant parmi les plus de 55 ans, les urbains et les classes sociales aisées. Le trio darija/français/anglais est répandu chez les jeunes de 18 à 24 ans.
Enfin, 7 % des Marocains sont polyglottes, parlant quatre langues ou plus. Ce phénomène est plus fréquent chez les jeunes de 25 à 34 ans (11 %), les citadins (9 %) et les classes sociales supérieures (20 %).