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Lalla Aouda, la femme forte des Saâdiens et sainte de Marrakech

Lalla Aouda, la femme forte des Saâdiens et sainte de Marrakech


Si Fatima al-Fihriya est connue pour avoir construit la mosquée et l’Université al-Qaraouiyine au IXe siècle, ceux qui ont suivi ont également connu des figures féminines marquantes. Ainsi, la princesse Fannou aura été la guerrière ayant défendu le dernier bastion des Almoravides (1040 – 1147), Hafsa Al-Rakuniya sera la poétesse andalouse du XIIe siècle et Sayyida al-Horra (1493–1562) la corsaire de Tétouan qui aura tenu tête à l’armée ibérique, au cours du XVe siècle. Lalla Ouda, elle, marquera le XVIe siècle par les repères architecturaux saadiens (1509–1660) qu’elle fera construire, en plus d’être une conseillère proche de son fils, le sixième et célèbre sultan saâdien Ahmed al-Mansour Dahbi (1578-1603).

Massouda al-Wizkitiya (1532-1590) est connue en effet pour avoir été l’épouse du sultan saâdien Mohamed ech-Cheikh, qui a régné de 1554 à 1557 avant son assassinat par Hassan Pacha, fils de Kheir ad-Din Barberousse, en représailles à la prise de Tlemcen. Fondateur du royaume d’Alger en 1515, l’aïeul a d’ailleurs été un allié majeur de Sayyida al-Horra, avant que celle-ci ne se rallie aux Wattasside (1472–1554) pour freiner l’expansion saâdienne. Mohamed ech-Cheikh finit pourtant par unifier le pays au fil des décennies, mettant fin aux principautés éparses et éliminant ses rivaux parmi les proches. Il force aussi les Portugais à se retirer d’une grande partie des côtes marocaines, en plus de vaincre la dynastie rivale.

Fille du cheikh Aboul Abbas Ahmad ben Abdallah al-Wazkiti, Lalla Aouda est élevée au sein d’une famille qui y a eu un grand rôle, notamment pour le contrôle de la dynastie sur la région du Souss. Dans cet environnement princier porté sur l’instruction et le savoir, son érudition acquise lui permettra davantage de participer au rayonnement des saâdiens et à leur âge d’or. Connue en effet pour sa grande culture en art, en lettres et en religion, elle est même érigée au rang de sainte, qui aura sa place parmi les tombeaux saâdiens de Marrakech.

La mosquée Bab DoukkalaLa mosquée Bab Doukkala

Un grand nom de l’architecture saâdienne et du savoir

Massouda al-Wizkitiya a construit la mosquée Bab Doukkala en 1558, ainsi que plusieurs foundouks, faisant d’elle une figure prépondérante du bâtiment de son temps. Dans son ouvrage «Femmes politiques au Maroc d’hier à aujourd’hui – la résistance et le pouvoir au féminin» (Tarik éditions, 2013), la chercheuse Osire Glacier confirme que la princesse «demeure la seule à s’être entièrement dévouée aux grands projets de construction publique» au XVIe siècle.

On sait même «qu’elle est intervenue dans la sphère publique au moins de trois façons : elle a instauré des projets majeurs de construction, elle a été impliquée dans des œuvres de charité et elle a soutenu son fils dans ses luttes pour le pouvoir», souligne l’autrice. Mais dans le contexte des instabilités politiques après l’assassinat de Mohammed ech-Cheikh, Massouda al-Wazkitia, son fils, son beau-fils Abd al-Malek et sa rivale Sahaba er-Rahmania fuient vers Alger, puis la Tunisie et Constantinople. Ils ne retournent au Maroc qu’en 1576. Deux ans plus tard, Ahmed al-Mansour prend le pouvoir.

Dans ce contexte marqué par l’apogée du règne saadien, d’où le nom donné au sultan (dahbi), «les projets de cette princesse s’inscrivent dans la renaissance culturelle et artistique que le Maroc a connue» avec l’accession de son fils au trône. Par ailleurs, Lalla Aouda est le bras droit indéfectible d’Ahmed al-Mansour, qu’elle soutient dans ses luttes de pouvoir et qu’elle a accompagné jusqu’en Tunisie, en quête de soutien militaire ottoman.

C’est dans cette même époque que le palais al-Badî (le Magnifique) est érigé. En édifiant la mosquée de Bab Doukkala, Lalla Aouda l’a dotée d’une chaire scientifique et d’une bibliothèque impressionnante. «Des décennies plus tard, ses enfants et petits-enfants ainsi qu’un ensemble de personnes intéressées par l’avancement des sciences ont honoré l’œuvre de la princesse, en faisant don de livres à cette bibliothèque», écrit Osire Glacier.

Palais El BadiîPalais El Badiî

Un waqf et des œuvres de bienfaisance

Ayant à cœur de pérenniser son œuvre et d’en faire bénéficier sa communauté, Massouda al-Wazkitia a affecté un waqf (habs) pour les futurs frais d’entretien et de fonctionnement de sa mosquée. Cette donation à perpétuité a fait du lieu une œuvre d’utilité publique, dont l’usufruit a permis à de nombreuses femmes de participer au développement.

A ce titre, l’ouvrage cite un texte des habous daté du 26 décembre 1586, attestant aussi du leg de la princesse de «la totalité de l’édifice abritant les nouveaux moulins sont installés sur le cours de l’Oued Tasoltant, la totalité de la source d’alMakhalis, à l’extérieur de la porte Taghazout, la totalité du terrain où cette source est située, y compris un jardin qui en dépend et l’eau qui en jaillit – à l’exception du cours qui est réservé aux descendants d’Abou Amr al-Qastali  –, et la totalité des soixante-dix boutiques dans une partie de qissariya d’un quartier commerçant de Marrakech, à l’exception de la moitié de l’une d’elles qui lui revient de droit».

Ces biens ont généré des revenus au fil des siècles, pour assurer le bon service de la mosquée, couvrir les frais des travaux de rénovation ainsi que les salaires des muezzins, des imams et des récitateurs. Au-delà de cet édifice, Lalla Aouda a fait construire des routes, de maisons et de nombreux ponts, dont un sur l’Oued Bani Bssil, un sur l’Oued Fès, un sur la rivière Oum ar-Rabia et un autre sur l’Oued Issil.

Etant connue pour être pieuse, savante, conseillère politique et stratège, mais aussi bienfaitrice, Massouda al-Wazkitia a été enterrée dans la nécropole Qbab as-saadiyine à Marrakech, à son décès en 1590. A Meknès, une place et une mosquée portent également son nom en son hommage.

Tombeaux saâdiensTombeaux saâdiens

Dans la cité ismaïlienne Jamaâ Lalla Aouda, le lieu est fondé pour la première fois par Yaâcoub Ibn Abd A-Haq le mérinide en 1253. Il est ensuite reconstruit entièrement par Moulay Ismaïl, dans le cadre de son projet de faire de la ville la capitale de son royaume. Le chantier dure de 1672 à 1678, pour donner lieu à la première grande mosquée que le sultan a construite dans son bastion.





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